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OuiCréa : société incubatrice des start-up chinoises et françaises

2019-07-03 11:42:00 Source:La Chine au présent Auteur:JULIEN BUFFET
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JULIEN BUFFET, membre de la rédaction

 

L’innovation est aussi vieille que le monde. L’innovation n’est pas tant une affaire de techniques, de protection intellectuelle et de tribunaux. Elle ne suit pas non plus un long fleuve tranquille. Elle est avant tout le fruit d’une histoire qui surgit dans des lieux d’expérience, parfois de confrontation, qui met en rapport notre vécu et nos espoirs futurs, lesquels conditionnent à leur tour les possibilités d’action et donc le résultat même de l’innovation. Autant dire que l’innovation n’ouvre pas subitement vers des horizons infinis, elle offre plutôt un cadre d’action limité en perpétuel renouvellement qui permet d’imaginer ce qui peut l’être. L’innovation ne se résume donc pas à une glorieuse marche vers l’avenir, son horizon est celui d’un « futur passé ». L’élargissement des possibilités d’action et l’accélération des apprentissages ne deviennent réellement optimaux qu’en jouant sur les variations des situations d’expérience, c’est-à-dire sur le dialogue des cultures.

 

Treize ans de réflexion et une opportunité
 
Originaire de Shanghai et fier de sa ville natale qu’il affectionne particulièrement, Li Tianlun a fondé en 2015 la société sino-française OuiCréa (avec un siège à Paris, Shanghai et Suzhou) et a mis en pratique le dialogue des cultures au service de l’innovation. Li Tianlun arrive en France en 2002 où il réussit de brillantes études dans une école d’ingénieur, obtient le grade de docteur en sciences à Paris XII avant d’entrer à Suez environnement puis GDF Suez devenu Engie.

 

En 2010, Li Tianlun crée l’Association des Chinois à l’étranger pour la création d’entreprises (ACECE), car il constate que les entrepreneurs chinois en France sont moins fédérés. L’ACECE a donc pour vocation d’aider les entrepreneurs chinois en France à développer des relations d’affaires avec la Chine, voire à s’y installer. « Une fois créée, la communauté commence à grandir, de plus en plus d’étudiants chinois décident d’entreprendre, qu’ils soient en Chine ou en France. Il s’agit d’aider les entrepreneurs chinois en France à leur faire redécouvrir la Chine, sachant que l’écosystème du pays évolue très vite. » L’ACECE se concentre ainsi sur le soutien à la création d’entreprise, mais la forte demande des adhérents fait surgir la nécessité de créer une autre structure plus pérenne, avec un lieu d’accueil physique, et centrée sur les fonctions d’incubateur et d’accélérateur des start-up. OuiCréa est donc l’aboutissement d’une réflexion personnelle et collective qui aura pris 13 ans. Surtout, cette initiative apparaît dans un contexte où la France, grâce à la volonté de Xavier Niel, fondateur de Station F, prend réellement conscience de l’importance de créer un écosystème d’innovation ouvert dans le développement de nos sociétés contemporaines.

 

Pour Li Tianlun, c’est ce qu’il manquait pour donner à son projet une toute autre dimension : « Station F est une très longue histoire. On savait que Xavier Niel souhaitait investir dans l’entrepreneuriat et aussi construire un écosystème autour des start-up. On a commencé à connaître Station F en 2016. On s’est alors dit que c’était un très grand projet et qu’il fallait absolument que la Chine soit présente dans cet écosystème. » Une superficie de 34 000 m² dédiée à l’innovation est en effet un projet sans précédent en France qui va attirer de nombreux autres candidats chinois. Pourtant, seule la société OuiCréa va réussir à devenir l’un des 30 partenaires de Station F grâce à son esprit de communauté et à sa volonté d’intégrer les start-up dans les écosystèmes tant chinois que français. Ce positionnement original a donné un nouvel élan à OuiCréa dans le dialogue entre la Chine et la France sur l’innovation dont Li Tianlun a pleinement conscience : « Nous sommes [OuiCréa] le seul acteur sino-français et de ce fait, notre rôle est vraiment d’établir ce pont entre la Chine et la France sur l’entrepreneuriat et sur l’innovation. »
 

 

Construire des ponts entre les cultures de l’innovation

 

Si la France devient de plus en plus attractive pour les investissements et les entreprises de l’étranger, Li Tianlun tempère toutefois cet optimisme : « Comment attirer les start-up chinoises en France reste un très grand sujet parce qu’à ma connaissance, il y a très peu de start-up chinoises qui vont aller en France pour développer leur business. La première raison est liée à l’immensité du marché intérieur chinois, et la seconde tient aux nombreuses possibilités de lever facilement des fonds en Chine pour une start-up chinoise. » Une start-up purement chinoise cherchera avant tout à vendre son produit en ayant à l’esprit de développer son marché européen, sans prendre forcément en compte les particularités de la France en Europe.

