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Tissage-broderie des ethnies tibétaine et qiang : une valeur ajoutée à la mode

2019-07-03 15:55:00 Source:La Chine au présent Auteur:HUANG XIUMEI
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Musée culturel des ethnies tibétaine et qiang de Huazhen de Chengdu
 
HUANG XIUMEI*

 

Dans son atelier installé dans l’arrondissement Jinniu à Chengdu, Yang Huazhen, experte en tissage et broderie propres aux ethnies tibétaine et qiang, donne des conseils à ses ouvrières réalisant des fleurs de camélia et d’azalée au fil et à l’aiguille.

 

Cet art est une combinaison entre le tissage et la broderie de l’ethnie tibétaine et la broderie de l’ethnie qiang, deux pratiques traditionnelles qui ont été inscrites au patrimoine culturel immatériel national respectivement en 2011 et en 2008. Pour Yang Huazhen, héritière de ce patrimoine, ces deux spécialités présentent de nombreux points communs : par exemple, la plupart des thèmes représentés s’inspirent de la nature et les techniques utilisées donnent un rendu relativement rugueux, à la différence des « quatre grandes broderies » de la Chine (broderie Xiang au Hunan, broderie Shu au Sichuan, broderie Yue au Guangdong et broderie Su au Jiangsu) se caractérisant par leur grande finesse.
 

 

Du photojournalisme à la création de son atelier de broderie

 

Yang Huazhen est née en 1957 au district de Xiaojin, dans le département autonome tibétain et qiang d’Aba au Sichuan. Elle est issue d’une famille où l’art de la broderie se transmet de génération en génération. Ainsi, dès l’âge de six ans, Yang Huazhen a appris le tissage et la broderie caractéristiques de l’ethnie tibétaine auprès de sa mère. À 20 ans, elle maîtrisait déjà quasiment toutes les techniques de broderie léguées par ses ancêtres.

 

Mais avant de perpétuer cette tradition désormais introduite au patrimoine culturel immatériel national, Yang Huazhen s’est lancée dans une carrière de photojournaliste pour le quotidien Aba Daily dans la province du Sichuan. Avant cela, elle avait même ouvert un studio photo, dans lequel elle enseignait l’art de la photographie à quatre apprentis. « Au fil de mon métier de photographe, j’ai sans cesse enrichi mes connaissances et affiné mes compétences pour ce qui est du choix de la composition photographique et des couleurs, ce qui m’a été très utile par la suite dans la pratique du tissage et de la broderie. En outre, dès l’enfance, j’ai appris à observer et capturer la faune et la flore dans les montagnes, ce qui m’a permis d’explorer d’innombrables approches de l’esthétique », a déclaré Yang Huazhen, qui estime que son actuelle carrière de brodeuse reste fortement liée à sa région natale et son expérience de photographe professionnelle acquise pendant une trentaine d’années.

 

En 2008, sa région natale a été violemment frappée par un tremblement de terre. Peinée face à tous les débris et aux ruines ça et là, Yang Huazhen s’est interrogée : « Que faire pour aider chacun à reprendre espoir suite à cette catastrophe ? » Elle s’est soudainement sentie investie d’une mission. Elle a alors mis de côté son appareil photo et repris les aiguilles à broder. Puis en compagnie d’une dizaine d’amies partageant les mêmes convictions, elle a quitté les montagnes dans lesquelles elle avait grandi en vue de créer une boutique d’artisanat à Chengdu, boutique dont les bénéfices serviraient à reconstruire sa région natale.

 

Cette année-là, Yang Huazhen et ses amies ont loué ensemble une maison à Chengdu, dont le loyer mensuel s’élevait à 900 yuans. C’est là qu’elles mangeaient, dormaient et réalisaient leurs broderies destinées à la vente. Mais cette aventure n’a duré que trois mois, car en un trimestre, il ne restait déjà plus rien des quelque 10 000 yuans que Yang Huazhen avait pris avec elle.

 

À ce moment critique où les filles n’avaient plus d’économies et n’avaient nulle part où aller, un entrepreneur est venu frapper à leur porte. Non seulement il a acheté toutes leurs œuvres au prix de 380 000 yuans, mais en plus, il a promis de leur fournir un site pour qu’elles puissent fabriquer leurs broderies des ethnies tibétaine et qiang dans de meilleures conditions. Depuis lors, avec l’aide chaleureuse de divers milieux, Yang Huazhen et son équipe ont commencé à marcher sur la voie de la réussite.

