En pleine effervescence de la rentrée universitaire, il est bon de rappeler que tout ne s’apprend pas dans les salles de classe. Parfois, il faut avoir l’audace de confronter les étudiants aux récits d’hier et leur offrir la chance d’en découvrir d’autres. C’est ce qui s’est produit ce mardi 16 septembre 2025, au centre des Amis de Nouvelles d’Europe, à Gentilly, où s’est tenu le vernissage de l’exposition photographique Mémoire d’Orient. L’événement, organisé à l’occasion du 80e anniversaire de la victoire de la Guerre de résistance du peuple chinois contre l’agression japonaise et de la Seconde Guerre mondiale antifasciste, fut un moment de mémoire mais aussi d’avenir, placé sous le signe de la paix.
L’exposition Mémoire d’Orient, initiée par l’Ambassade de Chine en France, propose une plongée dans l’histoire de la Chine entre 1931 et 1945. Elle retrace la lutte héroïque du peuple chinois face au militarisme japonais et sa contribution majeure au front antifasciste mondial. Les documents d’archives, photographies rares et reproductions de journaux d’époque permettent de saisir l’ampleur du sacrifice consenti. La Chine fut en effet le principal théâtre oriental de la guerre contre le fascisme, et son peuple paya un prix très élevé pour la liberté et l’indépendance.
Au-delà du souvenir national, l’exposition souligne aussi la solidarité internationale. Des personnalités venues d’horizons divers, comme le médecin français Jean Jérome Augustin Bussière ou le père jésuite Jacquinot de Besange, sont mises en avant. Leur engagement auprès du peuple chinois illustre combien cette guerre fut mondiale et combien la cause de la liberté transcenda les frontières.
Lors du vernissage, l’Ambassadeur de Chine en France, S.E.M. Deng Li, a prononcé un discours marquant, insistant sur l’importance de la paix. Il a rappelé que « se souvenir de l’Histoire ne signifie pas raviver les rancunes, mais tirer les leçons du passé pour mieux construire l’avenir ». À travers ses mots, une conviction claire se dégage : la paix n’est pas un acquis, elle est un effort permanent.
Le diplomate a souligné que la mémoire des guerres et des sacrifices doit inspirer la coopération entre les peuples et nourrir une vigilance collective face aux menaces contemporaines. « La Chine, a-t-il affirmé, reste engagée à œuvrer avec toutes les forces éprises de progrès pour un avenir de paix durable et de prospérité partagée. »
Parmi les invités, une cinquantaine de mes étudiants de l’université Paris 8, inscrits en communication et journalisme, a marqué la journée de sa présence. Leur venue illustre parfaitement cette articulation entre mémoire et transmission.
L’Ambassadeur Deng Li a pris le temps de s’entretenir avec eux, répondant à leurs questions sur l’importance de la mémoire historique dans les relations internationales et sur le rôle du journalisme pour en être le relais fidèle et responsable.
Pour les étudiants, cette rencontre fut une expérience précieuse : comprendre l’Histoire dans un cadre diplomatique, mais aussi découvrir ce que signifie exercer leur futur métier dans un contexte interculturel. Nombre d’entre eux ont exprimé combien cette immersion dépassait un simple cours magistral. Elle leur a permis d’expérimenter l’histoire vivante, de confronter des sources, de réfléchir au traitement médiatique des guerres et de leurs héritages.
Ainsi, Mémoire d’Orient a aussi été une leçon pratique de communication internationale.
La présentation officielle de l’exposition rappelle que la guerre de résistance du peuple chinois fut « la première victoire de la Chine moderne contre les agressions impérialistes », une victoire qui contribua à l’affirmation nationale. Mais elle insiste également sur la place des étrangers solidaires, parmi lesquels les Français.
Ce rappel historique trouve une résonance particulière dans les relations sino-françaises contemporaines, marquées par une volonté de coopération dans des domaines aussi variés que la culture, l’éducation, la santé ou la recherche scientifique. En redonnant une visibilité à ces figures françaises engagées dans la lutte antifasciste en Chine, l’exposition contribue à retisser les fils d’une mémoire commune. Elle invite les nouvelles générations à percevoir l’Histoire non pas comme une succession de conflits entre nations, mais comme un terrain fertile de solidarités et d’alliances au service de la paix.
Dans un contexte international traversé par les incertitudes géopolitiques, l’exposition Mémoire d’Orient rappelle l’importance de tirer les leçons de l’Histoire.
La Chine, en tant que principal front oriental de la lutte antifasciste, a assumé une part déterminante de l’effort de guerre. En insistant sur cette dimension, l’exposition corrige aussi une mémoire souvent trop centrée sur l’Occident. Elle offre aux visiteurs français un élargissement de perspective et contribue à une meilleure compréhension mutuelle.
Loin d’un simple rappel commémoratif, cette exposition agit comme un appel : celui de la vigilance face à la montée des nationalismes, des discours de haine et des logiques de confrontation. Elle affirme que seule la mémoire partagée peut constituer une base solide pour éviter la répétition des tragédies passées.
Au terme du vernissage, une impression domine : l’exposition Mémoire d’Orient ne se limite pas à un travail historique. Elle s’inscrit dans une démarche diplomatique et éducative, où la transmission de la mémoire devient un outil de paix.
Les photographies exposées, les discours tenus et la présence des étudiants en témoignent : il s’agit d’ancrer l’Histoire dans le présent, non pour cultiver les blessures, mais pour rappeler que la paix est fragile et qu’elle se construit chaque jour.
En offrant aux jeunes générations la possibilité de découvrir ce pan d’Histoire, l’Ambassade de Chine en France et ses partenaires affirment une conviction : apprendre des récits d’hier est une manière d’ouvrir les chemins de demain. Et à travers ces récits, la Chine et la France peuvent continuer à œuvrer ensemble, dans l’esprit de solidarité et de coopération qui les a déjà unis au cœur des épreuves. (Photos fournies par l'auteure)
*SONIA BRESSLER est philosophe et fondatrice de la Route de la Soie – Éditions.