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Shenzhen Futian Fashion Day à Paris : quand les étoffes dessinent des mondes

2025-10-02 22:01:00 Source: Dialogue Chine-France Auteur: SONIA BRESSLER*
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Sous la lumière dorée d’un automne parisien, la Monnaie de Paris s’est transformée en écrin éphémère où se sont conjugués éclat et invention. Le Shenzhen Futian Fashion Day a signé son retour pour une deuxième édition dans la capitale française, offrant bien plus qu’un simple défilé : un manifeste esthétique et culturel où la mode devient langage universel et pont entre les civilisations. Comme l’écrivait Paul Valéry, « le beau est ce qui désespère » — car il suspend le temps, défait les certitudes, et ouvre l’horizon des possibles. 

Ici, la beauté fut dialogue. Dialogue entre Shenzhen et Paris, entre Orient et Occident, entre tradition et avant-garde. Dans ce moment suspendu, les étoffes dessinaient des mondes, et la mode devenait l'art de relier les imaginaires. 

  

Trois écritures de la féminité contemporaine

Au centre de la soirée, trois maisons féminines de Futian ont incarné l’élan créatif de la scène chinoise : NEXY.CO, YINER et Laurèl (Ellassay Group). 

NEXY.CO a ouvert la marche avec sa collection The Time of Mulan. Inspirée de la figure légendaire qui incarne courage et résilience, la maison propose une esthétique qui sublime la beauté intérieure. Comme la fleur de magnolia, la femme y apparaît fragile et forte, capable de transformer « l’instant présent en éternité ». Cette philosophie, que la marque résume en une formule singulière — « la sagesse comme tendance éternelle » — place la mode dans une perspective intemporelle. 

YINER, née en 1996 au sein du YINGER Fashion Group, a choisi The Order of Nature comme fil conducteur. Sa collection s’appuie sur la spirale d’or, symbole universel d’harmonie. Les tissus deviennent alors géométrie vivante, faisant dialoguer la rigueur des mathématiques et la fluidité de la nature. Ici, la mode n’est pas simple ornement : elle traduit la quête d’un ordre intime entre vitalité et structure, une esthétique où Orient et Occident trouvent un terrain d’entente visuel et symbolique. 

Enfin, Laurèl, marque allemande fondée en 1978 et désormais intégrée au groupe Ellassay, a proposé The Eternity of Order. Héritière du Bauhaus, elle puise dans la rigueur allemande et la rationalité architecturale, qu’elle traduit en silhouettes structurées, aux épaules nettes et aux lignes fluides. Les nuances de vert et d’ébène s’unissent à la légèreté de la soie et à la force du lin, dessinant une féminité à la fois intemporelle et résolument moderne. 

Ces trois univers n’étaient pas juxtaposés : ils composaient une même harmonie, rappelant que la création n’est pas affaire d’opposition mais de résonance. Dans ce langage commun, Paris et Shenzhen se reconnaissaient. 

Futian, incubateur de dialogues

L’événement n’était pas isolé. Il s’inscrit dans une dynamique plus vaste : celle du district de Futian, cœur battant de Shenzhen et moteur stratégique de la mode chinoise contemporaine. 

Depuis trente-cinq ans, Futian a su transformer ses atouts géographiques et économiques en véritable puissance culturelle. En 2024, son PIB s’élevait à 594,8 milliards de yuans, ce qui lui a permis de conserver la première place du classement chinois des « 100 districts les plus compétitifs en matière d’investissement » établi par le CCID. La mode y représente déjà 15 % de la valeur ajoutée régionale, avec plus de 1700 entreprises de taille significative et un chiffre d’affaires de 524 milliards de yuans. 

