Accueil>Rendez-vous avec la Chine

Mon histoire avec la Chine

2022-07-05 16:33:00 Source:La Chine au présent Auteur:Alfons Labisch*
【Fermer】 【Imprimer】 GrandMoyenPetit
法语词典

Une délégation bavaroise de voyage scolaire rend visite dans les écoles primaires et secondaires de Jinan (Shandong). Des élèves allemands apprennent le kung-fu avec des élèves chinois

 

Mon histoire avec la Chine est une longue histoire.

Quand je n’étais encore qu’un petit garçon – et c’était il y a plus de 65 ans – je lisais beaucoup, du moins je regardais les photos qui accompagnaient le texte, particulièrement la littérature de voyage et les œuvres d’Ernst Haeckel sur « l’Insulinde », où je désirais aller. Je ne voulais pas seulement me rendre en Asie du Sud-Est, mais plus généralement en Asie de l’Est : au Japon et, bien sûr, en Chine.

Alors que ces rêves d’enfance s’étaient tous réalisés, seule la Chine semblait hors de portée. Il faut dire que j’adhère à la vieille sagesse chinoise selon laquelle il ne faut pas faire le tour du monde en touriste, mais plutôt aller là où des locaux peuvent vous faire découvrir leur pays à partir de leur propre expérience. Et cette opportunité s’est présentée en 2004, lorsque la République populaire de Chine a voulu créer des instituts Confucius analogues aux instituts Goethe allemands. Düsseldorf regroupait déjà une vaste communauté de citoyens chinois. Cette ville et la Rhénanie-du-Nord-Westphalie étaient et sont le centre des activités économiques des entreprises chinoises en Allemagne et même en Europe : Minmetals, ZTE, Huawei, Bank of China et bien d’autres entreprises mondiales y ont leur siège. On dénombre plus de 1 100 entreprises chinoises en Rhénanie-du-Nord-Westphalie.

En 2004, j’étais recteur de l’Université Heinrich-Heine de Düsseldorf. Werner Stüber, Peter Hachenberg et Li Xuetao m’ont alors demandé si j’étais intéressé par la création d’un institut Confucius dans cette université. J’ai tout de suite accepté ! En décembre 2006, l’Institut Confucius de l’Université Heinrich-Heine de Düsseldorf (CID) a été fondé, avec le soutien de l’université et du Hanban (le Bureau national pour l’enseignement du chinois langue étrangère). Werner Stüber était directeur du Bureau international de l’université, Peter Hachenberg avait été chargé de cours à l’Université des langues étrangères de Beijing (BFSU) pendant cinq ans et Li Xuetao venait de terminer sa thèse à l’Université de Bonn.

En 2006, j’ai pris la présidence de l’association de soutien du CID. À travers cette fonction, j’ai été nommé au Conseil du Hanban en 2007, consultant senior en 2009 et enfin membre honoraire du Conseil du Siège de l’Institut Confucius du Hanban en 2011. Ces fonctions et honneurs sont la raison pour laquelle je suis allé en Chine au moins une fois par an depuis 2007.

Notre université d’accueil en Chine est l’Université des langues étrangères de Beijing. Nous y sommes allés chaque année, et ces visites nous ont été retournées presque chaque année en Allemagne. Ce partenariat avec la BFSU a conduit à de nombreux voyages conjoints en Chine, entre autres à Xi’an, Chengdu, Chengde, Wuhan, Qingdao, Zhengzhou, Wuhu, Yangzhou et Hong Kong. Il a également accouché de nombreux projets, conférences et publications communs.

 

La cérémonie d’inauguration de l’Institut Confucius de l’Université de Düsseldorf, en décembre 2006

 

L’Asie est différente, du moins différente de l’Europe. Et en regardant ces « altérités » de l’Asie, nous, Européens, apprenons à mieux comprendre notre culture et notre histoire. Bien entendu, l’inverse est vrai : plus les Asiatiques, les Asiatiques de l’Est et les Chinois apprennent à se connaître, plus ils traitent de l’histoire et de la culture d’autres pays, à savoir « l’Occident ». Si cet intérêt mutuel mène à un travail en commun, et ultimement à l’amitié, cela peut être non seulement avantageux pour les deux parties, mais aussi être la source d’une profonde connaissance et d’une profonde fraternité.

Quel est donc cet « autre » ? Les gens y pensent depuis que l’Occident et l’Orient se connaissent. Si l’on remonte aux origines de la pensée en Europe et en Asie de l’Est, on rencontre une approche complètement différente du monde. En Europe, les présocratiques avaient déjà une vision du monde dans laquelle un monde reconnaissable est séparé du sujet reconnaissant : il s’agissait de trouver « l’ultime » à partir duquel toute chose peut être expliquée. Les premières sources est-asiatiques – le Classique des mutations et le Livre de la voie et de la vertu – offrent une vision dynamique du monde dans laquelle les choses et les êtres se reconstituent constamment dans la confrontation continue de diverses forces actives : nul besoin d’un monde valable en permanence hors du monde, la constante est le changement.

