Une maquette du Taosi intermédiaire au Musée de Linfen (PHOTO : TENG YANYAN)
Après la découverte du site de Taosi à la fin des années 1950, les archéologues ont, au cours de plus de 40 ans de fouilles, mis au jour des murs d’enceinte et de palais, de grandes sépultures, un observatoire, des guibiao (ou gnomons), des traces d’écriture et des vases rituels. Ces vestiges corroborent les textes historiques qui relient Taosi aux Souverains Yao, Shun et Yu le Grand de l’époque légendaire. Les archéologues ont déterminé qu’il est très probable que Taosi a été la capitale sous le règne de Yao. Par ailleurs, les fouilles archéologiques montrent que le système des rites et un État archaïque ont pris forme à Taosi.
Des « ruines Xia » à Taosi
En 1958, des archéologues ont mis au jour le site de Taosi dans le district de Xiangfen (Shanxi). Cette découverte a commencé par l’exploration de la culture Xia et la quête des « ruines Xia ». En 1959, après que les ruines de Yin à Anyang (Henan) ont confirmé l’existence de la dynastie Shang (environ 1600–1046 av. J.-C.), Xu Xusheng, un archéologue renommé, a suivi les documents historiques et les légendes géographiques comme piste. Il a rapidement découvert le site d’Erlitou à Yanshi (Henan), considéré par de nombreux archéologues comme la capitale de la dynastie Xia pendant sa phase intermédiaire et tardive.
Tout d’abord, ils ont trouvé un grand nombre de tessons de poterie grise supposés provenir de la période de la culture de Longshan (environ 2350–1950 av. J.-C.). De novembre 1959 à 1963, le site de Taosi est devenu le principal centre d’investigation. Les archéologues ont découvert que des fragments similaires de poterie grise ne se trouvaient pas seulement dans le village de Taosi. Après plusieurs études et examens, ils ont déterminé que le site s’étendait sur plus de 3 km2.
De 1978 à 1985, le site de Taosi a connu sa première période de fouilles continues. Gao Jiangtao, chercheur à l’Institut d’archéologie de l’Académie des sciences sociales de Chine et actuel chef de l’équipe archéologique de Taosi, a rappelé qu’au début des fouilles, l’équipe avait découvert un grand cimetière datant de la phase archaïque de la culture de Taosi dans la partie sud-est du site. Ce cimetière, avec des tombes de tailles différentes, est devenu le point central des premières fouilles.
Au cours de ce processus, l’excavation de six grandes tombes a marqué un premier point culminant dans les recherches. Les objets funéraires des occupants des tombes comprenaient un ensemble d’instruments de musique tels que des tambours en terre cuite, des tambours à peau d’alligator du Yangtsé et des qing en pierre. Ces instruments sont mentionnés dans les textes historiques comme étant utilisés lors des cérémonies de la plus haute importance dans les temps anciens. Les archéologues supposent que cette association fixe d’instruments indique l’existence d’un système de rites. Cela montre qu’à l’époque, lorsque les bronzes étaient encore peu généralisés, le système rituel et musical chinois avait peut-être déjà émergé à Taosi.
En 1980, la tombe référencée M3016 a révélé un plateau rond en céramique décoré d’un dragon enroulé. Par la suite, quatre assiettes avec des dragons de ce type ont été dégagées de cette même tombe. Les archéologues pensent que le plateau en céramique devait appartenir au souverain de l’époque et symbolisait un statut élevé.
En 1984, dans une zone résidentielle du site, les archéologues ont reconstitué un vase à partir de fragments de poterie, sur lequel figurent deux inscriptions vermillon. Gao Jiangtao a souligné que les fouilles archéologiques des années 1970 et 1980 ont permis de révéler pour la première fois le site de Taosi au public. Les résultats majeurs de ces recherches ont mis en avant le concept de « culture de Taosi », permettant une première compréhension de son contenu, de ses caractéristiques et de sa chronologie. Ils ont également permis d’établir les phases archaïque, intermédiaire et tardive du développement de la culture de Taosi, qui a servi de base aux recherches ultérieures.
Des archéologues travaillent dans la zone palatiale du site de Taosi, le 7 décembre 2023. (PHOTO : XU HAO)
La plus grande cité fortifiée du bassin du fleuve Jaune
La répartition hiérarchique des tombes, les objets funéraires, les assiettes en céramique, ainsi que le vase à inscriptions vermillon, indiquent que le site de Taosi n’était pas un établissement ordinaire. Sur ce plateau de loess apparemment stérile, les archéologues cherchaient des preuves que le site de Taosi pouvait être la « capitale de Yao, Pingyang ».
À la fin du XXe siècle et au début du XXIe siècle, les fouilles du site de Taosi sont entrées dans une nouvelle phase. En 1999, Liang Xingpeng, chercheur à l’Institut d’archéologie de l’Académie des sciences sociales de Chine, a pris la tête de l’équipe du Shanxi. Gardant à l’esprit la prophétie de l’archéologue Su Bingqi sur l’existence d’une ville fortifiée à Taosi, il a donc commencé par chercher les anciens remparts, pensant que s’il les trouvait, il pourrait établir l’existence de la ville.
