Le sud de la province de l’Anhui, autrefois connue comme faisant partie de Huizhou, possède un riche héritage historique et culturel. Durant les dynasties Ming (1368-1644) et Qing (1644-1911), les marchands de Huizhou, profitant de la prospérité économique régionale, ont bâti un patrimoine architectural unique. Ses toits de tuiles noires, ses murs blancs et ses délicates sculptures en bois, en pierre et en brique, marquent encore aujourd’hui les paysages de la région.
Parmi les plus beaux exemples de cette tradition figurent les villages de Xidi et de Hongcun, situés dans le district de Yixian, à Huangshan. Ces anciens villages se distinguent par leurs paysages idylliques, leurs éléments villageois bien préservés et leurs résidences de style Hui. Leur valeur universelle leur a valu d’être inscrits sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO en 2000.
Vue du village de Xidi, le 19 mars 2023
Xidi
Entouré de montagnes, le village de Xidi est en forme de bateau et mesure environ 700 m d’est en ouest et 300 m du nord au sud. Il compte plus de 1 000 habitants répartis dans 399 foyers. Avec une histoire de plus de 960 ans, Xidi a été formé sous la dynastie Song (960-1279), s’est développé rapidement sous la dynastie Ming et a atteint son apogée au début de la dynastie Qing.
Ancien fief du clan Hu, le village s’organise autour d’un réseau de canaux alimentés par deux rivières. Ses plus de 90 ruelles, délimitées par de hauts murs, témoignent d’une remarquable maîtrise de l’aménagement de l’espace. Aujourd’hui, plus de 300 habitations des dynasties Ming et Qing subsistent à Xidi, dont une centaine bien conservées. Ces édifices illustrent parfaitement l’art architectural de Huizhou, alliant héritage culturel et spécificités régionales.
À l’entrée du village trône une arche monumentale érigée en 1578 sur ordre impérial en l’honneur de Hu Wenguang, haut fonctionnaire de Xidi. Ce haut portail de pierre, culminant à 12,3 m pour 10 m de large, symbolise l’hospitalité du village.
L’artisanat local se révèle dans chaque détail : les sculptures sur pierre, brique et bois ornent systématiquement les maisons. Parmi les ensembles les plus remarquables ouverts aux visiteurs figurent Dongyuan, Dunrentang et Jing’aitang.
Dongyuan est composé d’une salle d’étude, d’une salle principale et d’une salle d’entrée. La salle principale était dédiée à recevoir les invités, tandis que la salle d’entrée accueillait les proches et les amis. La salle d’étude servait de bureau et de lieu d’enseignement privé. Comme toutes les résidences de Xidi, Dongyuan s’organise autour d’une cour carrée à ciel ouvert. Ce dispositif ingénieux recueille les eaux pluviales des toits en pente, une traduction concrète de la croyance locale associant l’eau à la prospérité. Notons aussi que toutes les portes donnent sur les cours d’eau traversant le village, renforçant ce symbolisme lié à l’eau.
Construite pendant la dynastie Qing et couvrant une superficie de 174 m2, Dunrentang était la résidence de Hu Guansan, un important marchand de Huizhou. Son hall central spacieux et lumineux s’accompagne d’une particularité architecturale : une « cour mère » principale flanquée de deux « cour enfant », disposition rare à Xidi.
Jing’aitang (littéralement « respect et amour »), un complexe quadricentenaire s’étendant sur une superficie de 1 800 m2, tire son nom de sa vocation première : cultiver l’harmonie familiale et le respect intergénérationnel au sein du clan Hu.
Les habitations de Xidi arborent des couplets transmettant des valeurs fondamentales : culture de l’apprentissage, bonnes manières ainsi qu’humilité et bienveillance. Ces principes, incarnant l’esprit des marchands de Huizhou, ont largement contribué à leur succès commercial à travers la Chine ancienne.
Vue du village de Hongcun
Hongcun
Situé au pied de la chaîne de montagnes Huangshan, le village de Hongcun trouve son origine sous la dynastie des Song du Sud (1127-1279). À l’époque, il servait de résidence au clan Wang.
Conçu en forme de taureau, Hongcun s’organise autour d’un ingénieux système hydraulique. La colline Leigang en représente la tête, les vieux arbres ses cornes, tandis que les habitations étendues d’est en ouest forment son corps. Les sources Yinqing sont les intestins, l’étang Yuezhao incarne l’estomac et le lac Nanhu est un autre estomac. Dans cet aménagement remarquable, chaque foyer bénéficie d’un accès direct à l’eau courante.
L’étang Yuezhao creusé au début de la dynastie Ming est en forme de demi-lune. Son histoire remonte à la découverte d’une source pérenne par un villageois, qui a fait appel à des professionnels pour canaliser ses eaux vers un bassin artificiel. Celui-ci a ainsi permis de lutter contre des incendies, de fournir de l’eau potable et de faciliter les tâches ménagères.
À la fin de la dynastie Ming, le stockage de l’eau de l’étang n’était plus en mesure de répondre aux besoins de la population croissante du village. Le village a donc transformé une parcelle de terre cultivée en lac, inspiré du célèbre lac de l’Ouest à Hangzhou (Zhejiang).
Aujourd’hui, il y a plus de 140 maisons des dynasties Ming et Qing bien conservées à Hongcun. Parmi elles, Chengzhitang se distingue par son exceptionnel état de conservation. S’étendant sur une superficie de plus de 2 000 m2, ce magnifique complexe de bois et de briques était la résidence d’un marchand de sel sous la dynastie Qing. Dans la salle principale, les poutres, les arches, les portes et les cadres de fenêtres s’ornent de délicates sculptures superposées, illustrant des personnages d’opéra et de légendes, un véritable joyau de l’architecture Hui.
Autre trésor historique, Shurentang, érigé à la fin de la dynastie Qing, logeait autrefois des fonctionnaires. Aujourd’hui, convertie en musée d’art privé, la demeure conserve une collection d’objets anciens, notamment des outils d’ateliers, des ustensiles en pierre, des peintures sur bois, des outils de correspondance des marchands et les généalogies de Hongcun. Ces artefacts offrent un aperçu de la vie quotidienne d’autrefois.
Deux ouvriers installent une arche sur un bâtiment historique de style Hui.
Mise en valeur moderne
Le district de Yixian a développé une série de projets de loisirs et de tourisme, tels que l’observation des fleurs, le cyclisme, la photographie, les voyages de recherche et les visites nocturnes. Réputé pour ses paysages idylliques et son architecture traditionnelle préservée, Yixian est aussi devenue une destination prisée par les étudiants en art, à la recherche d’un endroit idéal pour dessiner la vie villageoise. Yixian a donc profité de cette opportunité pour développer des services de soutien destinés à cette clientèle, tels que l’hébergement, la restauration et les ateliers de formation, contribuant ainsi au développement durable du patrimoine culturel mondial.
Ces dernières années, Yixian a alloué une partie des recettes des billets d’entrée de ses sites touristiques à des fonds spéciaux pour la protection du patrimoine culturel. Par ailleurs, des experts en architecture Hui ont été sollicités pour renforcer l’attractivité touristique tout en sauvegardant l’héritage historique. Lors des travaux de restauration, une attention particulière a été portée au maintien des structures et matériaux d’origine, avec des interventions majoritairement manuelles pour préserver l’authenticité des lieux.
Desservi par les lignes à grande vitesse, Yixian est désormais mieux connecté que jamais avec les grandes villes chinoises, attirant un nombre accru de visiteurs avides de découvrir la culture traditionnelle du sud de l’Anhui.