Il en découle des visions complètement différentes du monde, qui conduisent à des visions complètement différentes de l’être humain. En Chine, ces différentes visions de l’être humain – individu vs communauté – ont mené à une vie en communauté. En Europe, la combinaison de la philosophie grecque et de la religion judéo-chrétienne a donné naissance à une société entièrement autre et à une culture centrée sur l’individu. La Chine était un modèle au temps des Lumières européennes – un gigantesque empire dont l’histoire remonte aux temps préhistoriques et qui est géré sans religion d’État, sans dieu unique : seule l’idée de communauté, vécue à travers des rites fixes, cimente cet empire. L’Europe a créé la modernité scientifique et technologique et l’a diffusée dans le monde par le colonialisme et l’impérialisme. D’un point de vue européen, la Chine a soudainement été considérée comme obsolète. Cette vision n’a changé qu’à la fin du XXe siècle et au début du XXIe siècle. Aujourd’hui, la Chine est la grande puissance du futur. Beaucoup en Occident ne l’ont toujours pas compris et encore moins accepté.

Pour faciliter les études culturelles chinoises et européennes, la BFSU a créé l’Institut d’histoire mondiale et l’École d’histoire en étroite collaboration avec le CID. Leurs recherches concernent l’échange eurasien de connaissances. Dans ce vaste océan d’érudition, nous essayons d’apporter un éclairage particulier sur l’un ou l’autre sujet dans nos projets, ateliers, conférences et événements pédagogiques, et peut-être même de contribuer à un panorama global.

Par exemple, en mars 2011, le symposium international « La médecine comme vecteur de modernités multiples – transactions et contingences entre la Chine, l’Allemagne, le Japon au XIXe siècle et au début du XXe siècle » s’est tenu à l’Académie Léopoldine (Académie nationale allemande des sciences). L’universitaire chinois faisant autorité était Li Xuetao. En 2013, ce dernier a présenté ses recherches sur la mappemonde de Matteo Ricci lors du symposium « Vues du monde. Du monde à la mondialisation » de l’Académie Léopoldine. En 2016, il est intervenu lors de la conférence annuelle des « Sciences dans le dialogue interculturel » de cette même institution, sur la question « Les sciences modernes permettent-elles des particularités culturelles ? ». En 2017, j’ai eu le privilège de prononcer à Beijing le discours d’ouverture du congrès annuel de la Société pour l’interaction culturelle en Asie de l’Est intitulé « Les transferts européens de connaissances vs les échanges eurasiens de connaissances ».

Notre hypothèse centrale de base est qu’il y a eu un échange animé de connaissances entre l’Asie de l’Est et l’Europe depuis les premiers jours de l’histoire humaine. Dans notre réseau de recherche, on ne parle donc pas du Portugal, de l’Angleterre ou de l’Allemagne d’un côté, et de la Chine, du Japon et de la Corée de l’autre, mais « d’Eurasie ». Le sujet de « l’échange de connaissances en Eurasie » ou « l’échange eurasien de connaissances » est traité de manière intensive dans le monde entier. Les questions sont : quand la connaissance s’est-elle propagée en Eurasie, planifiée en partie implicitement et en partie explicitement, et de quelles manières ? Quelles ont été les conséquences désirées et imprévues de cet échange ? L’hypothèse de base est que s’il y a toujours eu un échange de connaissances depuis la préhistoire, l’identité des différentes cultures a néanmoins été préservée et est immédiatement reconnaissable à ce jour. Cette observation est particulièrement importante sous le prisme de la mondialisation : dans quelle mesure l’échange mondial de connaissances, de techniques, de compétences, de produits et de services affecte-t-il les cultures locales, régionales et nationales ? Derrière cela se cachent l’attente et la tâche de préserver les « altérités » des différentes cultures, même dans un monde globalisé, et de les utiliser dans le sens d’une diversité culturelle mutuellement bénéfique.

Cette diversité de sujets et de méthodes se reflète dans les conférences et les cours que j’ai pu donner ou diriger à la BFSU. Par exemple théorie historique et méthodes historiographiques, débuts des connaissances en Orient et en Occident, médecine en Orient et en Occident, Route de la Soie terrestre et maritime, la période axiale et la Chine, et, bien sûr, depuis 2020, les épidémies, la peste et le coronavirus. Mon livre Peste et coronavirus a été traduit en chinois et sera publié en Chine en 2022. La Chine a donné l’exemple au monde : aucun autre grand pays n’affiche un meilleur bilan dans la lutte contre le COVID-19. Quelles en sont les raisons ? Quels sont les contextes historiques et culturels ?

Mon « histoire » scientifique, officielle avec la BFSU ne serait rien sans mon « histoire » personnelle avec la BFSU, avec Beijing, avec la Chine. C’est la vie de chercheur que j’ai toujours imaginée et désirée.  

*ALFONS LABISCH est membre de l’Académie nationale allemande des sciences, ancien président de l’Université Heinrich-Heine de Düsseldorf et professeur émérite à l’Université des langues étrangères de Beijing.
 
Partager:

Copyright © 1998 - 2016

今日中国杂志版权所有 | 京ICP备10041721号-4

京ICP备10041721号-4