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Jean-François Huchet : la Chine vue à travers les yeux d’un expert français

2020-06-11 13:45:00 Source:La Chine au présent Auteur:WANG WEI
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Premier séjour de Jean-François Huchet (à g.) à Beijing, en 1987

 

Jean-François Huchet, directeur de l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco), est un vieil ami à moi. Il y a plus de 30 ans, il a commencé à étudier en Chine par hasard et depuis, il s’est consacré à la recherche dans le domaine de l’économie chinoise, devenant au fil du temps un spécialiste français reconnu en la matière.

 

Périple oriental

 

À l’été 1987, Jean-François Huchet venait de terminer ses études à l’Université de Rennes 1. Depuis la Bretagne (France), il attendait une réponse de l’État à sa candidature pour aller étudier en Amérique latine. Ayant obtenu d’excellentes notes, parlant espagnol presque aussi couramment que le français et connaissant bien l’histoire de l’Amérique latine, il pensait obtenir une réponse positive. Cependant, l’appel téléphonique qu’il a reçu l’a étonné : une occasion d’étudier en Chine se présentait, lui a-t-on dit. Serait-il intéressé ? Jusqu’alors, la Chine n’était jamais apparue dans son plan de vie. Le jeune homme a réfléchi intensément : devait-il poursuivre dans la direction qu’il s’était fixée ou explorer l’inconnu ? Finalement, porté par son jeune âge, par son esprit français aventureux, ainsi que par sa curiosité vis-à-vis d’un pays oriental ancien et mystérieux, il a accepté avec engouement l’idée d’étudier en Chine.

 

Très vite, M. Huchet a été fasciné par le dynamisme de la Chine et sa croissance rapide dans les années 1980. Après avoir passé un an à apprendre le chinois, il est entré à l’Université de Pékin pour continuer à perfectionner sa maîtrise de la langue, tout en préparant sa thèse de doctorat. Contrairement à la plupart des étudiants étrangers qui s’adonnaient à la culture chinoise, le jeune Français a donné sa préférence à l’économie chinoise, d’autant plus que ses cours se concentraient sur l’économie. Il s’est déclaré très heureux de pouvoir témoigner des changements prodigieux de la Chine. Le sujet de sa thèse de doctorat s’est porté sur le niveau industriel de ce pays. Jean-François Huchet a étudié le développement de l’industrie électronique chinoise en prenant deux points de départ : un, le marché de la montre électronique et de l’usinage de magnétoscopes ; deux, la politique industrielle, l’ouverture du marché, le transfert de technologie et le progrès technologique. Il a mené des recherches sérieuses, étape par étape.

 

En 1989, nous avons fait connaissance via l’un de ses camarades à l’Université de Pékin. Lors de notre première rencontre, il était déjà en mesure de se présenter de manière claire, bien qu’il n’ait étudié le chinois qu’un peu plus d’un an. Il maîtrisait alors parfaitement l’anglais, l’espagnol et l’italien (et puis le chinois plus tard) ; aujourd’hui il parle également le japonais et l’allemand. Un tel talent linguistique constitue un énorme avantage pour un savant qui s’implique dans les recherches liées à l’économie internationale et à la coopération mondiale.
 

 

Parcours de recherche

 

Après quatre ans d’études en Chine, Jean-François Huchet est rentré en Bretagne, fort d’un niveau de chinois courant ainsi que de connaissances accumulées et d’expériences personnelles en rapport avec l’économie chinoise. Travaillant comme maître de conférences dans une université, il a rédigé dans le même temps sa thèse de doctorat sur le transfert de technologie et le progrès technologique dans l’industrie électronique chinoise. En 1993, il a obtenu un doctorat en économie à l’Université de Rennes 1. Par la suite, il est retourné en Asie après avoir été admis pour des études postdoctorales à la Maison franco-japonaise, institut de recherche du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) situé à Tokyo. Pendant son séjour de trois ans dans la capitale japonaise, il a continué à s’intéresser aux recherches académiques sur l’économie chinoise. Il se rendait souvent de Tokyo à Beijing en avion, pour rencontrer des amis et discuter de collaborations.

