Le 21 mai 2025, Paris a honoré la journée internationale du thé. Un air du sud de la Chine a soufflé sur la capitale française. Dans l’écrin raffiné du Centre culturel de Chine, l’événement « Le thé harmonise le monde – Rendez-vous du Hunan à Paris » a fait de la capitale française le théâtre d’un dialogue interculturel subtil et inspirant. Organisé en partenariat avec le Département de la culture et du tourisme de la province du Hunan, cet événement n’était pas seulement une célébration du thé, mais une proposition de rencontre sincère entre civilisations.
Des broderies Miao délicatement suspendues, des porcelaines de Liling reflétant la lumière tamisée, des gestes précis de maîtres de thé évoquant les dynasties anciennes... Dès les premières minutes, l’atmosphère imposait le respect. Plus d’une centaine d’invités — artistes, diplomates, journalistes — ont été conviés à une immersion rare : celle où l’on ne parle pas seulement de Chine, mais où l’on est accueilli en Chine, à Paris.
Madame Wang Yin, conseillère culturelle de l’ambassade de Chine en France, a rappelé dans son intervention que « le thé est une sagesse liquide », une passerelle entre les peuples. Grégoire de Gaulle, photographe et petit-neveu du général, a, quant à lui, évoqué son attachement personnel au Hunan, cette « terre rude et généreuse qui sait cultiver autant l’art que la patience ».
Peu de provinces chinoises condensent autant d’héritages que le Hunan. Terre montagneuse, carrefour de minorités ethniques et berceau du Hei Cha — le fameux thé sombre —, elle incarne une Chine profonde, poétique, artisanale. Cultivé sur plus de 24 000 hectares rien que dans le district d’Anhua, le thé y structure l’économie, façonne les paysages et irrigue les récits.
En 2023, ce seul district employait près de 400 000 personnes dans cette industrie millénaire, générant une valeur de 25,2 milliards de yuans. La modernisation n’a pas fait disparaître les gestes : elle les a rendus plus visibles, plus transmissibles. Ce sont ces gestes que les visiteurs ont pu découvrir lors d’ateliers de Lei Cha — thé pilé —, dans un esprit de convivialité communautaire rare.
Au-delà des chiffres, ce sont les saveurs qui ont parlé. Bois humide, champignons secs, notes minérales et sous-bois pour les thés sombres ; fraîcheur herbacée pour les thés verts ; fleurs discrètes pour les thés blancs ; moelleux rare et presque onirique pour le Junshan Yinzhen, thé jaune impérial... Chaque tasse servie devenait un poème en bouche, une invitation au ralentissement, à l’attention.
Car ici, rien ne se vend. Tout se partage. Le thé du Hunan est un art du lien. Il se boit en regardant l’autre, en écoutant le silence. Il ne cherche pas à conquérir des marchés, mais à réenchanter le monde.
Le thé devient ainsi, dans cette mise en scène sobre et délicate, un outil de diplomatie douce. Le Centre culturel de Chine à Paris assume pleinement cette mission de médiation : faire découvrir non pas une Chine idéalisée, mais une Chine sensible, enracinée dans sa diversité. À travers la dégustation, l’apprentissage des techniques, ou encore les récits de planteurs, c’est toute une approche du monde qui se dessine. Une approche lente, respectueuse, ancrée.
Les routes du thé, aujourd’hui, ne sont pas seulement géographiques. Elles sont émotionnelles, mémorielles, symboliques. Elles traversent les cœurs.
Dans un monde agité par les chocs géopolitiques, l’événement du 21 mai à Paris pourrait sembler anecdotique. Il ne l’est pas. Il nous dit ceci : la paix commence peut-être par un goût, une chaleur, une attention. Le Hunan, par sa capacité à maintenir ses traditions vivantes tout en innovant (notamment dans l’agriculture durable et la transformation automatisée du thé), ouvre un modèle de coexistence entre modernité et mémoire.
À l’heure où les grands sommets peinent à tisser un consensus, une simple tasse de Hei Cha murmure une autre voie : celle d’un dialogue profond, lent, humain.
Rencontrer le Hunan à Paris, ce n’est pas seulement découvrir un thé. C’est accepter de se laisser imprégner d’une autre temporalité, d’une autre sagesse. Le thé ne dit pas tout, mais il ouvre. Et c’est sans doute là que réside sa force — dans cette capacité, millénaire, à harmoniser les mondes.
*SONIA BRESSLER est fondatrice de La Route de la Soie-Éditions