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Penser un monde en recomposition : le pari d'une gouvernance mondiale à la chinoise

2025-05-26 11:12:00 Source: Dialogue Chine-France Auteur: SONIA BRESSLER*
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Ce 24 mai 2025, au Centre Events Paris, un moment d’une densité rare s’est joué : le lancement du livre Gouvernance mondiale : ce que dit la Chine, publié aux éditions La Route de la Soie, en partenariat avec l’Academy of Contemporary China and World Studies (ACCWS). L’événement a réuni intellectuels, diplomates, enseignants et étudiants dans un esprit de dialogue ouvert, lucide et constructif. Ce fut l’occasion non seulement de présenter un ouvrage déjà qualifié d’incontournable, mais aussi d’ouvrir un débat sur les fractures et les ponts possibles dans notre monde multipolaire. 

Une polyphonie intellectuelle venue de Chine

L’ouvrage regroupe les contributions de diplomates, chercheurs et penseurs chinois majeurs, pour qui la gouvernance mondiale n’est ni un slogan, ni un système figé, mais une construction en mouvement. Loin des caricatures d’un discours monolithique, ce livre dévoile une polyphonie intellectuelle. Il s’ouvre par une préface qui pose une exigence simple mais ambitieuse : faire entendre la pluralité de la pensée chinoise sur les enjeux mondiaux, dans ses nuances, ses contradictions parfois, et surtout dans sa dynamique propre. 

On y retrouve des textes fondamentaux sur les défis de la mondialisation numérique, les mutations du multilatéralisme, le droit international ou encore la réforme nécessaire des institutions nées de Bretton Woods. Le tout à travers une grille d’analyse sinocentrée mais profondément dialogique. 

Une conférence au cœur du débat mondial

L’événement parisien n’a pas été une simple présentation. Ce fut un moment de confrontation intellectuelle vive, respectueuse, ancrée dans l’actualité. L’un des temps forts a été le rappel par plusieurs intervenants que la Chine ne cherche pas à imposer un modèle unique, mais propose d’élargir le cadre des possibles : sortir du schéma unipolaire, refuser l’uniformisation libérale, et explorer une voie de co-construction, à partir de traditions, d’histoires et de systèmes de valeurs différents. C’était le sens du discours de Hervé Azoulay qui a posé les fondamentaux pour lui d’une nouvelle gouvernance mondiale fondée sur l’équilibre de grandes zones géographiques reconfigurées, repensées.  

Plusieurs prises de parole ont souligné l’urgence d’entendre les propositions chinoises pour réformer la gouvernance mondiale : meilleure inclusion des pays émergents, régionalisation des décisions, redéfinition des institutions internationales afin de répondre aux défis contemporains (climat, IA, inégalités, paix). Le terme de « communauté de destin pour l’humanité » – souvent mal interprété en Occident – a été ici clarifié, replacé dans son horizon philosophique : non comme une hégémonie sous un autre nom, mais comme un appel à la solidarité civilisationnelle. 

Des ruptures profondes, mais un espoir de ponts

Les discussions ont montré combien la fracture idéologique entre Occident et monde chinois s’est accentuée, surtout depuis la pandémie. Les intervenants français ont été nombreux à appeler à un effort d’intelligibilité : trop de discours médiatiques occidentaux caricaturent ou ignorent les idées venues de Chine. Mathieu Grandpierron, professeur de science politique, a rappelé qu’aucune gouvernance mondiale ne sera possible sans une définition partagée de ce qu’est « l’humain ». J’ai également, de mon côté, évoqué la nécessité de repenser la place du corps et de l’émotion dans les institutions. 

L’idée d’un monde multipolaire a été analysée non comme une utopie mais comme un retour au réel, un retour à l’histoire longue, à la diversité des trajectoires, des rationalités, des récits fondateurs. C’est là que le livre lancé ce jour s’inscrit : non comme un manifeste, mais comme une base de dialogue, un matériau intellectuel pour repenser l’avenir commun. 

Une stratégie éditoriale à contre-courant

Dans un monde saturé d’opinions rapides et d’analyses superficielles, la publication de ce volume s’inscrit dans une stratégie rare : celle de la lenteur éclairée, du tissage interculturel, de l’échange par le livre. Comme éditrice, j’ai rappelé que ce travail n’avait pas pour ambition de produire un consensus, mais d’ouvrir un espace. Comme je l’ai écrit dans la préface du livre : « il ne s’agit pas ici d’adhérer, mais de reconnaître ». 

En cela, Gouvernance mondiale : ce que dit la Chine est une proposition de conversation. Non pas une conversation molle ou diplomatiquement lisse, mais une conversation exigeante, qui commence par un principe simple : écouter les mots des autres dans leur langue, leur logique, leur temporalité. 

Une invitation à penser autrement

Le lancement de ce livre, et la conférence qui l’a accompagné, marquent peut-être un tournant dans la réception française de la pensée chinoise contemporaine. Moins d’idéologie, plus de connaissances. Moins de réactions, plus d’interrogations. Pour tous ceux qui croient encore que le dialogue entre civilisations est non seulement possible, mais vital, cet ouvrage est à lire comme un signal : un monde en recomposition appelle une gouvernance réinventée, et pour cela, il faut d’abord se donner la peine d’écouter ce que dit la Chine. Madame Ding Jie, directrice du Centre de recherches des relations internationales de l’ACCWS, a, en conclusion, rappelé que si pour la France il était important d’écouter ce que la Chine a à dire, elle a aussi expliqué toute l’importance pour la Chine d’entendre les voix françaises. “C’est dans cette dynamique que nous pourrons construire des ponts, des dialogues envers les nouvelles générations. Et c’est cette écoute qui rend possibles et prometteuses  les perspectives d'avenir de la coopération sino-française.” 

*SONIA BRESSLER est fondatrice de La Route de la Soie-Éditions 

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