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S’échapper du British Museum

2024-01-12 17:02:00 Source:La Chine au présent Auteur:YUAN YUAN
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Exposition des statues en bronze des têtes de 5 animaux du zodiaque chinois au Musée de l’Ancien Palais d’été à Beijing, le 21 octobre 2023 

Ce fut un long voyage. Sept colonnes de marbre blanc qui avaient appartenu à l’ancien Palais d’été à Beijing sont finalement de retour en Chine après plus d’un siècle.

Ces colonnes, qui représentent une fusion des styles chinois traditionnel et baroque européen, auraient fait partie de la zone des manoirs occidentaux construits dans l’enceinte du palais entre les années 1740 et 1760.

Considéré comme l’apogée de l’architecture paysagère chinoise, l’ancien Palais d’été, un lieu de villégiature impérial qui était à l’origine cinq fois plus grand que la Cité interdite au centre de Beijing, a été sauvagement pillé et incendié par des troupes britanniques et françaises en 1860 lors de la Seconde Guerre de l’Opium (1856-1860).

Le palais est progressivement tombé en ruines au cours des décennies suivantes et de nombreuses reliques ont été volées et vendues, souvent à l’étranger. Les sept colonnes de marbre, d’abord collectées par un Norvégien ayant vécu en Chine pendant un demi-siècle, ont ensuite été conservées au Musée de l’art décoratif de Norvège occidentale à Bergen.

En 2013, un entrepreneur chinois a visité le musée et a proposé le rapatriement des colonnes. Cinq ans plus tard, le gouvernement norvégien a approuvé la restitution et ces dernières ont finalement pris le chemin de retour pour la Chine.

Le 13 octobre, une exposition a été inaugurée à l’ancien Palais d’été pour présenter ces colonnes et les photos anciennes qui s’y rapportent. Le précédent objet rapatrié a été une tête de cheval en bronze en 2020.

Un long chemin de retour

Le retour très symbolique des sept colonnes a déclenché une nouvelle vague de discussions en Chine sur les trésors nationaux dispersés à l’étranger.

Le sujet a été largement abordé ces derniers mois en réponse à l’exposition China’s Hidden Century: 1796-1912 (Le siècle caché de la Chine : 1796-1912) tenue du 18 mai au 8 octobre 2023 au British Museum. Environ 300 objets y étaient présentés, dont la moitié provenait du British Museum et l’autre moitié avait été empruntée à 30 prêteurs de différentes nationalités. La plupart d’entre eux n’avaient jamais été exposés au grand public auparavant.

« Aucun Chinois ne peut sortir tout sourire du British Museum », cette phrase qui se répercute en Chine en dit long sur le sentiment compliqué des Chinois qui visitent le musée, car de nombreux objets exposés sont chinois, mais n’ont jamais été vus en Chine.

Aujourd’hui, le British Museum conserve environ 23 000 objets du patrimoine chinois datant du néolithique à nos jours, comprenant des peintures, des gravures, des jades et des céramiques. Deux mille d’entre eux font l’objet d’expositions à long terme.

Un des chefs-d’œuvre du British Museum est la copie d’une peinture chinoise intitulée Les Admonitions de l’instructrice aux dames de la cour et considérée comme sommum de la peinture sur soie de la Chine. Son original n’a pas encore été retrouvé aujourd’hui et seules deux copies sont connues : l’une est exposée six semaines par an au British Museum et l’autre est conservée au Musée du Palais impérial à Beijing.

Au cours de la Seconde Guerre de l’Opium, les troupes britanniques et françaises ont pillé des objets d’art et des artefacts culturels en Chine. Ces objets précieux ont été ensuite envoyés dans des musées et des collections privées à travers l’Europe.

