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Cloisonné chinois : de la famille royale à la vie courante

2021-04-02 13:38:00 Source:La Chine au présent Auteur:DENG DI
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法语词典

Une pâte d’émail vitreux est appliquée à la surface de l’objet.

 

La légende raconte qu’au XIIIe siècle, Kubilay Khan (1215-1294), fondateur de la dynastie des Yuan (1271-1368), fit la découverte d’un artisanat raffiné alors qu’il livrait des batailles autour de l’Arabie sur le continent eurasien. Kubilay Khan menait une guerre sans merci, mais il fut tellement impressionné par cet art nouveau qu’il épargna la vie des artisans maîtrisant ce savoir-faire et les ramena captifs en Chine. Ces derniers reçurent l’ordre de fabriquer des objets artisanaux similaires pour des nobles mongols. Et l’ancienne technique d’orfèvrerie qu’ils utilisaient n’était autre que le cloisonné.

 

L’art du cloisonné chinois naquit de la combinaison entre les techniques introduites à cette époque et l’artisanat local du métal émaillé. Les premières techniques introduites virent le jour dans la Grèce antique. Du IVe au VIe siècle, cet art se répandit dans l’Empire byzantin et devint très populaire en Europe. Aux XIe et XIIe siècles, il se propagea vers l’est pour arriver en Perse (aujourd’hui, l’Iran), puis jusqu’en Chine sous la dynastie des Yuan il y a plus de 700 ans.

 

Pour réaliser un cloisonné, les artisans utilisent de minces bandelettes métalliques, généralement du cuivre, qu’ils plient et courbent pour cerner le contour d’un motif décoratif. Elles sont ensuite attachées (généralement soudées) à la surface d’articles en bronze, formant ainsi des parois miniatures qui se rencontrent et créent de petites alvéoles. Ces dernières sont alors remplies d’émail en poudre. L’objet est ensuite cuit, puis une fois qu’il a refroidi, il est possible de le polir pour en éliminer les imperfections et y ajouter du lustre.

 

Sous le règne de l’empereur Jingtai (1450-1457) de la dynastie des Ming (1368-1644), le cloisonné chinois atteignit son paroxysme en termes de beauté et de savoir-faire. Comme l’émail fabriqué en ce temps-là était généralement de couleur bleue, les Chinois lui donnèrent le nom de « jingtailan », littéralement « bleu Jingtai ».

 

Ce « bleu Jingtai », avec ses formes élégantes et ses couleurs vives, jouit depuis toujours d’une bonne réputation dans l’histoire de l’artisanat mondial. En Chine, il est considéré comme la quintessence de la culture du pays.
 
Pour finaliser une œuvre d’art cloisonné « bleu Jingtai », il faut la faire cuire dans un four prévu à cet effet.

 

Un artisanat précieux

 

À la différence des porcelaines chinoises antiques que collectionnaient les gens ordinaires, les articles en émail cloisonné étaient considérés comme un art royal, provenant de la cour et réservé à l’usage de la famille impériale. Les masses populaires n’y avaient nullement accès. En outre, cet artisanat était dominé par la cour impériale, en particulier sous les dynasties des Ming et des Qing (1644-1911), suite à la mise en place d’usines de production dédiées.

 

Dès ses débuts, le cloisonné chinois a intégré des compétences issues des beaux-arts chinois et des éléments porte-bonheur dans la culture nationale. C’est le produit de la rencontre entre divers arts, dont la fonte du bronze, le forgeage et l’émaillage, ainsi que des techniques traditionnelles de peinture et de gravure sur métal.

 

L’art du cloisonné chinois est très complexe. Le procédé le plus délicat consiste à souder les bandelettes de cuivre à la surface du substrat. Pour ce faire, l’artisan doit tenir les bandelettes plates avec une pince et les souder selon le motif conçu. Il s’agit d’un processus très exigeant, puisqu’il doit être réalisé en une fois. L’artisan se doit de comprendre l’image et la structure du dessin (par exemple, les griffes et les yeux d’un oiseau) afin de le rendre vivant. Le plus habile des artistes peut aisément réaliser une fleur épanouie ou un dragon de bon augure en soignant les détails.

 

Autre processus imposant une minutie extrême : l’application d’une pâte d’émail vitreux à la surface de l’objet. L’artisan commence par faire ses mélanges de peinture pour obtenir les couleurs nécessaires selon le dessin, puis embellit l’objet avec. L’émail cloisonné est entièrement fait à la main. La moindre erreur est fatale et peut gâcher une belle pièce.
 
Les artisans utilisent de minces bandelettes de cuivre, qu’ils plient et courbent pour cerner le contour d’un motif décoratif, avant de les souder à la surface d’articles en bronze.

 

L’Usine d’émail de Beijing

 

À compter du règne de l’empereur Jingtai, le cloisonné chinois fut considéré comme un luxe royal jusqu’à la dynastie des Qing. En particulier sous le règne de l’empereur Qianlong (1736-1795), au moment où la force du pays atteignit son apogée, cet artisanat connut lui aussi un nouvel âge d’or.

 

Après l’effondrement de la dynastie des Qing, des décennies de guerre et de bouleversements sociaux plongèrent le peuple dans la pauvreté. L’art du « bleu Jingtai » déclina, jusqu’à être en voie de disparition.

 

Après la fondation de la Chine nouvelle en 1949, le gouvernement attacha une grande importance à la protection des artisanats d’antan. À l’initiative de célébrités du monde culturel, telles que Guo Moruo, Shen Congwen, Liang Sicheng et Lin Huiyin, une équipe de sauvetage des arts et métiers traditionnels fut constituée à l’Université Tsinghua. Qian Meihua, jeune membre de l’équipe, devint quelque temps plus tard une femme maître dans l’art du cloisonné. En 1956, lorsque l’Usine d’émail de Beijing fut fondée, Mme Qian fut désignée premier artisan en chef.

