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Une ascension discrète

2025-07-31 14:35:00 Source: La Chine au présent Auteur: XIA YUANYUAN, membre de la rédaction
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Hermann Simon, créateur du terme « champion caché », décrypte le nouveau modèle de la mondialisation des entreprises chinoises.

 

Les entreprises chinoises vivent aujourd’hui une révolution paradigmatique dans la mondialisation. Armées d’une technologie avancée, d’une culture profonde et d’une marque valorisée, elles s’emploient à conquérir une nouvelle place sur la scène économique mondiale. Alors que l’« usine du monde » se rénove en permanence, le « Made in China » se dote d’intelligence et s’impose comme référence. Quelle est donc la force motrice de cette montée en gamme industrielle ? Quels avantages uniques les entreprises chinoises révèlent-elles, en particulier les « champions cachés » ? Et quelles opportunités et défis rencontrent-elles dans un paysage mondial en pleine reconfiguration ?

Dans son entretien exclusif, Hermann Simon, célèbre économiste allemand et inventeur du concept de « champion caché » (PME leaders mondiaux dans leur domaine mais peu connues du grand public), estime que la Chine est en train de passer d’une base de production à bas coût vers un foyer d’innovation mondial. Une dynamique qui, d’après lui, métamorphose non seulement la Chine, mais aussi influe profondément sur le monde.

 

La Chine au présent : Pendant des décennies, le « Made in China » était synonyme d’une production à bas coût. Aujourd’hui, des entreprises chinoises innovantes captivent l’attention mondiale. Comment analysez-vous cette mutation fondamentale de la Chine dans l’économie et l’innovation mondiales ?

Hermann Simon : Clairement, la Chine a opéré une mue radicale, passant d’une zone de production à bas coût à une source de produits de qualité, doublée d’un foyer mondial d’innovation. Cette transition est portée par des investissements massifs en R&D, permettant à des entreprises chinoises de dominer des secteurs comme le ferroviaire, les véhicules électriques et l’e-commerce. Huawei et BYD illustrent parfaitement cette nouvelle donne.

Cependant, l’innovation chinoise ne se limite pas aux grandes entreprises, les « champions cachés » y jouent aussi un rôle. On peut citer Sandriver, une marque haut de gamme de cachemire qui porte la technique traditionnelle à la perfection, ou Shokz, pionnière des écouteurs à conduction osseuse. Ces acteurs, qui incarnent la vitalité innovante des « champions cachés », sont la preuve que la Chine est désormais un créateur à part entière, qui dicte les tendances technologiques mondiales et redéfinit les contours du leadership industriel.

 

Des enseignants et des étudiants étrangers participent au camp d’été de l’Université du pétrole de Chine et visitent la gigafactory automobile de Xiaomi à Beijing, le 30 juin 2025.

 

La Chine au présent : Quelle est la force motrice de cette montée en gamme ?

Hermann Simon : Cette dynamique s’appuie avant tout sur les investissements massifs en R&D et la formation d’un vaste contingent de scientifiques et d’ingénieurs hautement qualifiés. Par exemple, Nanjing et Hefei, deux villes que j’ai récemment visitées, occupent respectivement les 6e et 13e rangs mondiaux pour leur production scientifique, loin devant Berlin ou Munich, qui se classent 27e et 28e. Ces données mettent en lumière l’immense potentiel de la Chine en termes de talents scientifiques et de résultats de recherche.

La reconfiguration des chaînes d’approvisionnement et la numérisation accélèrent cette transformation. Sans oublier les consommateurs chinois, plus ouverts aux nouveautés, qui font de la Chine un marché gigantesque et un laboratoire mondial de l’innovation.

 

La Chine au présent : Selon vous, quels avantages uniques les « champions cachés » chinois possèdent-ils par rapport à leurs homologues occidentaux ?