« Cela nous rappelle l’histoire douloureuse et ce que le peuple chinois a subi à cette époque », a écrit un influenceur sur Douyin (version chinoise de TikTok). « Certains objets chinois conservés au British Museum étaient à l’origine conçus par paire, mais ils sont désormais séparés à différents endroits. »

Fin août, deux influenceurs ont publié une série de vidéos intitulée S’échapper du British Museum, racontant l’histoire d’une théière en jade au British Museum, qui se transforme en femme et s’échappe du musée. Avec l’aide d’un journaliste chinois rencontré dans la rue, elle retrouve le chemin de la Chine. La « femme théière » a ensuite visité un musée en Chine, où elle a lu aux objets exposés des lettres provenant de leurs « compatriotes » du British Museum.

« Bonjour Cheval le Grand, je suis Cheval le Petit », écrit un cheval en céramique tricolore de la dynastie Tang (618-907) dans une lettre. « Nous ne nous sommes pas vus depuis 163 ans, mais je n’ai jamais oublié notre promesse de galoper sur notre terre natale ». De nombreux spectateurs ont déclaré avoir été émus aux larmes par cette intrigue.

Parallèlement à la diffusion de ces vidéos, on a appris qu’environ 2 000 objets du British Museum avaient été volés. Peu après, un autre musée à Cologne, en Allemagne, a été cambriolé, entraînant la perte de précieuses porcelaines chinoises des dynasties Ming et Qing (1368-1911).

Ces vols ont amené à s’interroger sérieusement sur les mesures de sécurité dans ces musées et leurs aptitudes à abriter des objets précieux.

 

Les 796 pièces rapatriées d’Italie sont présentées au Musée national de Chine à Beijing, le 28 mai 2019. 

Un changement déjà amorcé

Dans un entretien avec China News Service, Huo Zhengxin, professeur de droit à l’Université de sciences politiques et de droit de Chine, indique que plusieurs musées occidentaux célèbres ont publié conjointement la Déclaration sur l’importance et la valeur des musées universels en 2002, affirmant qu’ils pouvaient assurer une meilleure protection des objets conservés, un des subterfuges pour résister aux demandes de rapatriement de ceux-ci.

Cette affirmation est devenue invalide à la suite des scandales de vols et de cambriolages. Ces dernières années, les appels à la restitution culturelle des pays comme l’Égypte, le Nigeria, l’Éthiopie et la Chine se sont multipliés. En conséquence, un changement s’est produit en Europe et aux États-Unis. La France aurait amorcé ce mouvement en 2017, lorsque le gouvernement français a exprimé sa volonté de restituer une collection de biens culturels à certaines de ses anciennes colonies.

Le rapatriement des reliques chinoises a également avancé ces dernières années. En août, la Suisse a restitué à la Chine cinq objets précieux issus de trafics illicites, dont quatre pièces de porcelaine et une pièce de monnaie, démontrant la volonté des deux pays de renforcer la coopération en matière de protection du patrimoine culturel. Selon les statistiques de la Société du patrimoine culturel de Chine, après la Première Guerre de l’Opium en 1840, plus de 10 millions de reliques chinoises ont été spoliées et transférées à l’étranger. De 1949 à 2019, la Chine a réussi à en récupérer plus de 150 000.

« La récupération des biens culturels est un défi mondial présentant de nombreuses difficultés », souligne M. Huo. « Les traités internationaux n’ont que peu de force exécutoire et ne s’appliquent pas à la restitution des biens culturels », ajoute-t-il. « Je pense que le pays source est le seul endroit propice aux biens culturels », affirme Shan Jixiang, ancien conservateur du Musée du Palais impérial, « car ils sont porteurs de gènes culturels et de riches informations historiques sur leur pays d’origine ».

À la fin de la série S’échapper du British Museum, la « femme théière » se retrouve au British Museum. « Je ne veux pas retourner chez moi en cachette. Avec tous les autres trésors qui errent à l’étranger, je rentrerai un jour de manière honnête », déclare-t-elle.

 

*YUAN YUAN est journaliste à Beijing Information. 

 

 

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