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Fuchsia Dunlop : ce que la cuisine chinoise m’inspire

2019-01-31 14:52:00 Source:La Chine au présent Auteur:WANG KUAN
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Fuchsia Dunlop, considérée comme la plus grande experte britannique en cuisine chinoise. 

 

WANG KUAN*

 

Dans les années 1990, Fuchsia Dunlop s’occupait de compiler des documents sur l’Asie de l’Est dans une université à Londres. Après avoir lu des articles sur la Chine pendant quelques mois, elle a décidé de se rendre dans ce pays pour le découvrir. Un mois de voyage en sac à dos lui a permis de découvrir divers plats chinois. « Même dans les restaurants les moins chers et les plus modestes, les plats et les soupes que j’ai mangés sont meilleurs que ceux du Royaume-Uni », remarque Fuchsia Dunlop.

 

Sa dernière étape en Chine est Chengdu (capitale du Sichuan). Elle a entendu dire que la cuisine du Sichuan est considérée comme l’une des meilleures cuisines en Chine. Lorsque le goût du poivre du Sichuan « explose » sur la pointe de la langue, elle prend conscience que quelque chose change définitivement dans son corps.

 

Dès son retour à Londres, Fuchsia Dunlop s’est décidée à demander une bourse pour étudier en Chine. Elle a choisi l’université du Sichuan. Comme motif sur le formulaire de demande, elle écrit juste : « pour étudier les politiques envers les ethnies minoritaires de la Chine », elle pensait en réalité à la cuisine du Sichuan.

 

Cette expérience a poussé Fuchsia Dunlop à devenir finalement « la Britannique qui comprend le mieux la cuisine chinoise ». Elle a écrit plusieurs livres en la matière, y compris Shark’s Fin and Sichuan Pepper (L’aileron de requin et le poivre du Sichuan), qui a été traduit en chinois simplifié en 2018. Le metteur en scène du documentaire A Bite of China (La Chine au bout des baguettes) Chen Xiaoqing a montré que parmi les œuvres des étrangers sur la cuisine chinoise, les mots de Fuchsia Dunlop sont les plus vivants, les plus intéressants et les plus précis. Par la description de l’apparence et de la saveur des plats, elle a réussi à faire connaître la Chine à ses lecteurs, un pays doté d’une tradition très ancrée et en pleine mutation.

 

Déguster la gastronomie mondiale

 

Depuis l’enfance, Fuchsia Dunlop avait l’occasion de goûter les nourritures venant des quatre coins du monde que les étudiants de sa mère, enseignante d’anglais à l’université d’Oxford, apportaient chez elle.

 

Fuchsia Dunlop aime toujours faire la cuisine, en rêvant de devenir cuisinière. À Chengdu, elle peut enfin profiter bien de la gastronomie et de la cuisine.

 

Depuis la dynastie des Tang (618-907), Chengdu est réputée pour la lenteur de son rythme de vie et sa gastronomie. Elle rappelle à Fuchsia Dunlop les villes méditerranéennes, dans lesquelles on mène une vie très confortable sans travailler dur, grâce au climat agréable et au sol fertile. À Chengdu, les habitants peuvent passer toute la journée dans un salon de thé sans se sentir coupables.

 

La gastronomie chinoise est généralement divisée en quatre grandes cuisines régionales : la cuisine du Shandong qui est luxueuse, la cuisine de Huaiyang qui est légère et délicate, la cuisine du Guangdong qui fait attention aux saveurs naturelles et la cuisine du Sichuan qui est la plus populaire. L’atout de la cuisine du Sichuan consiste à créer des goûts miraculeux avec des ingrédients ordinaires. Par exemple, il n’y a pas de poisson dans le plat yuxiangqiezi (l’aubergine piquante et poivrée au goût de poisson) que Fuchsia Dunlop aime beaucoup ; les ingrédients de base comprennent simplement l’aubergine et un peu de porc.

 

Presque tout le monde à Chengdu est un fin gourmet. Dans cette ville chaleureuse, Fuchsia Dunlop est tombée amoureuse du poivre du Sichuan, une épice essentielle pour les plats locaux.

