Le ciel au coucher du soleil offre une vue spectaculaire sur la China Zun Tower et le quartier d’affaires central de Guomao, à Beijing, le 1er septembre 2024.
Comment évaluer le rôle des plans quinquennaux de la Chine dans le maintien de la continuité des politiques et l’adaptation aux défis externes ? Quelle est la portée de la capacité de la Chine à se concentrer sur des objectifs à long terme dans une époque marquée par des bouleversements sans précédent ? Quelles contributions innovantes ce mécanisme de planification à long terme apporte-t-il aux théories du développement mondial ? Trois personnalités étrangères partagent leur point de vue avec La Chine au présent.
Warwick Powell, professeur adjoint de l’Université technologique du Queensland, chercheur senior du groupe de réflexion Taihe et ancien conseiller du Premier ministre australien d’alors, Kevin Rudd
Depuis plus de 70 ans, les plans quinquennaux de la Chine constituent une pierre angulaire de son développement social et économique remarquable. Ils fournissent une direction stratégique claire, permettant l’élaboration, l’expérimentation et la mise en œuvre systématiques de politiques alignées sur les objectifs nationaux. À noter que cette planification a évolué, passant de directives rigides et instrumentales à une orientation stratégique large. Ce modèle favorise activement l’expérimentation et l’innovation locales, permettant l’adaptation des politiques aux spécificités régionales, tout en servant une vision nationale cohérente.
Cette approche à long terme est particulièrement cruciale dans un contexte mondial instable. Tout en fournissant une direction claire, les plans intègrent une flexibilité nécessaire pour s’ajuster aux réalités changeantes. En fixant des objectifs stables à long terme, ils apportent une certitude indispensable pour les décisions engageant d’importantes ressources, comme les infrastructures ou la R&D de pointe.
Une critique récurrente dans les discours occidentaux prétend que ce type de planification briderait la vitalité du marché. Cet argument repose toutefois sur une fausse dichotomie entre « État et marché ». L’expérience du développement de la Chine montre au contraire que ses marchés intérieurs sont dynamiques et concurrentiels. Les marchés fonctionnels ne se suffisent pas à eux-mêmes, mais sont intégrés dans des institutions solides. Un cadre réglementaire transparent, couplé à des investissements publics fondamentaux, fournit la stabilité et la confiance qui permettent au secteur privé d’investir, d’innover et de prospérer.
Le 21e Salon international de l’automobile de Shanghai se tient au Centre national des congrès et des expositions avec des véhicules chinois à énergie nouvelle, comme ce véhicule électrique Xinghai V9, le 26 avril 2025.
Gert Grobler, ancien diplomate sud-africain et professeur honoraire à l’Institut des études africaines de l’Université normale du Zhejiang
Les plans quinquennaux de la Chine représentent les orientations fondamentales pour la transformation nationale. Le XIVe plan quinquennal (2021-2025) marque un tournant crucial, priorisant l’autonomie technologique, la stimulation de la demande intérieure via la stratégie de la « double circulation », et une transition écologique et technologique face aux pressions extérieures. Le XVe plan quinquennal (2026-2030) devrait consolider ces efforts et répondre aux défis structurels comme la démographie. Véritables outils évolutifs de la stratégie nationale, ces plans allient continuité et flexibilité, combinant une direction centrale avec un retour d’information local pour assurer la stabilité et la compétitivité durable. Ils sont essentiels pour comprendre la trajectoire de la Chine et son rôle évolutif dans le monde.
La capacité de la Chine à se concentrer sur des objectifs à long terme, incarnée par ses plans quinquennaux, constitue un avantage stratégique majeur. En quelques décennies, ces plans sont passés de directives rigides à des cadres complets guidant l’innovation et les réformes. Face aux pressions externes immenses, notamment les restrictions commerciales et les interdictions technologiques imposées par les États-Unis et leurs alliés, la Chine conserve une forte capacité à faire progresser ses ambitions. Elle s’appuie sur des atouts clés tels que son vaste marché intérieur, ses investissements massifs en R&D et son influence grandissante via l’initiative « la Ceinture et la Route » et les BRICS. Les plans quinquennaux actuels et à venir reflètent cette stratégie en donnant la priorité à l’autonomie technologique et la résilience économique pour naviguer dans un paysage mondial complexe.