 

Au cours de cette période, il m’a confié deux choses importantes à son sujet. Premièrement, il a choisi de nouveaux caractères pour son nom chinois (passant de 于西 à 余曦), tout en gardant la prononciation originelle « Yu Xi » (homonyme de son nom de famille français). Cette nouvelle écriture lui semblait plus éduquée et il avait déjà appris à écrire ces deux caractères compliqués. Deuxièmement, il a envisagé de coopérer avec des chercheurs chinois pour s’engager dans des projets de recherche en coopération internationale. Ainsi, en 1994, notre premier article collaboratif intitulé « La réforme fiscale de la Chine » a été publié dans la revue Perspectives chinoises relevant du Centre d’études français sur la Chine contemporaine (CEFC). En 1997, il a commencé à travailler à Hong Kong en tant que chercheur après avoir été recruté par le CEFC. Figurant au nombre des 27 centres de recherche créés par le gouvernement français dans le monde, le CEFC est considéré comme l’institution académique française de référence en ce qui concerne l’étude de la Chine.

 

Dès lors, Jean-François Huchet s’est fréquemment rendu, avec d’autres chercheurs européens, dans des institutions académiques telles que l’Académie chinoise des sciences sociales (ACSS) et l’Université de Pékin, pour planifier un projet sur cette question : comment l’élaboration du système d’entreprise en Chine peut-elle prendre pour modèle l’expérience européenne ? À travers ce projet, des chercheurs chinois ont reçu l’opportunité d’étudier l’évolution des entreprises en Europe, ainsi que d’étudier avec des chercheurs européens intéressés par les entreprises chinoises, et de communiquer et de discuter avec eux à ce sujet.

 

Soutenu et financé par de nombreuses parties, entre autres, l’ACSS, le CEFC, l’ambassade de France en Chine et la délégation de l’UE en Chine, le groupe chargé du projet est composé d’experts venant de plusieurs pays de l’UE dont la France, le Royaume-Uni, l’Espagne et l’Italie, ainsi que de savants venant de nombreuses institutions chinoises telles que l’ACSS, le Centre de recherche sur le développement relevant du Conseil des affaires d’État, le ministère des Sciences et de la Technologie, l’Université Sun Yat-sen et l’Université de Wuhan. En deux ans, les chercheurs du CEFC ont visité des dizaines d’entreprises ayant différentes formes juridiques (entreprise d’État, entreprise privée, entreprise à capitaux mixtes et entreprise à capitaux étrangers), dans des régions diverses (Sichuan, Jilin, Hubei, Zhejiang, Guangdong et Shanghai), et dans de multiples secteurs industriels (automobile, électronique, textile et high-tech). Au début de l’année 1999, le groupe chargé du projet a organisé, à l’Université de Hong Kong, un séminaire réunissant de nombreux savants renommés, sur le thème « Leçons européennes sur la restructuration des entreprises chinoises » (European Lessons on China Enterprise Restructuring). Ce fut l’un des grands séminaires internationaux – peu nombreux à cette époque – qui sont penchés sur le développement industriel et la microéconomie.

 

Dans la foulée, Jean-François Huchet a poursuivi avec diligence ses études académiques. Il a planifié une série de projets de recherche en coopération internationale sur les entreprises chinoises ainsi que sur la comparaison entre les entreprises chinoises et les entreprises indiennes dans les conditions de la mondialisation et d’ouverture du marché. Citons, entre autres, « La réforme des entreprises d’État chinoises » (Chinese State-Owned Enterprises Reform), « L’émergence des groupes d’entreprises et la réforme des entreprises d’État en Chine » (The Emergence of Corporate groups in PR of China and reform of State enterprises), « Les politiques industrielles et la réforme des entreprises d’État : une étude comparative entre la Chine et l’Inde » (Industrial Policies and reform of National firms: A Comparative Study between China and India) et « L’ouverture de marchés dans les pays en voie de développement et son impact sur les entreprises d’État : une étude comparative entre la Chine et l’Inde » (Opening Markets in Developing Countries and its impact on National Firms: A Comparative Study between China and India). Ces projets ont établi son statut d’expert en matière d’entreprises en Chine et même en Asie.