 

Les pièces en cloisonné produites par l’Usine d’émail de Beijing étaient exportées, ce qui contribua grandement au développement économique de la Chine. Après la mise en œuvre de la politique de réforme et d’ouverture en 1978, les produits en cloisonné furent exportés à grande échelle pendant de nombreuses années ; parallèlement, au sein des frontières, ces objets étaient de plus en plus connus et prisés des Chinois. En 2006, cet art du « bleu Jingtai » a été inscrit sur la première liste nationale du patrimoine culturel immatériel.

 

Un modèle de dévouement

 

Zhong Liansheng, actuellement artisan en chef et directeur général de l’Usine d’émail de Beijing, est vu comme l’héritier national de l’art « bleu Jingtai ». Il a commencé comme apprenti dans cette usine en 1978, à l’âge de 15 ans. Après avoir acquis de solides compétences en conception artistique, il s’est consacré à l’étude des techniques derrière le cloisonné. Voilà 43 ans que Zhong Liansheng a franchi pour la première fois la porte de l’Usine d’émail de Beijing et depuis ce jour, il se passionne pour cet art dont il a fait son métier. Pour lui, le cloisonné chinois, c’est toute sa vie !

 

Qian Meihua figure parmi les artistes qui ont profondément influencé Zhong Liansheng au cours de sa carrière. « Mme Qian était ma professeure. C’était une personne d’une grande délicatesse, qui parlait toujours d’une voix douce. Chaque fois qu’elle évoquait son expérience artistique et sa création, un sourire se dessinait sur son visage. Elle se remémorait souvent les jours passés aux côtés de ses maîtres Liang Sicheng et Lin Huiyin à l’Université Tsinghua. Ce qui m’a le plus impressionné chez Mme Qian, c’est son dévouement à l’art. Elle a commencé dans ce secteur alors qu’elle n’avait que la vingtaine et jusqu’à ses 83 printemps, elle a fait preuve d’un dévouement, d’une passion et d’un engagement indéfectibles pour l’art du cloisonné, ce qui m’a grandement inspiré », confie Zhong Liansheng.

 

L’œuvre de Qian Meihua qui l’a le plus marqué est un cloisonné en forme de disque symbolisant la paix. « Je me souviens encore de la scène. C’était en 2004. Elle était chez elle en train de ranger de vieux manuscrits, et c’est alors qu’elle m’a donné un croquis représentant un disque en cloisonné. Elle m’a indiqué que l’année 2005 marquerait le 60e anniversaire de la fin de la Guerre mondiale antifasciste et qu’elle voulait marquer le coup. Elle souhaitait fabriquer un disque de 60 cm de diamètre, avec des motifs inspirés des peintures pariétales de Dunhuang pour former plusieurs cercles concentriques. Dans cette œuvre, les petites pivoines représentent la prospérité, la paix et le bonheur ; et certains petits conifères symbolisent la vitalité de l’humanité. Au centre du disque se trouve des colombes de la paix tenant chacune une branche d’olivier. Nous l’avons aidée à réaliser cette pièce exceptionnelle », raconte Zhong Liansheng.

 

Un art mis à la portée de tous

 

Au palais impérial sous les dynasties des Yuan, des Ming et des Qing, l’émail cloisonné était utilisé comme objet exposé et décoration, ou encore comme ornement sacrificiel. Au fil du temps, Zhong Liansheng et ses apprentis n’ont cessé d’élargir le champ d’application de cet art. En recherchant le juste milieu entre héritage et innovation, ils sont parvenus à ancrer ce savoir-faire dans le quotidien des gens au début du millénaire.

 

L’un des exemples les plus connus associe décorations en bois et œuvres en cloisonné. Il se trouve dans la salle Jixian au Centre international des conventions et des expositions du lac Yanqi à Beijing, principal lieu où s’est tenu le Sommet de l’APEC en 2014. L’on peut voir à l’intérieur de cette salle 18 piliers en bois, des ornements muraux ainsi que des poignées de porte qui tous intègrent des éléments propres au « bleu Jingtai ».

 

En outre, la station de métro Jingtai (sur la ligne 14), située non loin de l’Usine d’émail de Beijing, est agrémentée de motifs de fleurs de lotus en vogue sous le règne de l’empereur Jingtai de la dynastie des Ming. De plus, les murs à l’intérieur de cette station retracent tout le processus traditionnel de fabrication des émaux cloisonnés en vigueur sous le règne de l’empereur Jingtai.

 

De l’avis de Zhong Liansheng, le cloisonné a progressivement gagné en influence ces dernières décennies, le pays n’ayant cessé de promouvoir cet art. Les prix élevés des enchères ont également contribué à la renommée du cloisonné. Zhong Liansheng pense même que le « bleu Jingtai », plus prestigieux et plus mature que jamais, connaît aujourd’hui les plus belles heures de son histoire. Et de surcroît, cet art a fait son entrée dans la vie et dans le cœur des Chinois.

 

Cet art a atteint un tel niveau de sophistication qu’il est à présent difficile d’innover. Zhong Liansheng a deux attentes à l’égard de la jeune génération d’artistes : qu’elle dispose de bonnes bases artistiques et qu’elle soit mue par une grande passion. « De nos jours, les techniques frôlent la perfection : même les lignes simplement esquissées sont déjà impeccables. Pas facile de créer du nouveau dans ce contexte. Mais la vie en elle-même est une source d’inspiration inépuisable. Il suffit de rester à l’affût de ce qu’elle a à nous offrir… »

 

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