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Nacèra Kaïnou : sculpter la biographie avec de l’argile et « modeler » la poésie

2020-11-04 18:31:00 Source:La Chine au présent Auteur:LIU YANQING
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Nacèra Kaïnou

 

Nacèra Kaïnou, sculptrice et peintre française, est plongée dans la création artistique depuis près de 30 ans. Promue au grade de Chevalier des Arts et des Lettres en 2013, elle voit ses œuvres collectionnées par de nombreux musées et galeries d’art à travers le monde. Deux de ses sculptures, celles de Charles de Gaulle et de Victor Hugo, ont été offertes à la Chine par les chefs d’État français.

 

« C’est quelque chose d’extraordinaire, une reconnaissance et une grande fierté », confie Mme Kaïnou. Cet honneur lui a permis d’approfondir sa relation avec la Chine, qu’elle avait déjà visité à plusieurs reprises.

 

Deux bustes de Victor Hugo à l’origine de la relation avec la Chine
 
Revenons, justement, à l’origine de cette relation. Kaïnou est allée pour la première fois en Chine en 2010, année marquée par un double événement : l’Exposition universelle de Shanghai et le 150e anniversaire de l’incendie de l’ancien Palais d’été à Beijing. Deux bustes de Victor Hugo réalisés cette même année par l’artiste ont alors été installés l’un à l’ancien Palais d’été, l’autre à Shanghai.

 

Un an après que l’armée anglo-française eut incendié en 1860 l’ancien Palais d’été, Victor Hugo a écrit dans la Lettre au capitaine Butler : « Un jour, deux bandits sont entrés dans le Palais d’été. L’un a pillé, l’autre a incendié [...] Devant l’histoire, l’un des deux bandits s’appellera la France, l’autre s’appellera l’Angleterre. »

 

D’après Mme Kaïnou, créer un buste de Victor Hugo, ce monument de la littérature qui dénonça le sac de l’ancien Palais d’été au nom de la justice, et participer ainsi à cet émouvant geste d’amitié entre les peuples chinois et français a été « une expérience d’une résonance symbolique exceptionnelle, marquant un tournant inoubliable dans ma carrière ».

 

En 2010, le buste d’Hugo, sculpté par l’artiste française, a donc été dévoilé du côté est du site de Dashuifa dans l’ancien Palais d’été. Il a été offert par plusieurs organisations d’amitié sino-française dont la Fédération des Associations franco-chinoises. Mme Kaïnou a assisté à la cérémonie de dévoilement de la statue en tant qu’auteure. En mai de la même année, l’Expo universelle de Shanghai a ouvert ses portes. Un autre buste d’Hugo créé par Mme Kaïnou a été exposé dans le pavillon français. Quelques mois plus tard, en décembre, il a été installé à titre définitif sur l’avenue de la Comédie de l’Académie de théâtre de Shanghai, à l’occasion du 65e anniversaire de la fondation de cette université. L’œuvre a été offerte par Besançon, ville natale d’Hugo.

 

En tant qu’artiste, Mme Kaïnou a toujours éprouvé un fort intérêt pour la culture orientale et celle de la Chine. Beaucoup de ses sculptures sont créées à partir de figures chinoises, par exemple « Confucius », l’une des œuvres de sa série « Grands personnages ». En façonnant l’image de Confucius, Mme Kaïnou espère montrer une sorte de « quintessence de la sagesse constitutive du peuple chinois ». Un autre portrait, « le petit Afu », a été conçu lors de sa visite à Zunyi dans la province du Guizhou (sud-ouest de la Chine). Durant son séjour, le petit Afu allait régulièrement voir Mme Kaïnou dans les ateliers d’artistes situés aux abords du village. « Je me suis beaucoup attachée à lui, je l’ai donc choisi comme modèle », explique-t-elle. C’est justement le visage qu’elle recherchait, celui d’un « enfant du peuple ».

 

Les sculptures de Mme Kaïnou portent principalement sur les têtes humaines ; ses œuvres, très vivantes, tant du point de vue de la forme que de l’esprit, dégagent souvent une grande force. Cette force découle de sa compréhension des modèles, mais elle reflète également les sentiments éprouvés dans le processus de création. Pour l’artiste française, sculpter, c’est comme écrire de la poésie par le modelage et rédiger une biographie avec de l’argile ; selon elle, le portrait ne consiste pas seulement à reproduire le modèle, mais à montrer également le monde intérieur du personnage. « Il ne s’agit pas d’imiter, mais de révéler », insiste Mme Kaïnou.
 

 

Séjour à Zunyi : découverte de la Chine « rurale »
 
Aux yeux de Mme Kaïnou, ce n’est qu’en posant le pied sur le vaste territoire de la Chine qu’on peut découvrir la beauté de ce pays aux mille couleurs. Selon elle, en plus des grandes villes incontournables comme Beijing et Shanghai, il faut explorer les petites villes, qui possèdent de fortes particularités locales et sont également pleines de charme.

