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Xavier Richet : un professeur français amoureux de la Chine

2020-04-30 16:22:00 Source:La Chine au présent Auteur:WANG WEI
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Xavier Richet aime beaucoup les hutong de Beijing. Chaque fois qu’il se rend en Chine, il séjourne dans un hôtel près de Nanluoguxiang. La photo le montre en 2008 avec un collègue à Houhai, à Beijing.
 
Deux jours avant le confinement et la fermeture de toutes les universités en France, le professeur Xavier Richet m’a envoyé un courriel, dans lequel il me racontait que sa femme, sa fille, son beau-fils et lui s’étaient réunis pour passer un moment en famille au cimetière du Père-Lachaise, qu’il estimait être un « lieu sûr » à Paris. Sur la photo qu’il m’avait transmise en pièce jointe, l’on constate que tous les quatre portent un masque, en ce beau jour de printemps ensoleillé, agrémenté d’une douce brise. Une scène à première vue harmonieuse et paisible. Pourtant, il m’a fait remarquer dans son courriel que la situation épidémique de Paris allait en s’aggravant. Dans ce contexte, sa famille avait fait des provisions, en attendant sagement de voir comment évoluerait l’épidémie.

 

Avant de prendre sa retraite, Xavier Richet était professeur à l’université Sorbonne Nouvelle – Paris III et titulaire de la Chaire Jean Monet. Chercheur français renommé sur la thématique de la transition économique, il a assumé les fonctions de conseiller économique pour nombre de pays d’Europe orientale dans les années 1980-1990. Par ailleurs, il est venu en Chine en 1990 pour y enseigner sur une courte période. À cette occasion, il s’est rapproché de la Chine et a élargi ses horizons. Ces 20 dernières années, il s’est consacré à ses recherches sur le développement des entreprises chinoises et est devenu un expert français de grand renom sur les sujets de la réforme des entreprises chinoises, des mécanismes qu’elles mettent en place et du développement innovant qu’elles suivent.

 

La rencontre

 

C’est en 1995 que j’ai fait la connaissance du professeur Richet, par l’intermédiaire de l’un de ses étudiants. Cette année-là, il était venu en Chine pour nouer des nouvelles coopérations scientifiques, avec le soutien du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et de l’ambassade de France en Chine. Sans plus attendre, il a établi une coopération avec mon unité de travail, l’Institut d’économie et de politique mondiales relevant de l’Académie des Sciences sociales de Chine. Une coopération qui a perduré plus de 20 ans. Sur cette base, il a encore promu la coopération sino-française, sino-européenne et sino-européo-indienne dans le monde de la recherche. En parallèle, à plusieurs reprises, des universités chinoises l’ont invité à donner des conférences (par exemple, l’université Sun Yat-sen, l’université Jiaotong de Shanghai et l’université de Wuhan).

 

Né en 1945, le professeur Richet a obtenu son diplôme de doctorat à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne à l’âge de 28 ans. Il a exercé comme professeur dans beaucoup d’universités françaises réputées, à savoir l’université Lumière Lyon II et l’université Paris Nanterre (Paris X). Dans les premières années, il s’est intéressé à la transformation et la réforme des pays post-socialistes, et par la suite, il a effectué des recherches sur la transition des entreprises en Russie et dans les pays d’Europe orientale. Après quoi, il a tourné son regard vers la Chine, puis vers les pays émergents et du BRICS. Actuellement, il mène une étude sur les entreprises dans le cadre de l’initiative chinoise « la Ceinture et la Route ».