 

En 2009, elles ont fondé leur atelier de broderie des ethnies tibétaine et qiang dans le quartier historique et culturel de Wenshufang, à Chengdu. En 2011, l’Institut chinois de la broderie des ethnies tibétaine et qiang de Wenchuan a été créé au bourg de Yingxiu, au district de Wenchuan, ce qui a ouvert la voie à un nouveau modèle de transmission entre l’héritage, l’association, l’entreprise et la coopérative rurale. En 2012, l’Atelier de broderie des ethnies tibétaine et qiang a officiellement été transformé en Musée culturel des ethnies tibétaine et qiang de Huazhen de Chengdu. Grâce à cette plate-forme de transmission fixe, les broderies des ethnies tibétaine et qiang ont gagné en popularité et depuis, les ventes ne sont plus une source d’inquiétude. Dans ces années-là, la broderie de l’ethnie qiang ainsi que le tissage et la broderie de l’ethnie tibétaine ont été retenus pour figurer sur la liste du patrimoine culturel immatériel national. Par ailleurs, Yang Huazhen, à l’approche de la soixantaine, a reçu le prix Xinchuan, décerné aux héritiers du patrimoine culturel immatériel de la nation chinoise.
 

 

Quand l’art rencontre la mode

 

Au cours de l’interview, Yang Huazhen a proclamé à plusieurs reprises que « tout bien d’une nation est un bien du monde entier ». Elle rappelle souvent aux femmes et étudiants qui apprennent la broderie des ethnies tibétaine et qiang que la culture se traduit par un ensemble de significations spirituelles que nos ancêtres ont accumulé tout au long de leur vie, de génération en génération. Par exemple, la fleur d’azalée qui pousse en haute altitude symbolise « la joie de l’amour », incarnant pour les locaux les belles attentes à l’égard d’une relation sentimentale. D’après elle, dans la diffusion de la culture de sa nation, la « fleur » n’est qu’une forme d’expression permettant de raconter des histoires, mais dans le processus de création, l’important reste que l’auteur est à même de comprendre et d’exprimer ses réflexions culturelles à travers son choix de motifs, formes, couleurs et supports.

 

En 2014, la marque japonaise de cosmétiques Shu Uemura a contacté Yang Huazhen, dans l’espoir de coopérer avec son atelier pour lancer dès 2015 une gamme d’huiles nettoyantes en édition limitée prenant pour thème la broderie de l’ethnie qiang. Yang Huazhen a immédiatement accepté cette offre et a conçu en seulement trois jours les designs destinés à décorer les flacons de deux sortes d’huiles nettoyantes.

 

Parmi d’autres ingrédients variés, ce produit contient du thé vert. Yang Huazhen a décrit : « Même une fois cueillie, la feuille de thé ne cesse de croître après la cueillette, ce qui fait référence à l’utilisation inépuisable du thé et corrobore la symbolique de vitalité qu’incarne le thé vert. » Dès lors, Yang Huazhen a eu l’idée de prendre comme thème le camélia de l’ethnie qiang pour le conditionnement de ce produit et a baptisé son œuvre Perpétuel renouvellement. Elle a expliqué : « Il existe un dicton chez les Qiang qui dit que “les fleurs s’épanouissent dans le cœur”. Ici, derrière le mot “fleur”, l’on entend le camélia si cher au peuple qiang. »

 

En 2017, elle a effectué une autre création, en collaboration cette fois-ci avec une marque de cosmétique hongkongaise. These a invité Yang Huazhen à illustrer l’emballage d’un de ses produits à l’occasion du 20e anniversaire du retour de Hong Kong au sein de la mère-patrie. Yang Huazhen a composé une œuvre ronde emplie de fleurs en y dissimulant 56 symboles, pour représenter la grande union des 56 ethnies de la nation chinoise.

 

En 2017, le Musée culturel des ethnies tibétaine et qiang de Huazhen a signé un accord avec le musée Van Gogh aux Pays-Bas, autorisant ce dernier à explorer l’art de la « peinture ronde de fleurs sur douze mois ». Ce motif constitue un trésor culturel du peuple qiang. Chaque fleur représente un mois, avec chaque fois un sens différent : la fleur de cerisier pour février, la fleur de pêcher pour mars, l’orchidée pour mai, le chrysanthème pour septembre... Grâce à cette coopération, la « peinture ronde de fleurs sur douze mois » a fait son apparition sur un modèle de foulard Hermès.

