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Le Xinjiang n’est pas une province

2025-11-03 10:14:00 Source: La Chine au présent Auteur: LUKE JOHNSTON*
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L’autonomie répond aux intérêts communs des populations de diverses ethnies et aux exigences de leur développement dans le Xinjiang. 

Des timbres commémoratifs pour le 70e anniversaire de la fondation de la région autonome ouïgoure du Xinjiang émis par la Poste de Chine, le 22 septembre 2025

Je suis en voyage à travers le Xinjiang. Dans le district autonome tadjik de Taxkorgan, les écritures tadjike et ouïgoure sont omniprésentes, tandis qu’à Tacheng, c’est l’écriture kazakhe qui domine. Autour de moi, ce sont des visages différents que je peux observer et des voix diverses que je peux entendre. Par moments, cette diversité est telle que j’en viens presque à me demander si je suis encore en Chine.

Après avoir fait de cet endroit ma maison, cette richesse culturelle me semble désormais naturelle. Mais je me souviens de mon émerveillement, il y a cinq ans, lorsque j’ai découvert pour la première fois que les panneaux officiels, les menus de restaurant et les convocations judiciaires étaient, conformément à la loi, systématiquement bilingues, voire trilingues.

Pourquoi ? Parce que le Xinjiang n’est pas une province ordinaire, mais la région autonome ouïgoure du Xinjiang. Et ce terme « autonome » revêt ici une signification bien plus profonde qu’un simple qualificatif administratif.

De province à région autonome

Le 13 septembre 1955, le Comité permanent de la 1re Assemblée populaire nationale a approuvé la transformation du statut du Xinjiang, qui est passé de province à région autonome.

Cette autonomie se concrétise au quotidien : sceaux bilingues, reconnaissance officielle des fêtes des minorités ethniques, et représentation équitable de toutes les ethnies dans les instances locales. Mais au-delà de ces symboles, que signifie véritablement cette « autonomie » ?

D’abord, une organisation politique distincte. Contrairement à Shanghai ou Beijing où l’appartenance ethnique du maire n’est pas réglementée, le président du gouvernement régional doit être ouïgour.

Ensuite, une adaptation juridique unique. La Constitution de la République populaire de Chine stipule l’autonomie ethnique régionale, tandis que la Loi sur l’autonomie ethnique régionale en définit les modalités pratiques. Son article 19 autorise ainsi le Xinjiang à adapter certaines lois nationales pour mieux protéger les spécificités culturelles et les intérêts des populations locales.

Le droit local s’adapte aussi aux réalités culturelles. Par exemple, le Xinjiang a assoupli l’âge légal du mariage pour respecter les traditions et a longtemps appliqué une politique de natalité distincte : alors que la majorité des Chinois étaient soumis à l’enfant unique, les couples ouïgours pouvaient en avoir deux en ville, et trois en zone rurale. Cette différence a disparu avec l’autorisation générale du troisième enfant en 2021.

Sur le plan économique, les articles 32 à 35 prévoient un régime fiscal spécifique, avec des exonérations et même la possibilité de créer des banques régionales. Pour ma part, bien que mon salaire soit moins élevé qu’à Shanghai, je parviens à épargner davantage, grâce à ces avantages fiscaux et à un coût de la vie plus bas !

Enfin, l’autonomie garantit des protections importantes : l’article 48 interdit toute discrimination en matière d’emploi, de logement et d’éducation ; l’article 65 accorde à la région une part des revenus issus du pétrole, du gaz et d’autres ressources ; les articles 37, 56 et 68 obligent l’État à poursuivre les investissements dans les infrastructures et les écoles, et interdisent toute réaffectation des entreprises publiques locales sans l’accord de la région.

Des touristes découvrent les coutumes ouïgoures dans la préfecture autonome kazakhe d’Ili de la région autonome ouïgoure du Xinjiang, le 8 avril 2025.

L’autonomie sur le terrain

Au Xinjiang, la diversité linguistique est partout. Dans les tribunaux, l’interprétation simultanée facilite la compréhension ; dans les rues, les panneaux d’indication sont bilingues ; à la télévision, les bulletins d’informations sont diffusés en ouïgour, en kazakh, en kirghiz et en mandarin. Mon bail est rédigé en chinois et en ouïgour, une particularité que je n’ai jamais rencontrée dans d’autres grandes villes. La langue ouïgoure est littéralement partout, même dans les stations de métro, où les annonces sont également diffusées dans cette langue. À titre de comparaison, à Shanghai, le dialecte local n’était audible que dans quelques stations. Mais à Urumqi, on l’entend à chaque arrêt.

Le calendrier des fêtes reflète aussi cette diversité. L’Aïd el-Fitr et l’Aïd al-Adha sont officiellement fériés dans toute la région, au même titre que la Fête nationale. Pendant que mon université suspend ses cours pour l’Aïd, les bureaux de Shanghai et Beijing travaillent normalement. Ces pratiques ne relèvent pas du simple folklore : elles sont encadrées par la loi, en vertu de l’article 19 de la Loi sur l’autonomie ethnique régionale.

Comprendre le statut de région autonome, c’est saisir une part essentielle de la politique ethnique de la Chine : un système fondé sur l’autonomie plutôt que sur le fédéralisme, qui promeut la préservation culturelle et rejette le sécessionnisme, tout en garantissant la représentation des minorités ethniques dans la fonction publique. Cette réalité tangible suffit à elle seule à invalider les récits réducteurs.

Cette expérience concrète de l’autonomie a transformé mon regard. De visiteur sceptique, je suis devenu un résident admiratif, découvrant comment les principes constitutionnels prennent vie dans les commerces, les écoles et les salons de thé. Si quelqu’un qualifie le Xinjiang de simple « province », je lui proposerai volontiers une visite éclairante : nous commencerons par les kiosques bilingues de la gare, passerons devant le dôme de l’assemblée populaire régionale, assisterons à une audience judiciaire où les langues alternent au gré des dépositions, et terminerons la soirée en trinquant selon la tradition ouïgoure « hoishe » – vive l’autonomie.

 

*LUKE JOHNSTON est créateur de contenu YouTube et doctorant vivant à Urumqi.

 

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