 

Vers la fin des années 1990, le professeur Richet et moi-même avons collaboré sur la thématique « Comment s’inspirer des expériences européennes au cours de la réforme des entreprises chinoises ». Pour cette raison, nous avons visité une multitude d’entreprises chinoises et françaises prestigieuses, telles que Citroën, Renault, France Télécom, EDF, Faw-Volkswagen, Dongfeng-Citroën et China Unicom. En outre, d’une part, je l’ai accompagné, aux côtés d’autres chercheurs européens, lors de ses rencontres avec des fonctionnaires et experts issus d’organismes chinois, notamment l’ancienne Commission nationale de planification (aujourd’hui la Commission nationale du développement et de la réforme), le Centre de recherches du Conseil des affaires d’État sur le développement, l’Académie des sciences sociales de Chine et le ministère des Sciences et des Technologies. D’autre part, il a présenté et accompagné les chercheurs chinois lors de leur visite dans des administrations, universités et instituts de recherche français, dont la Commission nationale de planification, le ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie, l’Insee, le CEPII, Sciences Po et l’Institut des sciences humaines et sociales. Cette série de visites nous ont permis de bien cerner les politiques d’ouverture des marchés en France et dans l’UE, ainsi que le processus de réforme que suivaient leurs entreprises. Le professeur Richet nous a également expliqué en détail les changements intervenus dans les politiques françaises ainsi que le phénomène de privatisation des entreprises publiques françaises qui avaient résulté de l’intégration des marchés européens.

 

Je me rappelle qu’une fois, à Faw-Volkswagen, nous avons vu l’annonce « Huitième programme de mise à disposition de logements pour les employés ». Aussitôt, il a pris une photo, en déclarant que cette image serait une preuve historique rare témoignant de la transition qu’allaient entreprendre les firmes chinoises dans les prochaines années. Suite à la crise financière de 1997, un grand nombre d’entreprises privées dans les provinces chinoises du Zhejiang et du Guangdong se sont empêtrées dans une situation difficile. À l’époque, le professeur Richet avait réfuté les nombreuses critiques entendues sur le modèle des entreprises familiales chinoises, indiquant que ces dernières étaient pleines d’abnégation et plus durables, en prenant pour exemple le développement de telles entreprises familiales en Italie. Il a incité la Chine à persévérer dans ses objectifs, à mettre en œuvre la réforme, à se perfectionner et avoir confiance dans l’avenir. Résultat : il avait raison.
 

 

L’amitié

 

En dépit de son vaste savoir, le professeur Richet est un homme modeste, qui sait peser ses mots sans pour autant manquer d’humour. Ce qui m’a particulièrement touchée chez lui, c’est son caractère tolérant et compatissant, ainsi que son respect des différentes cultures. C’est pourquoi il s’entend toujours bien avec les chercheurs avec lesquels il collabore sur des thèmes internationaux. Il écoute patiemment les opinions de tous ses collaborateurs, même s’il s’agit d’un jeune chercheur ou d’un auditeur libre, sans les critiquer ouvertement. S’il présente des idées différentes, il les formule toujours sur le ton de la consultation, prend des notes de son côté lors de la discussion sur les grandes lignes d’un projet de recherche, et respecte en tous temps ses collaborateurs lorsqu’il révise les articles coécrits. Pour les chercheurs chinois qui atterrissent à Paris pour la première fois, chaque fois il vient les accueillir à l’aéroport pour s’assurer qu’ils ne rencontrent pas le moindre incident dû à leur méconnaissance de la capitale française.

 

Je suis vraiment chanceuse d’avoir fait la rencontre d’un tel partenaire dans le cadre de la coopération internationale en matière de recherche. Selon moi, sa gentillesse est attribuable à son humeur débonnaire et à ses multiples expériences à l’étranger. Il ne cesse de mener des recherches sur de nouveaux thèmes, en portant son attention sur les pays en voie de développement. Il compte une foule d’étudiants en Asie, en Afrique et en Amérique latine. Grâce à sa vision internationale, son humilité, sa passion pour l’enseignement et sa curiosité insatiable, il a établi des liens d’amitié durables avec ses étudiants et ses collaborateurs.

