
Homme à cheval, une œuvre de Zhao Mengfu datant de la dynastie des Yuan
A l’époque des dynasties des Sui (581-618) et des Tang (618-907), en raison de la prospérité sans précédent dans la création de la peinture et de la calligraphie, la collection de ces œuvres par les collectivités et les individus devint une pratique courante. Il en était de même pour appliquer les sceaux sur le papier. Ainsi, apposa-t-on naturellement son sceau sur ses rouleaux de peintures et de calligraphies.
Il existait deux sortes de sceaux appliqués sur les peintures et les calligraphies : l’un était le sceau du collectionneur, à savoir qu’un collectionneur imprimait son sceau sur les œuvres qu’il avait acquises pour marquer que ces œuvres lui appartenaient et qu’il admettait et appréciait celles-ci. Au début, faute de sceaux de collection et d’appréciation spéciaux, seuls des sceaux officiels ou privés furent marqués sur les peintures et les calligraphies. Ces sceaux restèrent presque les mêmes jusqu’à l’époque des Jin de l’Est (317-420). Le sceau de « zhenguan », nom de règne de l’empereur Taizong des Tang et le sceau de « kaiyuan », nom de règne de l’empereur Xuanzong des Tang, représentent les premiers sceaux d’appréciation du collectionneur conservés jusqu’à ce jour en Chine. Plus tard, à l’époque des Cinq Dynasties (907-960) et à celle des Song (960-1279), les familles impériales eurent coutume de collectionner des œuvres peintes et calligraphiées. L’impression d’un sceau du nom de règne d’un empereur ou de celui d’un département du gouvernement sur les œuvres collectionnées était une pratique héritée de la dynastie des Tang. Après la dynastie des Song du Sud (1127-1279), la collection par des individus fut en vogue, et les sceaux du collectionneur se trouvaient sous des formes très variées. Par exemple, s’ajoutèrent sous le nom d’un collectionneur, d’un studio ou d’une firme quelques mots comme « collectionner », « étudier et collectionner », « garder précieusement», « apprécier et collectionner », « peinture collectionnée », « objet précieux », « apprécier », « parcourir des yeux », etc. Tout cela signifie que telle œuvre est collectionnée par tel collectionneur, tel studio ou telle firme. Ainsi, les sceaux du collectionneur sont-ils devenus une sorte de sceau très particulier parmi les sceaux chinois. Une ancienne peinture ou calligraphie chinoise sans l’empreinte du sceau du collectionneur est comme inachevée ou incomplète.
Si les sceaux du collectionneur ne sont pas apposés sur les peintures ou sur les calligraphies, mais sur les livres ou les textes anciens, ils sont appelés alors « sceaux destinés aux livres collectionnés ». Très souvent, ce genre de sceau est imprimé sous le nom d’un collectionneur ou d’une firme.
Une autre sorte de sceau destiné à la peinture et à la calligraphie est appelé le sceau de l’artiste. Il s’agit d’un sceau que les peintres et les calligraphes apposaient sur leurs œuvres. Ce genre de sceau ne figurait pas encore sur les peintures et les calligraphies antérieures à la dynastie des Tang. à partir de la dynastie des Song du Nord (960-1127), les lettrés, tels que Ouyang Xiu, Wen Tong, Su Shi et Mi Fu, apposèrent quelquefois leurs sceaux sur leurs lettres ; après la dynastie des Yuan (1271-1368), les peintres et calligraphes, leurs œuvres terminées, n’oublièrent jamais d’y apposer leurs sceaux. Le contenu du sceau de l’artiste comprend principalement le nom, l’appellation, le surnom et l’origine de l’auteur.
Qu’il s’agisse du sceau du collectionneur ou du sceau de l’artiste, on y voit toujours gravé le nom du studio. Ce genre de sceau fut donc appelé aussi « sceau du studio ». « Duanjushi » fut le sceau du studio de Li Mi de la dynastie des Tang. C’était le premier sceau du studio en Chine, qui figura dans l’Album d’empreintes de sceaux anciennes réalisé par Gan Yang de la dynastie des Ming (1368-1644). Plus tard, la plupart des lettrés donnèrent un nom élégant à leur maison ou à leur atelier et le gravèrent sur leur sceau. Mais parfois, ce nom ne représentait pas forcément une maison réelle, il impliquait seulement l’idéal de la vie d’un lettré. Wen Zhengming, grand peintre de la dynastie des Ming, dit à ce propos : « Mon cabinet de travail est construit dans la plupart des cas sur la surface de mon sceau. » De là, nous pouvons constater que les sceaux des lettrés chinois servent parfois seulement d’une admiration.
De plus, selon la position d’apposition, les sceaux apposés sur les peintures et calligraphies comprennent également le sceau supplémentaire supérieur et le sceau supplémentaire inférieur.
Le sceau supplémentaire supérieur, appelé aussi « sceau de tête », est apposé en haut et à droite de la peinture ou de la calligraphie, dont les caractères indiquent généralement des vers poétiques ou le nom du studio. Différent du sceau en forme carrée du nom d’une personne, il est généralement de forme rectangulaire ou longue.
Le sceau supplémentaire inférieur est apposé en bas de la peinture ou de la calligraphie. Le contenu de ses caractères est identique à celui du sceau supplémentaire supérieur. Il est généralement de forme carrée. Pourtant, on en trouve également d’autres formes, rectangulaire, par exemple. Le sceau supplémentaire inférieur peut jouer non seulement un rôle ornemental dans une peinture ou une calligraphie, mais aussi un rôle limitatif de son format. Lors du montage d’une peinture ou d’une calligraphie, le monteur ne peut pas couper la partie du tableau à l’intérieur de la ligne de touche constituée par le sceau supplémentaire inférieur.
Les sceaux apposés sur les peintures et les calligraphies étaient la particularité la plus frappante des sceaux chinois. Ainsi, la fonction initiale du sceau qui consistait à gagner la confiance a-t-elle évolué vers celle de l’art et marque un tournant dans l’histoire des sceaux chinois.
*NIU KECHENG est diplômé de la faculté d’histoire de l’université de Beijing et du département d’histoire de la GSCASS (Graduate School of Chinese Academy of Social Sciences). Il est maintenant président et chercheur de l’Institut des beaux-arts de l’Académie nationale des arts de Chine. Son œuvre The Coloured Chinese Painting a gagné le Prix national du livre. Il a aussi présidé le projet national de planification des arts « Recherche des couleurs traditionnelles chinoises » et publié une collection Niu Kecheng’s Chinese Landscape Works.