 

Ce qui mérite d’être noté, c’est qu’à ce moment, il n’y avait pas beaucoup d’échanges et de coopération entre les chercheurs chinois et indiens, en particulier dans le domaine de la recherche économique. Et ce, bien que les deux pays soient voisins. Pendant les années 2006-2011, qu’il a passées en tant que directeur du CEFC, M. Huchet a réuni, à plusieurs reprises, des chercheurs chinois, indiens et européens pour réaliser des enquêtes et des recherches sur les entreprises et pour organiser des séminaires. En plus des résultats de recherche, ces projets ont permis de créer une amitié entre les chercheurs chinois et leurs homologues indiens, et de développer une meilleure compréhension mutuelle ainsi qu’une plus grande coopération.

 

Après avoir quitté ses fonctions de directeur du CEFC, Jean-François Huchet a tourné son regard vers le monde. En plus d’être devenu professeur à l’Inalco, il a donné des cours et mené des recherches dans de nombreuses écoles supérieures célèbres en Europe occidentale et en Amérique du Nord. Après avoir été successivement professeur associé, professeur et directeur adjoint à l’Inalco, il est devenu, au mois d’avril 2019, directeur de cette université de recherche en langue et culture, renommée en Europe et considérée comme l’un des centres formateurs des diplomates français. Membre du système éducatif public français destiné à former des élites, l’Inalco a pour mission de faire connaître la France au monde, de promouvoir le français et de renforcer les échanges culturels. De plus, elle fait partie des universités françaises ayant noué les échanges les plus étroits avec les écoles supérieures chinoises.
 

 

Un homme qui a su rester simple
 
Dans la vie quotidienne, Jean-François Huchet est une personne conciliante, joviale et pleine d’humour, qui dévoile de temps en temps une nature enfantine. Au téléphone, il m’appelle « jiemenr » (copine) en dialecte de Beijing. N’ayant pas peur de manger épicé, il apprécie beaucoup la cuisine du Sichuan ; il sait d’ailleurs dans quels restaurants pékinois aller pour savourer la cuisine du Sichuan la plus authentique. Malgré son statut de directeur d’université, il préfère se déplacer en métro, tant à Paris qu’à Beijing.

 

Au mois de mars 2019, l’Université chinoise de Hong Kong a invité M. Huchet à donner une conférence publique sur le développement économique de la Chine. J’ai assisté à cet évènement, qui s’est tenu à la Bibliothèque centrale de Hong Kong, à Causeway Bay. À la fin de la conférence, il a employé une comparaison : l’économie chinoise ressemble à un éléphant à vélo, qui n’aura pas de problème tant qu’il ne s’arrêtera pas ; mais il est impossible de maintenir éternellement la haute vitesse qui est la sienne, alors il est important de renforcer le vélo, en ralentissant pour réaliser un atterrissage en douceur. Un an plus tard, me voici à rédiger cet article, tandis que l’économie mondiale est presque stagnante à cause du COVID-19 ; tout ce qu’il a dit semble donc particulièrement signifiant.

 

Ma dernière rencontre avec M. Huchet remonte à octobre 2019. Pendant le premier semestre d’automne après sa prise de fonction en tant que directeur de l’Inalco, il s’est rendu dans la capitale chinoise, avec le directeur adjoint de l’Inalco, ce dernier étant chargé de la coopération internationale à Beijing. Au cours de leur séjour de trois jours, ils ont visité de nombreuses écoles supérieures et instituts de recherche. Jean-François Huchet s’est exprimé en toute franchise avec ses amis, anciens et nouveaux, décrivant une belle perspective en matière de coopération.

 

*WANG WEI est chercheuse adjointe de l’Institut de recherche d’économie et de politique mondiales de l’Académie chinoise des sciences sociales.

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