 

En plus de 20 ans de coopération, par l’intermédiaire de Xavier Richet, j’ai eu l’opportunité de rencontrer beaucoup de chercheurs parisiens et européens, ainsi que ses étudiants du monde entier, dans son appartement situé au Quartier Latin de Paris (dont la fenêtre du salon donne vue au loin sur Notre-Dame de Paris, sur la rive opposée de la Seine). Certains d’entre eux sont devenus nos collaborateurs communs, et certains sont restés des amis avec lesquels je maintiens le contact jusqu’à aujourd’hui.

 

Le professeur Richet est également connu sous son nom chinois, Li Guowei. C’est moi qui lui ai proposé ce nom. Comme sa fille Daphné a choisi de s’appeler Li Daying en chinois, je lui ai suggéré d’utiliser le même nom de famille. Quant au prénom Guowei, je l’ai sélectionné pour deux raisons : premièrement, le prénom français Xavier est difficile à retranscrire en chinois ; deuxièmement, il me fait penser à un grand maître de la culture chinoise, Wang Guowei.

 

Les retrouvailles après l’épidémie de COVID-19

 

L’épouse du professeur Richet est franco-britannique et a passé son enfance à Paris, où travaillait son père, diplomate. Puis, c’est à l’université qu’elle a rencontré son futur mari, avant de devenir pour sa part une célèbre historienne. Avant de partir à la retraite, elle était vice-présidente de l’université de Versailles.

 

Leur fille a commencé à apprendre le chinois au collège, sous l’influence de son père. Par la suite, elle est partie en Chine dans le cadre d’échanges universitaires et parle aujourd’hui le chinois couramment. Après avoir obtenu sa maîtrise à l’université London School of Economics and Political Science (LSE), elle a occupé un poste à la délégation de l’Union européenne en Chine. Actuellement, elle travaille dans une illustre multinationale française, faisant souvent la navette entre Paris et Shanghai. De plus, côté personnel, elle s’est mariée avec un artiste chinois.

 

Issus de la classe moyenne, le professeur Richet et son épouse font partie d’une génération d’élites européennes qui a grandi dans un environnement paisible, typique de l’après-guerre. Ils étaient passionnés de musique et fans des Beatles étant jeunes. Le professeur Richet m’avait décrit de façon vivante et expressive les jeunes enthousiastes vis-à-vis de la Chine qu’il avait vus brandir le « petit livre rouge » sur les Champs-Élysées en 1968. Un jour aussi, il a conduit ma fille devant l’Hôtel de Ville de Paris pour qu’elle puisse admirer, en restant assise sur le trottoir, le passage d’un convoi diplomatique et la police montée à cheval. À une autre occasion, le couple Richet m’a invitée à participer à la grande fête annuelle de l’Humanité, pour que je voie par moi-même le potentiel de la gauche européenne moderne. Le climat de démocratie et d’esprit logique qui régnait au sein de leur foyer me rendait aussi admiratif qu’envieux.

 

À la fin de l’automne dernier, le professeur Richet était de nouveau de passage à Beijing pour y enseigner. 2020 marque le 30e anniversaire de sa première venue en Chine. Fin mars, à l’heure où j’écris cet article, le COVID-19 a pris de court le monde entier. Face aux cas de contamination en constante augmentation à l’en croire les statistiques mondiales, comme beaucoup de gens, je suis très inquiète et peinée. Je reste en contact étroit avec le couple Richet. Au début, c’étaient eux qui se faisaient du souci pour moi et la Chine ; mais à présent, c’est l’inverse.

 

Le professeur Richet garde son calme et se veut optimiste, se contentant de faire des remarques et des critiques rationnelles. Il est d’avis que nous pouvons vaincre l’épidémie et que bientôt, tout rentrera dans l’ordre. Je lui fais confiance et j’attends avec impatience que nous nous retrouvions, lui et sa femme, à Beijing dès l’automne prochain.  
 
 
*WANG WEI est chercheuse adjointe de l’Institut d’économie et de politique mondiales de l’Académie des sciences sociales de Chine.
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