L’ascension fulgurante de la Chine sur la scène mondiale relance les débats sur les modèles de gouvernance. Une explication souvent donnée pour les résultats économiques et stratégiques durables de la Chine est son approche de gouvernance à long terme, qui contraste fortement avec les cycles politiques occidentaux, axés principalement sur des cycles politiques courts. La capacité de la Chine à planifier et à mettre en œuvre des stratégies nationales à long terme, grâce à une planification centralisée et à la continuité de son leadership, offre des avantages notables, notamment dans les domaines nécessitant une attention soutenue, une stabilité politique et un développement stratégique.
Une force centrale du modèle de gouvernance chinois réside dans sa capacité à élaborer et à exécuter des stratégies à long terme sans être perturbé par des changements politiques fréquents. Les plans quinquennaux, ainsi que des objectifs de développement plus larges tels que « Made in China 2025 », la neutralité carbone d’ici 2060 et le renouveau national d’ici 2049, sont les produits d’un système conçu pour la continuité et le gradualisme.
En revanche, les gouvernements occidentaux, avec leurs cycles politiques fondés sur les élections, éprouvent souvent des difficultés liées à l’incohérence des politiques, aux blocages budgétaires, à une prise de décision fragmentée et aux lobbies politiques, ce qui peut retarder ou affaiblir des projets publics importants.
Les critiques des médias occidentaux sur les plans quinquennaux chinois, qui conjuguent dynamisme du marché et coordination stratégique, révèlent souvent moins une analyse objective des mécanismes de planification qu’un inconfort idéologique plus profond face au modèle de gouvernance proactif de la Chine. En présentant la planification comme intrinsèquement défectueuse ou illégitime, ces critiques passent à côté d’un élément central qui explique la réussite économique et la résilience stratégique de la Chine.
Les plans quinquennaux chinois ont clairement démontré leur adaptabilité, leur orientation vers des objectifs et leur efficacité pour surmonter à la fois les défis internes et les changements mondiaux. Pour un dialogue constructif sur les modèles de gouvernance au XXIe siècle, le monde occidental gagnerait à adopter une approche plus nuancée, ancrée dans l’analyse factuelle plutôt que dans des présupposés idéologiques.
Quatorze canots de sauvetage fabriqués en Chine sont chargés sur un navire à destination de la France sur le quai de l’entreprise Xilian du port de Qingdao (Shandong), le 5 avril 2025.
Hisham El-Zimaity, secrétaire général du Conseil égyptien des Affaires étrangères et ancien ambassadeur d’Égypte au Japon, en Hongrie, en Slovénie et au Pakistan
Les plans quinquennaux de la Chine constituent une vision stratégique à long terme, avec une mise en œuvre flexible. L’approche progressive permet des ajustements à mi-parcours, garantissant ainsi une adaptation continue aux réalités technologiques, géopolitiques et économiques changeantes.
Le modèle des plans quinquennaux assure une constance remarquable dans la mise en œuvre des politiques. En évitant les revirements à court terme qui caractérisent de nombreux autres systèmes politiques, il préserve la continuité nécessaire au développement à long terme. Cette stabilité institutionnelle favorise particulièrement les politiques infrastructurelles, industrielles et d’innovation, encourageant ainsi les investissements dans des projets durables.
Ce modèle repose sur une stabilité relative, notamment face aux chocs mondiaux, tels que les guerres commerciales et les tensions géopolitiques, qui nécessitent une élaboration agile des politiques et des réponses coordonnées.
Contrairement aux modèles économiques axés uniquement sur la croissance du PIB, les plans quinquennaux chinois intègrent de manière équilibrée la protection sociale, la lutte contre la pauvreté, la transition énergétique et l’autonomie technologique. Cette approche a favorisé l’industrialisation rapide de la Chine tout en répondant aux préoccupations environnementales et sociales.
Dans un monde incertain, ce modèle chinois illustre l’importance d’une planification à long terme. Il offre des perspectives utiles aux pays confrontés aux défis de la désindustrialisation, des transitions énergétiques et des mutations technologiques accélérées.
Le modèle de plan quinquennal chinois allie stabilité et adaptabilité, offrant des perspectives précieuses pour le développement mondial. Son accent sur les objectifs stratégiques à long terme, combiné à des investissements dans les infrastructures et l’innovation technologique, constitue un cadre pertinent aux pays en quête d’une croissance durable dans un environnement mondial marqué par l’instabilité.