 

Après les cours à l’université, Fuchsia Dunlop aime prendre son vélo et visiter les allées de Chengdu. Elle connaît bientôt parfaitement le nom de tous les plats classiques : le poulet froid à la sauce épicée, le poisson mijoté à la sauce de soja, les rognons de porc sauté, les nouilles dandan, les raviolis à l’huile pimentée… Après avoir découvert son restaurant de nouilles dandan préféré, elle le fréquente tous les jours. Elle s’adonne à la gastronomie locale, ignorant le climat humide, la chaleur étouffante, l’air pollué et les inconvénients de vivre sur une terre étrangère. Mais très vite, elle voudrait en apprendre plus. Elle a alors décidé d’entrer dans une école de cuisine pour recevoir une formation de trois mois sur la cuisine du Sichuan.
 
 
Des Occidentales s’aventurent à goûter des plats épicés du Sichuan.

 

Expérience d’apprenti

 

Son grand enthousiasme pour la cuisine du Sichuan a probablement touché le responsable de l’école, car Fuchsia Dunlop a été autorisée de payer les mêmes frais de scolarité, très bas, que ses camarades chinois. Le matériel d’admission qu’elle a reçu comprend un costume blanc sur lequel est imprimé le nom de l’école, deux manuels scolaires en chinois (l’un sur la théorie de la cuisine et l’autre sur les recettes des plats du Sichuan) et un couteau de cuisine.

 

Elle est la première et également l’unique étrangère de l’école. Britannique, étudiante étrangère, femme, cuisinière, ces étiquettes réunies mettent en relief sa singularité à cette époque-là. On compte à peu près 50 apprentis dans la classe, dont beaucoup viennent de régions rurales. Amicaux mais très timides, ils rougissent facilement quand ils rencontrent Fuchsia Dunlop.

 

Le couteau de cuisine reflète une sagesse orientale : un même outil, d’innombrables façons de l’utiliser. La cuisine occidentale s’assortit d’un grand nombre d’équipements, tandis que la cuisine chinoise s’attache à l’habileté de couper les aliments. Qu’il s’agisse d’un jeune homme musclé ou d’une frêle vielle dame, les cuisiniers chinois maîtrisent bien le couteau de cuisine ; autant pour couper un gros morceau de viande que pour peler un gingembre, un couteau de cuisine est suffisant. Il s’agit d’un outil magique, qui est capable de presque toutes les tâches en cuisine : le dos peut servir à battre la viande ; le manche en bois peut être utilisé comme un maillet pour moudre le poivre en poudre ; les deux faces du couteau peuvent écraser le gingembre sur la planche à hacher. « Le plus magnifique, c’est que la face du couteau peut être utilisée comme une pelle, pour ramasser toutes les choses sur la planche à hacher puis les jeter dans le wok », raconte Fuchsia Dunlop.

 

Au cours de ces trois mois à apprendre la cuisine du Sichuan, Fuchsia Dunlop se lève tôt tous les jours. Elle traverse la ville en vélo, prenant un bol de bouillie ou un bol de raviolis à l’huile rouge comme petit-déjeuner sur la route. Après le cours, elle recherche avec énergie les restaurants qu’elle n’a pas essayés, et quelques fois elle supplie le patron de la laisser entrer dans la cuisine pour apprendre. Voilà pourquoi des patrons de restaurants ou des vendeurs de rue la connaissent bien et la saluent dans la rue : certains disent « Bonjour, cuisinière ! », et certains la laissent entrer dans leur cuisine pour montrer ses compétences.

 

Fuchsia Dunlop trouve que c’est l’art d’assaisonner qui rend la cuisine du Sichuan unique. Les saveurs composées de la cuisine du Sichuan sont vraiment très variées. Les chefs locaux sont doués pour harmoniser des saveurs de base et titiller les papilles gustatives. L’huile rouge, le poivre, le piment frit... Le plat épicé au goût aigre-doux et la soupe composée de produits nourrissants, tout cela est une expérience passionnante ! Elle a d’ailleurs emprunté une expression de l’écrivain britannique Samuel Johnson : « Si vous êtes fatigué de la cuisine du Sichuan, vous êtes fatigué de la vie. » (Les mots originaux : Si vous êtes fatigué de Londres, vous êtes fatigué de la vie.)

 

Changement des points de vue

 

Après être retournée à Londres, Fuchsia Dunlop a commencé à suivre ses études dans un master de recherche sur la Chine. Lorsqu’elle rédigeait son mémoire sur la cuisine du Sichuan, elle s’est aperçue qu’il n’y avait pas de restaurant authentique du Sichuan à Londres, une ville pourtant très cosmopolite, ni de livre de recettes sur la cuisine du Sichuan.

