De la fabrication à l’innovation : comment les marques chinoises conquièrent le monde ?
Le navire roulier
Des gadgets high-tech qui séduisent les consommateurs mondiaux aux véhicules à énergie nouvelle (VEN) qui s’exportent massivement, en passant par des robots à l’assaut du marché haut de gamme européen, tout témoigne d’une montée en gamme de la fabrication chinoise. Fini le seul avantage basé sur le rapport qualité-prix, place désormais aux technologies clés développées de manière autonome, à la fusion entre culture et innovation, et à la construction de marques de renom mondial. Cette combinaison gagnante explique l’engouement croissant que suscitent les entreprises chinoises de la nouvelle génération sur la scène internationale.
La fabrication intelligente chinoise redéfinit la perception mondiale
L’actuelle expansion internationale des entreprises chinoises n’a plus rien à voir avec les vagues d’exportations passées. Un article de Bloomberg, intitulé
Selon les statistiques des douanes chinoises, les exportations de marchandises ont affiché une croissance stable sur les cinq premiers mois de l’année, avec une progression à deux chiffres pour les produits à haute valeur ajoutée comme les circuits intégrés et les automobiles. Sur la même période, les exportations de services ont crû de 15,1 %.
Le 14 juillet 2024, lors de la cérémonie d’accueil de la flamme olympique à Paris, qui coïncidait avec la fête nationale française, 1 100 drones chinois ont illuminé le ciel de la Seine, formant les cinq anneaux olympiques. Cette performance, signée HighGreat, illustre les capacités d’intégration technologique et de contrôle avancé des entreprises chinoises.
La compétitivité des entreprises chinoises puise sa force tant dans leurs investissements soutenus en R&D que dans leur engagement actif pour des principes verts et durables. Liu Tao, directeur général de Hisense France, présente les atouts du téléviseur laser que son entreprise promeut sur le marché européen : non seulement 92 % de ses composants sont recyclables, mais sa consommation énergétique ne représente qu’un tiers de celle d’un téléviseur LCD équivalent.
Selon les douanes chinoises, en 2024, les marques locales ont représenté 21,8 % des exportations totales du pays, reflet d’une montée en puissance fondée sur la qualité, la technologie et une relation renouvelée avec les consommateurs mondiaux.
La puce XRING O1 présentée par Lei Jun, cofondateur et PDG de Xiaomi, lors d’une conférence de presse à Beijing, le 22 mai 2025
Un nouveau paradigme pour les marques chinoises à l’international
Si les technologies de pointe ouvrent les portes des marchés internationaux, les entreprises chinoises misent surtout sur des innovations systémiques couvrant toute la chaîne de valeur pour s’y implanter durablement. Le rapport
Premièrement, les percées multisectorielles sont devenues la norme. Le Rapport montre que les marques chinoises à l’international se sont étendues au-delà des secteurs manufacturiers traditionnels de biens de consommation pour couvrir de nouveaux secteurs comme les VEN, les équipements intelligents et le divertissement numérique. Dans l’automobile, les VEN neufs chinois représentent 40,9 % des ventes mondiales, dominant ce segment depuis dix ans, avec BYD comme champion incontesté. Dans le domaine des équipements intelligents, HONOR, axé sur le milieu et haut de gamme, réalise près de la moitié de ses ventes à l’étranger. Par ailleurs, des marques comme Siasun Robot & Automation et Roborock ont fait une percée sur le marché haut de gamme européen.
Deuxièmement, l’avantage en matière de chaîne d’approvisionnement reste un levier compétitif clé. Le Rapport souligne que le succès des marques chinoises ne repose pas uniquement sur leurs produits, mais aussi sur un écosystème industriel efficace et complet. Les triporteurs électriques chinois font le bonheur de nombreux marchés en développement grâce à leur excellent rapport qualité-prix. Le pôle industriel de Zhili à Huzhou (Zhejiang), dédié aux vêtements pour enfant, a quant à lui enregistré une croissance fulgurante de ses exportations via des plateformes d’e-commerce transfrontalier comme SHEIN. Ces exemples illustrent à quel point la réactivité et le contrôle des coûts sont facilités par des chaînes d’approvisionnement matures.
Comme le résume le Rapport, les marques chinoises sont passées d’une logique d’exportation à un modèle intégrant technologie, identité de marque et ancrage local. Cette approche multidimensionnelle, centrée sur la création de valeur durable et l’écosystème industriel, est au cœur de l’ascension de ces dernières vers un statut de leaders mondiaux.
Stand de Huawei au Congrès mondial de la télécommunication mobile de Shanghai, le 20 juin 2025
Séduire le monde par la culture
Pour véritablement conquérir le cœur des consommateurs internationaux, des produits de qualité et un modèle commercial efficace ne suffisent plus. Ce qui distingue désormais les marques les plus performantes, c’est leur capacité à transcender les barrières culturelles et à susciter une résonance émotionnelle. Les entreprises chinoises à l’international intègrent avec assurance des éléments culturels dans leurs récits de marque en phase avec les attentes mondiales.
Le recours stratégique à la culture comme levier d’influence marque désormais l’expansion internationale des marques chinoises. En exploitant des univers narratifs originaux et un riche patrimoine culturel, elles façonnent leur image à l’échelle mondiale. Le jeu
« Le succès international ne se mesure pas uniquement aux résultats commerciaux », analyse Zhang Guohua, président de l’Association chinoise de la publicité. « Il repose sur la capacité d’une marque à forger, par l’innovation et une implantation stratégique, une identité qui résonne au-delà des frontières et des cultures. »
Comme le souligne le Rapport, les entreprises chinoises vivent un tournant historique, passant de simples « ateliers du monde » à de véritables marques internationales. Trois leviers – innovation technologique, identité de marque et influence culturelle – sous-tendent cette ascension qui, loin d’être un aboutissement, marque plutôt l’entrée dans une nouvelle phase de compétition plus exigeante. Comme le souligne Wang Yanxing, chercheur à l’Institut Chongyang d’études financières de l’Université Renmin de Chine, « dans la course à la mondialisation, l’avenir appartient aux entreprises qui sauront fusionner ces dimensions ».