Hermann Simon : La Chine connaît un foisonnement de « champions cachés », notamment dans la fabrication avancée et le numérique. J’en recense 300 contre 100 il y a cinq ans. Ils bénéficient d’un exceptionnel effet de cluster industriel et sont capables de passer à l’échelle à une vitesse impressionnante, ce qui leur assure une grande agilité et une commercialisation rapide. Je suis toujours impressionné par la vitesse à laquelle le processus, de l’invention à la mise sur le marché, est géré. Les Chinois excellent dans l’intégration entre recherche et applications concrètes.

 

La Chine au présent : Quel impact l’essor de ces « champions cachés » a-t-il sur la place de la Chine dans la chaîne de valeur mondiale ?

Hermann Simon : En se spécialisant sur des niches avec une qualité irréprochable, une innovation constante et une communication efficace, ils permettent à la Chine de grimper dans la chaîne de valeur mondiale.

Cependant, la construction de marques fortes reste un défi de taille. Parmi les 100 marques les plus puissantes du monde, on ne compte que deux représentantes chinoises : Xiaomi (87e) et Huawei (92e). Bâtir une marque mondiale demande des décennies d’efforts, comme en témoignent les parcours des marques japonaises et sud-coréennes. Mais l’essor de ces « champions cachés » prouve que même les PME, en se concentrant sur un marché de niche et en l’exploitant pleinement, peuvent acquérir une reconnaissance internationale. Je suis convaincu que les marques chinoises occuperont une place légitime sur l’échiquier économique mondial.

 

Inauguration du projet d’écosystème intégré de batteries de véhicules électriques à Karawang en présence de Prabowo Subianto (c.), président indonésien, et Wang Lutong (1er g.), ambassadeur chinois en Indonésie, le 29 juin 2025

 

La Chine au présent : À l’avenir, comment la croissance économique de la Chine, tirée par l’innovation, reconfigurera-t-elle le paysage économique mondial et les tendances de la mondialisation ?

Hermann Simon : Beaucoup pensent que la mondialisation recule, mais je crois qu’elle se transforme. Depuis 2010, nous observons un changement majeur : la croissance des exportations mondiales ralentit par rapport à celle du PIB mondial, un phénomène que j’appelle la « démondialisation relative ». Loin de sonner le glas de la mondialisation, cette évolution marque son passage à une phase plus mature, où les relations commerciales transnationales laissent place à une intégration productive approfondie plus locale.

Prenons l’exemple des échanges sino-allemands : là où une entreprise allemande exportait autrefois ses produits fabriqués localement vers la Chine, elle préfère aujourd’hui investir directement dans une usine chinoise pour approvisionner le marché asiatique. Cette tendance est bilatérale : le chinois CATL exploite désormais une grande usine en Allemagne, tandis que BYD construit une usine automobile en Hongrie.

Ainsi, nous assistons à une profonde restructuration des chaînes de valeur mondiales. Les entreprises ne se contentent plus d’être des exportateurs de marchandises, mais deviennent des acteurs intégrés dans les économies locales. Notons que les politiques protectionnistes actuelles, sans en être la cause première, agissent comme un accélérateur de cette transition, poussant les entreprises à passer du statut d’exportateur à celui de producteur-opérateur intégré localement.

 

La Chine au présent : Malgré des réalisations remarquables, quels sont les défis majeurs auxquels les entreprises chinoises restent confrontées dans la course au leadership des marques mondiales ?

Hermann Simon : Pour moi, les entreprises chinoises doivent encore relever trois défis principaux. Premièrement, leur présence sur les marchés internationaux reste discrète et leur notoriété de marque insuffisante. Deuxièmement, des doutes persistent dans certains pays quant à la protection de la propriété intellectuelle en Chine. Troisièmement, elles se heurtent à des barrières culturelles et linguistiques sur les marchés occidentaux.

Pour s’imposer comme véritables leaders mondiaux, les entreprises chinoises doivent approfondir leur travail sur la construction de marque, renforcer leur transparence et établir des relations de confiance solides. Parallèlement, elles doivent développer une capacité d’adaptation face à la complexité croissante du paysage géopolitique mondial. Si les contraintes géopolitiques limitent leur marge de manœuvre, elles peuvent néanmoins développer une meilleure lecture des tendances et faire preuve d’agilité dans leurs stratégies d’adaptation.

 

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