Ce choix n’est pas anodin : Futian a fait de la mode l’un des trois piliers de son développement, aux côtés de la finance et de l’innovation technologique. Cette stratégie a permis l’essor d’un écosystème où se rencontrent design, commerce et technologie. Le Bay Area Fashion Center (BAFC) en est le symbole : plus de trente marques phares y sont regroupées, dont Koradior, NEXY.CO, YINER et Laurèl. En 2024, ce cluster a généré 15 milliards de yuans de revenus, faisant du quartier de Chegongmiao un pôle incontournable de la création. 

Cette vitalité trouve désormais un prolongement international. Paris, Milan et d’autres capitales accueillent régulièrement les défilés des maisons de Futian. Mais au-delà de la scène médiatique, la coopération se structure : un protocole d’accord signé ce 29 septembre entre la Bay Area Sustainable Fashion Alliance (BASFA) et Luxurynsight, entreprise française spécialisée dans l’intelligence de marché du luxe, en témoigne. Cet accord offre aux créateurs chinois les mêmes outils d’analyse que ceux utilisés par les grandes maisons françaises. Plus qu’un contrat, il s’agit d’un pacte : unir expertise française et dynamisme chinois, dans un esprit de réciprocité. 

« La mode n’est pas seulement affaire de style, mais de vision partagée », soulignait un intervenant. Cette vision se construit pas à pas, au rythme des étoffes qui deviennent autant de symboles d’une mondialisation réinventée. 

  

Quand l’innovation épouse la beauté

Le Shenzhen Futian Fashion Day n’a pas seulement mis en lumière des créations textiles. Il a aussi révélé un futur où l’art et la science avancent main dans la main. 

Le défilé fut accompagné d’une bande sonore inédite, générée par intelligence artificielle et mise en scène par la narratrice Jin Jing. Une expérience immersive qui rappelait que l’innovation technologique, loin de remplacer la création humaine, peut en devenir le compagnon. Comme l’écrivait Gaston Bachelard, « l’invention est la poésie de l’avenir ». Futian illustre parfaitement cette intuition : à travers les wearables intelligents, les avatars numériques ou l’implantation récente de l’école de mode italienne Istituto Marangoni, le district explore de nouvelles formes d’expression qui réinventent les frontières de la mode. 

À Paris, cette démarche trouve un écho naturel. Capitale historique de la haute couture, la ville porte l’héritage d’une tradition séculaire. Shenzhen, elle, incarne le futur d’une créativité alimentée par la technologie et l’ouverture internationale. Loin de s’opposer, ces deux pôles se complètent. Leur rencontre dessine une géographie nouvelle de la mode : non plus centrée sur une capitale unique, mais multipolaire, tissée d’échanges et d’inspirations croisées. 

Modes et mondes : une diplomatie de la beauté

Au terme de la soirée, une impression s’imposait : la mode avait transcendé son rôle de parure pour devenir instrument de dialogue. Entre soie et lin, entre Bauhaus et spirale d’or, entre Mulan et magnolia, c’est une civilisation du partage qui s’est esquissée. 

La mode apparaît alors comme une forme de diplomatie douce. Elle traduit la puissance d’une culture, mais elle le fait dans un langage sensible, accessible à tous. Dans le croisement des formes et des couleurs, elle porte un message de paix et de coopération. 

Stendhal écrivait que « la beauté est la promesse du bonheur ». Ce soir-là, à Paris, la promesse se faisait double : celle d’une créativité féminine libérée et affirmée, et celle d’un avenir commun entre la France et la Chine, où l’élégance et l’intelligence s’unissent. 

Le Shenzhen Futian Fashion Day a rappelé que la beauté, comme la paix, n’est jamais donnée une fois pour toutes. Elle se construit, se tisse, se renouvelle dans l’échange. Dans un monde marqué par les tensions, cette soirée parisienne a offert un horizon différent : celui où modes et mondes s’entrelacent, pour que l’art devienne le messager d’un avenir à inventer ensemble. 

 *SONIA BRESSLER est philosophe et fondatrice de la Route de la Soie – Éditions. 

 
 
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