Plusieurs membres de l’équipe archéologique ont suivi des fragments de pisé trouvés par hasard et ont fini par constater qu’ils formaient une structure semblable à un cadre. Après des fouilles et des analyses successives, la zone a été identifiée comme une agglomération archaïque datant du milieu de la période Taosi d’une superficie de plus de 2,8 km2 protégée par une enceinte carrée.
« Un site aussi vaste et l’existence d’une ville indiquent qu’il s’agit probablement d’une capitale. S’il s’agit bien d’une capitale, il devrait y avoir une zone de palais. » En 2002, peu après la découverte du site de Taosi, He Nu, chercheur à l’Institut d’archéologie de l’Académie des sciences sociales de Chine, a pris la direction des fouilles. La recherche de la zone de palais à l’intérieur de l’agglomération est alors devenue le point central des recherches.
« Les archéologues ont commencé à explorer la structure interne de la ville sous l’angle de l’archéologie du peuplement, en utilisant une approche multidisciplinaire et des technologiques avancés. Ils ont rapidement découvert des zones fonctionnelles telles que des résidences, une zone de stockage et des ateliers. »
En 2013, les archéologues ont découvert un autre site urbain à l’intérieur de l’agglomération, en périphérie de la zone de palais. Ce site a été identifié comme les murs de la cité des palais, conférant ainsi à Taosi la caractéristique d’un système « cité des palais + enceinte extérieure ». On trouve, d’un côté, les maisons du peuple et, de l’autre, les habitations de l’élite ainsi que les bâtiments publics. Selon Gao Jiangtao, ce type de système urbain est devenu le modèle dominant des capitales chinoises des dynasties ultérieures.
Avec une grande échelle et une division fonctionnelle claire, et en corrélation avec les tombes des souverains et les objets funéraires de haut niveau découverts au siècle dernier, le site de Taosi est généralement considéré comme un centre de pouvoir du souverain d’il y a plus de 4 000 ans, avec une société relativement développée.
« Yao, Shun et Yu le Grand sont peut-être une légende, mais l’époque à laquelle ils ont vécu ne l’est pas. Que ce soit par l’archéologie, les documents historiques, les légendes ou les coutumes populaires, tout pointe vers Taosi comme étant la capitale de cette époque. Quant à savoir quelle étiquette spécifique attribuer à cette capitale, chacun a son avis », a déclaré Gao Jiangtao.
Le « centre géographique » dans la culture de Taosi
Selon Gao Jiangtao, l’expression du « pays du Milieu » repose sur deux aspects : premièrement, la politique, il doit y avoir un État, et non pas une chefferie, encore moins une tribu ou un clan. Deuxièmement, l’emplacement, cet État doit se trouver au « centre géographique » tel que perçu par les gens de l’époque.
Des décennies de découvertes archéologiques ont prouvé qu’il y a plus de 4 000 ans, les ancêtres de Taosi exploraient avec persévérance le concept de « centre géographique ». Ils utilisaient différentes méthodes pour observer les phénomènes célestes et déterminer les saisons agricoles afin d’intégrer des connaissances astronomiques avancées à la politique. Taosi, identifié comme au « centre », est considéré comme le point de départ de la civilisation chinoise.
En 2002, des vestiges de piliers en pisé ont été découverts pour la première fois. Les travaux de nettoyage se sont poursuivis jusqu’à la fin du mois de novembre de l’année suivante. Finalement, 13 blocs indépendants ont été révélés, ils étaient disposés en demi-cercle. Les archéologues ont supposé qu’il s’agissait peut-être de vestiges d’observatoire, où les anciens déterminaient les saisons agricoles en fonction de l’interaction entre la position de la Terre et celle du Soleil. Après de nombreuses expérimentations et avec l’aide d’astronomes, il a été confirmé que l’observatoire restauré permettait d’observer 20 périodes solaires.
Dès les années 1980, les archéologues avaient trouvé un poteau en bois de couleur rouge dans la tombe de taille moyenne d’un ancien noble. En 2002, un long objet en bois laqué noir avec des segments colorés a été trouvé dans la tombe d’un souverain de la phase intermédiaire de la culture de Taosi. Après l’identification des vestiges de l’observatoire de Taosi, l’usage de ces deux tiges en bois a de nouveau attiré l’attention des archéologues. Les résultats ont montré qu’elles étaient respectivement une règle de mesure et un gnomon.
He Nu a indiqué que la longueur totale de l’échelle de mesure du gnomon est d’environ 40 cm, ce qui équivaut à 1,6 chi (ancienne unité de mesure) de Taosi. Cela représente la longueur standard de l’ombre dans le sud du Shanxi pendant la période Longshan, servant à identifier le « centre géographique », le seul canal de communication entre l’humanité et le Dieu du Ciel. « Le souverain doit résider au centre du monde », et ce n’est qu’ainsi qu’il peut avoir le « mandat du Ciel » et donc une autorité légitime. Le site de Taosi et la structure étatique et sociale de Taosi s’harmonisent parfaitement avec l’idée de centralité, établissant ainsi le concept de « pays du Milieu ».
Gao Jiangtao a également déclaré que la localisation de ce « centre géographique » avait changé. De nombreuses preuves montrent la perception de Taosi comme le centre du monde à cette époque. À l’époque des Zhou occidentaux (1046–771 av. J.-C.), ce centre mentalement conçu s’est progressivement déplacé du sud du Shanxi au bassin de Luoyang.
*CHEN KE est journaliste à