 

En avril 2016, le Festival international d’art de Zunyi s’est ouvert à Zunyi. Plus de 50 artistes français se sont installés dans le bourg pittoresque de Tucheng (district de Xishui) vieux de mille ans, où ils ont échangé et créé sur le thème « Zunyi aux yeux des artistes étrangers », pendant 40 jours. Kaïnou figurait sur la liste des artistes invités qui, durant plus d’un mois, ont beaucoup voyagé dans plusieurs districts, dont Renhuai, Xishui et Chishui, qui ont admiré les paysages magnifiques, écouté les histoires de l’Armée rouge, goûté l’odeur spéciale de l’alcool Xi et visité les habitations de l’ethnie minoritaire miao... À l’issue de cette immersion, près de 300 peintures et sculptures ont été créées, parmi lesquelles 7 œuvres de Mme Kaïnou.

 

Durant son séjour, Mme Kaïnou a été profondément touchée par la gentillesse des habitants. L’échantillon de sol fourni par l’organisateur du festival était trop fragile pour ses créations, mais les villageois sont venus à son secours : ils l’ont emmenée au village de Taoguan (littéralement « pot d'argile ») à 20 km de Tucheng et sont montés dans la montagne pour chercher une sorte d’argile propre à cet endroit, susceptible de satisfaire à ses exigences.

 

Jugeant cette argile convenable, l’artiste l’a utilisée pour créer plusieurs portraits ayant pour modèle des habitants locaux, mais un autre problème est apparu lors de la cuisson des œuvres : le seul four électrique local pouvant cuire des sculptures n’avait jamais accueilli ce type d’argile. Dès lors, Mme Kaïnou est revenue au village de Taoguan, car celui-ci abrite un four à poterie en terre… mais abandonné depuis près de 20 ans ! Avec l’aide des villageois, elle a pu non seulement restaurer le four en terre, mais également fabriquer plus de 100 pots d’argile semi-finis en moins de deux jours, qui ont été placés devant les œuvres à cuire, pour s’assurer que la température élevée de cuisson n’endommage pas ces dernières.

 

Tout le village est venu assister au rallumage du four, près de 20 ans après son abandon. Pour Mme Kaïnou, avoir pu cuire ses œuvres dans un four traditionnel chinois fut sans aucun doute une expérience mémorable. Mais elle conserve bien d’autres souvenirs de son impressionnant séjour : « Les paysages sont absolument somptueux. La population locale tout en sourires et en générosité… tout était parfait… les mots me manquent… »
 

 

Visite à Xi’an : s’imprégner de la Chine « artistique »
 
En tant que sculptrice utilisant l’argile comme matériau de création de base, Mme Kaïnou aspirait depuis longtemps à visiter l’armée en terre cuite de l’empereur Shihuangdi des Qin datant d’il y a plus de 2 000 ans.

 

À l’occasion du Forum international de l’éducation artistique de la Route de la soie et de l’Exposition internationale de peinture à l’huile qui a eu lieu en décembre 2019 à Xi’an, Mme Kaïnou est retournée en Chine et a réalisé son rêve : visiter ce grandiose patrimoine mondial. « J’ai été extrêmement émue de fouler le même sol que ces sculpteurs en 210 av. J.-C. », avoue-t-elle.

 

Durant ce forum, Mme Kaïnou a prononcé un discours intitulé « La fusion et l’innovation dans l’art de la Grande beauté », dans lequel elle a notamment parlé de sa compréhension sur l’art chinois : « La peinture chinoise n’est pas une simple représentation visuelle de ce que l’artiste voit ou imagine, il s’agit plutôt de l’expression d’un mode de pensée, mettant en avant l’harmonie entre l’homme et l’univers, et le dynamisme de cette relation. »

 

Mme Kaïnou apprécie beaucoup les œuvres des artistes chinois contemporains tout en saluant leur intense créativité. Ses voyages en Chine lui ont permis de faire la connaissance de nombreux artistes chinois et de se lier d’amitié avec certains d’entre eux. Pour elle, les échanges et l’amitié font partie des trésors les plus précieux ramenés de ses aventures.

 

« La Chine est un merveilleux terreau d’inspiration », déclare Mme Kaïnou. Aux yeux de l’artiste française, la Chine est un immense pays aux somptueux paysages. Elle dit éprouver le besoin constant de découvrir le monde inconnu et de comprendre ce qui existe au-delà du visible, afin de créer des figures humaines plus réelles et touchantes et de transmettre aux spectateurs la sincérité et la force au cœur de celles-ci.

 

À l’avenir, Mme Kaïnou espère avoir l’opportunité de revenir en Chine et de parcourir la « mythique Route de la soie » : « J’aime les lieux chargés d’histoire, les paysages et les gens qui les habitent », confie-t-elle.

 

*Liu Yanqing est traductrice indépendante.

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