 

Selon Li Tianlun, cette situation est en partie la conséquence d’une méconnaissance de la culture de l’autre. Majoritairement, les patrons des start-up chinoises qui ont la volonté de développer leurs activités en France sont d’anciens étudiants chinois qui ont fait leurs études en France. En plus d’être francophones, ils ont la volonté d’établir et de renforcer des collaborations avec les centres de recherche et les universités par lesquels ils sont passés. Pour cette raison, Li Tianlun insiste beaucoup sur le concept de la « communauté » que procure OuiCréa. C’est en effet grâce aux échanges, rencontres et séminaires entre des délégations françaises et chinoises que les besoins des start-up seront analysés afin de mieux les orienter pour trouver des solutions dans l’écosystème d’innovation français. À ce titre, en tant que partenaire du French Tech Visa, OuiCréa joue le rôle de « facilitateur de business » auprès des start-up chinoises en les faisant bénéficier du passeport talent qui permet aux entreprises étrangères de commencer leurs activités avec de nombreuses facilités. Bien sûr, attirer les entrepreneurs chinois n’est pas le domaine réservé de OuiCréa. Beijing Capital Land, l’une des plus importantes entreprises publiques chinoises dans la recherche et les investissements, avait inauguré en 2016 le premier hub sino-français Eurosity à Châteauroux. Mais pour Li Tianlun, qui a collaboré avec ce dernier, si les projets sont complémentaires, ils n’en sont pas moins différents, car l’idée d’Eurosity est d’attirer les grandes entreprises.

 

Du point de vue des start-up, la promotion de la coopération entre la Chine et la France permet d’exporter dans l’Hexagone des innovations issues du modèle d’affaires chinois centré sur l’économie de partage, l’e-commerce et le système de paiement en ligne, et doit donc être considéré comme l’expression du versant numérique de l’initiative « la Ceinture et la Route ». En effet, comme le souligne Li Tianlun, l’innovation des start-up chinoises est influencée par la « pensée sur le mode Internet » portée depuis 2015 par un vaste mouvement d’entrepreneuriat et d’innovation pour tous, très actif dans les universités chinoises. Cette influence « en mode Internet » en Chine et celle du « Tech for good » en France ont tout à gagner à collaborer. À cet égard, le cas Huawei en France, dont les centres de recherche sont plus présents que ceux des BATX (Baidu, Alibaba, Tencent, Xiaomi), devrait servir d’exemple pour une collaboration intelligente. « On sait que la Chine est en avance sur la technologie 5G. Il y a des opérateurs qui souhaitent appliquer la 5G de Huawei, d’autres préfèrent d’autres technologies, c’est le choix de l’opérateur. Mais sur l’aspect technologique, je crois que la collaboration doit être faite et encouragée entre la Chine et la France », ajoute Li Tianlun.
 

 

VivaTech 2019, l’année de la consécration
 
La collaboration technologique entre la Chine et la France a d’ailleurs été mise à l’honneur lors du grand rendez-vous du mois de mai VivaTech 2019 à Paris, marqué cette année par la présence de Jack Ma et préparé en amont avec Business France en Chine.

 

Créé en 2016, le salon a accueilli en 2019 plus de 9 000 start-up, géants de la technologie et acteurs institutionnels de 125 pays pour encourager la collaboration entre eux. À cette occasion, OuiCréa a franchi un cap important en mettant en place pour la première fois un pavillon Chine de 126 m² (86 m² pour Shanghai et 40 m² pour Nanjing-Jiangning) dédié aux entreprises spécialisées dans la biotech, le bâtiment, les transports, et l’Internet des objets. Sponsorisé par la Commission des sciences et technologies de Shanghai, l’enjeu est de taille pour ces deux villes, car elles souhaitent faire connaître aux entrepreneurs français un plus grand nombre d’entreprises technologiques chinoises en vue de créer de nouvelles collaborations et de développer davantage l’innovation dans les grandes entreprises publiques (corporate innovation). Li Tianlun explique ainsi tout l’intérêt de la corporate innovation : « C’est un nouveau concept pour les Chinois et je pense que c’est ce modèle de corporate innovation qui a beaucoup attiré les villes de Shanghai et de Nanjing qui souhaitent regarder si on peut développer la même forme de salon en Chine. » Selon Li Tianlun, le but du pavillon Chine au Salon VivaTech 2019 a donc été de créer des liens entre les grandes entreprises chinoises publiques et les start-up innovantes externes. Non pas que les grands groupes publics chinois ne sont pas innovants, mais il s’agit d’une innovation en interne avec leurs propres centres de recherche qui n’ont pas encore acquis le réflexe de faire appel à des ressources en externe afin de donner un nouveau souffle à leurs processus d’innovation. « OuiCréa, avec les villes de Shanghai et de Nanjing, essaie justement de créer l’open innovation », souligne Li Tianlun.

 

De ce point de vue, le pavillon Chine, soutenu par la présence de Sun Yuming, ministre conseiller pour la science et la technologie de l’ambassade de Chine en France, a atteint ses objectifs avec la signature de nombreux protocoles d’accord. L’un des plus significatifs, portant sur les technologies de rupture développées par des start-up, a été celui signé par Philippe Nérin, directeur du réseau français des Sociétés d’Accélération du Transfert de Technologies (SATT), et Zou Shujun, directeur adjoint du National Eastern Tech-Transfer Center (NETC) de Shanghai. À l’avenir, le soutien de OuiCréa, en faveur d’une plus grande intégration des start-up chinoises et françaises au mouvement des grandes corporations capables de soutenir l’open innovation, est appelé à prendre plus d’ampleur grâce au partenariat avec Dassault Systèmes (DS). Deux accords ont en effet été signés entre DS et OuiCréa France/OuiCréa Shanghai. Pour Li Tianlun, la plate-forme dédiée à l’open innovation qui est développée par le 3DExperience Lab de Dassault Systèmes crée une opportunité incroyable pour permettre aux start-up, de Chine et de France, d’accéder à un logiciel de modélisation en ligne extrêmement performant qui ouvre la voie aux activités d’innovation transfrontalière.

 

Plus que jamais, le rêve d’un nouvel écosystème d’innovation et d’entrepreneuriat sino-français poursuivi par Li Tianlun et OuiCréa semble à portée de main.

 

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