 

En effet, la cuisine chinoise aux yeux des Occidentaux était très compliquée : délicieuse mais mauvaise pour la santé. Les plats chinois étaient considérés comme étant la cuisine d’une nourriture à bas prix faite par des immigrants pauvres et fréquemment destinée à la consommation à emporter. Fuchsia Dunlop comprend que beaucoup d’Occidentaux ignoraient tout simplement que la Chine possède l’une des meilleures traditions alimentaires du monde.

 

« Je pense que le moyen le plus efficace pour changer les points de vue des Occidentaux sur la cuisine chinoise consiste à la publication de livres. Je voudrais leur raconter que la culture alimentaire chinoise est la meilleure au monde, et qu’aucun pays ne peut se comparer avec la Chine dans le domaine de l’utilisation des ingrédients et de la variété des plats », dit Fuchsia Dunlop. Pourtant, son projet lié aux recettes de la cuisine du Sichuan a été rejeté successivement par six maisons d’édition, jusqu’en 2001 où son livre intitulé Sichuan Cookery a été publié au Royaume-Uni et aux États-Unis. Plus tard, cette œuvre a remporté un grand prix décerné par le célèbre magazine gastronomique britannique Observer Food Monthly, et a gagné la réputation d’être « l’un des 10 meilleurs livres sur la cuisine dans l’histoire ». Fuchsia Dunlop est ainsi surnommée « la Britannique qui connaît le mieux la cuisine du Sichuan ».

 

Depuis, Fuchsia Dunlop constate que les points de vue des Occidentaux sur la cuisine chinoise changent rapidement. « Ce changement a commencé il y a dix ans. Nous avons maintenant de très bons restaurants du Guangdong, du Sichuan, du Hunan et restaurants du Nord-Est de la Chine. On a commencé à comprendre que la cuisine chinoise n’était pas aussi simple qu’on se l’imagine. Au fur et à mesure de l’augmentation du statut de la Chine, les gens connaissent mieux ce pays qui est important et devient de plus en plus riche, élevant le statut de la cuisine chinoise. »

 

Aux yeux de Fuchsia Dunlop, les Chinois âgés sont de véritables maîtres de l’équilibre alimentaire. Ils savent réajuster leur structure alimentaire en fonction de la saison, de l’âge et de l’état du corps. Elle dit notamment : « Presque tout le monde sait comment bien manger de manière saine. »

 

« La nourriture moderne occidentale est riche en laitages et protéines animales, tandis que la nourriture traditionnelle chinoise prête attention à la fois à l’équilibre nutritionnel et à l’appétit. Après avoir fait beaucoup de recherches sur la gastronomie et la cuisine, elle reste dans mon cœur le meilleur mode de vie », montre-t-elle.

 

Plus elle apprend la cuisine chinoise, plus Fuchsia Dunlop s’aperçoit qu’elle commence à réfléchir et à vivre comme une Chinoise : les jours pluvieux, les aliments doivent être plus tièdes que d’habitude, il faut ainsi ajouter plus d’huile rouge dans la soupe aux raviolis au petit déjeuner ; les jours chauds et étouffants commandent de manger quelque chose d’acidulé pour se rafraîchir.

 

« Littéralement en chinois, la jalousie en amour se dit “manger du vinaigre”, et les douleurs et les épreuves vécues sont dites “manger des choses amères”. Les vérités de la vie se reflètent en fait dans les mots de la cuisine chinoise », remarque Fuchsia Dunlop. En tant qu’auteur de plusieurs livres liés à la cuisine chinoise, elle dit essayer de noter ses observations avec franchise et précision, pour promouvoir la compréhension entre les différentes cultures.

 

« Si vous baignez dans une culture différente pendant de nombreuses années, elle peut vous changer, et le plus grand changement consiste au fait que vous ne regardez plus le monde d’une seule façon : vous vous rendez compte que toutes les choses sont relatives. C’est pourquoi je crois que les échanges interculturels sont très bons, car ils peuvent améliorer votre empathie et votre compréhension. Cela signifie que vous ne pensez plus que vous avez toujours raison, que vous pouvez traiter le problème sous un autre angle et que vous pouvez respecter les gens ayant un autre point de vue, en cherchant le consensus », conclut Fuchsia Dunlop.

 

*WANG KUAN est une journaliste indépendante.

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