 

Trouvant écho dans les 12 constellations du zodiaque, cette peinture a également inspiré la conception de 12 flacons de parfums personnalisés, qui peuvent être offerts à l’occasion d’un anniversaire. Selon Yang Huazhen, lorsque l’art et la mode sont associés, l’art apporte une valeur ajoutée à la mode, tandis que la mode favorise la propagation de l’art. C’est là que réside tout l’intérêt d’intégrer la broderie des ethnies tibétaine et qiang avec des marques chinoises et étrangères du secteur de la mode.
 
 
Une broderie intitulée Pivoines

 

Une beauté intemporelle

 

En juin 2017, un studio de broderie des ethnies tibétaine et qiang a été fondé dans le quartier résidentiel de Huazhao, dans l’arrondissement Jinniu. Il a servi de premier banc d’essai de quartier à un programme autour de la broderie des ethnies tibétaine et qiang, lequel vise à faire entrer cet art à l’université, dans les zones d’habitation urbaines et dans les régions rurales du Sichuan.

 

Ces dernières années, des tâches ont été entreprises dans l’ambition d’introduire la broderie des ethnies tibétaine et qiang à l’université. Après des échanges avec la jeunesse, Yang Huazhen a découvert à son grand étonnement le vif enthousiasme des jeunes pour la culture traditionnelle et les arts nationaux. Alors, après être devenue professeure invitée à l’université du Sichuan, elle n’a pas ménagé ses efforts pour communiquer avec les étudiants, afin de leur présenter toute la beauté du tissage et de la broderie des ethnies tibétaine et qiang.

 

Il y a environ cinq ans, quand les amies de Yang Huazhen étaient interrogées sur l’avenir de cette technique ancestrale, elles ne pouvaient que répondre, impuissantes : « Nous n’aurons peut-être pas de successeur, c’est dommage. » Mais au fil de l’avancement du programme, elles ont été agréablement surprises de constater qu’un grand nombre de jeunes se passionnent pour ce savoir-faire traditionnel.

 

Yang Bailan, 38 ans, est devenue apprentie chez Yang Huazhen en 2009. Elle aussi issue de l’ethnie qiang, Yang Bailan est habile à broder des motifs de fleurs et d’oiseaux sur les vêtements. Lorsqu’elle a entendu parler de l’ouverture d’un atelier de broderie à Wenshufang, elle, qui était sans emploi à l’époque, a décidé d’aller se présenter sur place. C’est à cette occasion qu’elle a rencontré Yang Huazhen et qu’elle a commencé à apprécier et étudier la broderie des ethnies tibétaine et qiang auprès de celle-ci.

 

Il y a deux ans, le projet consistant à faire entrer à l’université la broderie des ethnies tibétaine et qiang a été lancé à l’Institut professionnel d’art du Sichuan. Tout au début, un cours de broderie à la main a été proposé en option, mais en raison de sa popularité, ce cours a rapidement été incorporé dans le cursus obligatoire. Et c’est Yang Bailan qui est chargée de le dispenser.

 

À l’heure actuelle, dans cet établissement, plus de 200 étudiants apprennent la broderie des ethnies tibétaine et qiang, selon Yang Bailan. Ceux-ci sont répartis en plusieurs classes en fonction de leur niveau (débutant, intermédiaire et avancé). Dans la classe pour les débutants, les élèves apprennent les notions relatives à l’utilisation des aiguilles et l’assortiment des couleurs ; dans la classe intermédiaire, les élèves s’attèlent à la composition de motifs et d’images ; dans la classe avancée, les élèves étudient plus particulièrement la broderie de l’ethnie tibétaine, le volet le plus difficile. De plus, Yang Bailan guide les étudiants ayant choisi la conception de produits comme spécialité, pour les aider à développer des produits créatifs empreints de culture.

 

Ces dix dernières années, les œuvres de tissage et broderie des ethnies tibétaine et qiang se sont bien écoulées via les points de vente établis dans de nombreuses métropoles dont Beijing, Shanghai, Guangzhou et Hong Kong. Ce sont généralement les touristes, provenant de différents pays et villes, qui les achètent comme souvenirs pour les rapporter dans leur région natale. Ainsi, cet art artisanal d’antan né dans les montagnes de l’ouest du Sichuan trouve pleinement sa place dans le quotidien des gens, qui s’en servent comme décoration pour leurs meubles, appartement, vêtements et sacs. Une preuve que les œuvres de tissage et broderie des ethnies tibétaine et qiang arborent une beauté intemporelle.
 
 

*HUANG XIUMEI est journaliste du magazine Chengdu Culture.

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