La diversité représentée lors du spectacle Gala (PHOTO : LI XIAOCAO)
Dix-huit résidents de Beijing provenant de différents horizons ont interprété en mai dernier Gala, un spectacle de danse proposé par Body ON&ON, un centre de production culturelle dont le concept central se résume par « tout commence par le corps ».
Dans le monde de la danse, le terme « gala » fait référence aux meilleurs danseurs qui se partagent la scène pour interpréter l’essence de différentes pièces du répertoire. Cependant, ce Gala, mis en scène au théâtre Gulouxi à Beijing, bouscule les codes de la danse ainsi que les attentes du public. Ce ne sont pas les techniques qui sont mises en avant, mais l’énergie et la vitalité libérées par les danseurs. Ceux qui participent, sur scène comme dans le public, peuvent ainsi ressentir un moment de bonheur et de liberté.
La danse appartient à tous
Gala a été créé en 2015 par le Français Jérôme Bel. Il est l’un des représentants de la « non-danse », un mouvement chorégraphique de danse contemporaine né en France dans les années 1990, revendiquant une création scénique transdisciplinaire s’écartant du mouvement dansé traditionnel pour intégrer d’autres éléments de l’art contemporain à la danse.
Depuis sa création, Gala a été joué dans le monde entier. Largement salué, le spectacle offre un large éventail d’interprétations et un cadre flexible permettant de faire ressortir de multiples formes artistiques.
En septembre 2023, la « version Beijing » de Gala avait été jouée au Théâtre Jixiang, et elle a retrouvé son public pékinois près d’un an plus tard. Le spectacle réunit des professionnels de la danse et des amateurs de 7 à 77 ans et de tous les milieux. Comme le souligne M. Bel, « tout le monde a le droit de danser ».
Selon Ge Huichao, productrice de la « version Beijing » de Gala, le casting a été la partie la plus longue du processus de production, car les acteurs sont invités à participer via un réseau de relations. M. Bel a choisi cette méthode pour que le casting se déroule dans une atmosphère amicale afin de ne pas créer de stress inutile.
L’équipe chinoise de production a reçu un cahier des charges fournissant des orientations et des références pour le casting, notamment en indiquant la part des professionnels et des amateurs, ainsi que celle des personnes valides et handicapées. La virtuosité n’est pas un critère discriminant car l’objectif est de « trouver des gens qui aiment danser et sont ravis d’être sur scène », explique Mme Ge.
Représentation de Gala (PHOTO : LI XIAOCAO)
Un microcosme de la vie urbaine
Pendant 70 minutes de spectacle, Gala se concentre sur l’inclusivité et la diversité. En plus des différents types de danse et de styles musicaux, la diversité des caractéristiques physiques et du langage corporel des interprètes est également mise en avant. Comme le dit Xiao Jing, qui s’occupe de la mise en scène de la « version Beijing », Gala offre l’image d’un microcosme de la vie urbaine.
Quand le spectacle commence, les images de théâtres du monde entier sont projetées sur un écran. Les lumières s’allument ensuite et les interprètes montent sur scène les uns après les autres pour effectuer des figures en solo et en duo. Du ballet à la valse en passant par le moonwalk de Michael Jackson, M. Bel fait référence à l’évolution de la danse dans le monde occidental pour la chorégraphie de cette partie, chaque danseur laissant libre cours à son interprétation.
Viennent ensuite les scènes d’improvisation et de danse de groupe. L’équipe de production se contente de donner un cadre aux interprètes sans aller plus loin concrètement. Les costumes et une partie des chansons ont également été choisis par les acteurs eux-mêmes. Il convient de mentionner un moment spécial du spectacle, quand les interprètes sont tous sur scène. Ils enlèvent un élément de leur tenue, le pose par terre, puis en ramasse un autre au hasard pour le revêtir et continuer à danser. Cela signifie que chacun possède une « nouvelle identité », donnant la possibilité de devenir quelqu’un d’autre et de le comprendre davantage.
« Les répétitions avant la première n’ont duré qu’une semaine », se souvient Mme Ge. M. Bel avait déjà peaufiné l’ossature du spectacle et de nombreuses décisions importantes avaient été prises à l’avance, donnant aux danseurs la possibilité de s’intégrer dans le groupe dans un court laps de temps.
Une telle expérience est nouvelle et spéciale pour de nombreux danseurs. Pour les professionnels, ce spectacle de danse « non conventionnel » est en quelque sorte un choc, confie Wang Can, qui dit éprouver sur scène un sentiment de « soulagement ». La liberté et le plaisir qu’elle ressent sont des sentiments qui diffèrent des répétitions ordinaires. La technicité et l’esthétique traditionnelle sont laissées de côté pour permettre de suivre son instinct et de profiter du moment partagé avec le groupe.
Li Wenli, une autre danseuse, travaille comme employée de maison à Beijing et participe au spectacle. Elle a été présentée par l’intermédiaire d’amis. Le fait de voir pour la première fois des danseurs professionnels en répétition a d’abord été une expérience stressante, et elle se demandait si elle pourrait ou non y arriver. Mais Gala lui a permis de se retrouver elle-même, tout en étant soutenue par le groupe. Ce changement d’état d’esprit chez elle confirme aussi le sentiment de nombreux spectateurs, à savoir que la joie et la spontanéité que chacun exprime sont une composante intrinsèque de la danse.
L’importance de la vitalité artistique
Mme Ge a fondé Body ON&ON en 2019 et elle travaille avec M. Bel depuis cette date. L’objectif de son centre a toujours été de développer les arts inclusifs en Chine et dès 2019, elle a lancé Luminous, le premier festival inclusif du pays. Il encourage la coopération et les échanges entre créateurs et participants de différents pays, de différentes communautés et aux capacités différentes en leur offrant une plateforme artistique.
En 2019, Body ON&ON avait prévu d’inviter Gala en Chine et reçu le soutien financier de Xiamen (Fujian) en 2020 pour la « version Xiamen » avec M. Bel. En raison de l’épidémie de COVID-19, elle n’a été jouée qu’en streaming en direct. En 2021, Body ON&ON et l’Institut français ont organisé la projection de la « version Xiamen » de Gala et de Disabled Theater, ainsi que d’une table ronde autour du chorégraphe français.
En juin 2023, Body ON&ON a commencé à produire la « version Beijing » et trois mois plus tard, deux représentations ont été jouées au public. Un an plus tard, elle a été présentée dans le cadre de la 18e édition du festival Croisements, à l’occasion des célébrations du 60e anniversaire des relations diplomatiques entre la Chine et la France.
Body ON&ON se fixe pour but de promouvoir l’intégration sociale à travers l’art et de répondre aux questions sociales par ses projets artistiques. Selon Mme Ge, le théâtre a son importance en tant qu’espace public d’échanges. Body ON&ON valorise l’aspect esthétique et scénique des spectacles, mais aussi les valeurs qu’ils transmettent afin que le public chinois puisse ressentir leur vitalité. « Nous espérons introduire des œuvres contemporaines riches de sens, capables de susciter réflexions et débats », conclut-elle.