Lors de la Fête de la récolte des agriculteurs chinois 2021 à Fuqing (Fujian), 50 agriculteurs influenceurs présentent en direct des produits agricoles. Suivis par 1,05 million de personnes en une seule journée, ils ont réalisé un chiffre d’affaires dépassant 300 000 yuans.
Dans le district de Minqing près de Fuzhou au Fujian, Jiang Heqing et sa famille cultivent des olives depuis plus de 30 ans. « En 2019, nous avons ouvert un compte sur Douyin (la version chinoise de TikTok) et commencé à faire de courtes vidéos pour promouvoir nos produits. Tout à coup, nos petites olives étaient entrées sur un grand marché », raconte cet agriculteur de 47 ans.
Dans les vastes zones rurales de Chine, les technologies internet permettent à de nombreux agriculteurs de recevoir les dividendes de l’économie numérique depuis le pas de leur porte. Au cours de ces deux dernières années, avec l’association d’Internet et de l’agriculture et les avantages qui en ont découlé continuellement, l’e-commerce chinois au niveau du district est passé progressivement d’un mode traditionnel à un mode basé sur les réseaux sociaux. La diffusion en direct associée à la présentation de produits par de courtes vidéos est devenue l’un des vecteurs les plus importants de « l’économie du cloud » dans les campagnes chinoises.
« L’utilisation du numérique pour dynamiser les campagnes permet d’améliorer l’efficacité et la qualité de la production, notamment de réduire la distance spatiotemporelle entre les agriculteurs, les entreprises agricoles et les acheteurs, accélérant directement l’avènement de ce “nouveau format” de l’e-commerce rural comme une tendance forte », remarque l’économiste Zhang Lianqi. Selon lui, le numérique a ouvert la voie permettant aux produits agricoles « de sortir des campagnes et d’entrer dans les villes », et il a également permis d’attirer les flux humains et financiers dans le développement rural, d’accélérer la transformation et la mise à niveau du secteur tertiaire dans les zones rurales, ainsi que de promouvoir le développement vigoureux de l’économie rurale, élargissant continuellement les sources de revenus des agriculteurs et des zones rurales.
Le grand marché des petits écrans
À Minqing, la récolte des olives se fait chaque année au mois d’octobre. Il s’agit d’une période particulièrement chargée pour Jiang Heqing et chaque jour est alors un « jour de paie » : « Nous sommes très occupés à faire la promotion de nos produits frais sur Douyin. Les bons jours, nous pouvons en vendre jusqu’à 20 000 commandes en une journée. […] Nos revenus annuels dépendent entièrement de ce mois. »
Autrefois, M. Jiang devait louer un véhicule pour transporter jusque dans le Guangdong les olives récoltées le jour même, afin de les vendre. « Les grandes quantités d’olives fraîches sont facilement périssables et les acheteurs en profitaient souvent pour négocier le prix à la baisse », se souvient-il. Les revenus escomptés étaient ainsi souvent rabaissés.
Les changements ont commencé à se faire sentir avec l’apparition de Douyin. « En 2018, j’ai vu dans le village des personnes utiliser cette plateforme pour vendre leurs produits. Au début, je ne pensais vraiment pas qu’il était possible de résoudre nos problèmes de ventes avec un simple téléphone, mais lorsque j’ai vu d’autres personnes expédier des sacs d’olives un peu partout en Chine, je ne pouvais plus ne rien faire. »
M. Jiang et sa famille, qui cultivent une surface de 23 ha, ont rapidement acquis les connaissances nécessaires. Pour l’agriculteur, « si on n’essaie pas, on ne peut pas savoir » et « ce n’est qu’en essayant que l’on peut avoir des résultats ». M. Jiang a commencé à partager sur Douyin des moments de sa vie et de son travail au quotidien. Le nombre de ses abonnés a rapidement dépassé la centaine de milliers et ces derniers sont de plus en plus nombreux. Ses vidéos les plus populaires sont celles dans lesquelles il explique les techniques de greffe sur les arbres fruitiers. « La vidéo la plus populaire a été aimée par plus de 150 000 personnes », s’exclame-t-il.
M. Jiang a ainsi directement bénéficié des opportunités commerciales apportées par ses abonnés et le trafic internet. Grâce à ses diffusions en direct et ses courtes vidéos, les semis et les fruits frais de saison qu’il produit peuvent être vendus par téléphone. Le village de Beixi où habite M. Jiang est un village agricole traditionnel, plus de la moitié du millier d’habitants cultive des olives. « L’année dernière a été une année particulièrement bonne pour les olives. Grâce aux émissions en direct, nous avons réussi à vendre toutes nos olives, en plus les produits agricoles de plus de 70 agriculteurs locaux, ce qui a permis à tout le monde d’augmenter considérablement ses revenus », souligne-t-il. Au cours de ces deux dernières années, Douyin est devenue le canal principal de vente des produits agricoles dans le village. Les revenus annuels de nombreux agriculteurs atteignent les 200 000 à 300 000 yuans, et les revenus les plus faibles atteignent tout de même les 50 000 à 60 000 yuans.
Huang Luanying récolte des pleurotes en huître dans le village de Xiachangzhi (à Fuzhou), en octobre 2019. (Photo : Huang Yihui)
Des canards sur perchoirs
À Fuzhou, l’usine de production des « œufs d’or » basé dans le village de Danyun dans le district de Yongtai utilise également la technologie numérique. Les cages des canes, réparties sur cinq étages, sont gérées de manière entièrement automatisée, avec des systèmes intelligents permettant de les nourrir et de les abreuver, de nettoyer les cages et de récolter les œufs de façon automatique. Les éleveurs assistent en première ligne à la puissance de la technologie numérique.
La Chine est l’un des pays où sont élevées le plus de canes pondeuses au monde, avec un cheptel d’environ 150 millions de canes. La pollution des sources d’eau générée par l’élevage traditionnel sur plan d’eau engendre une pression environnementale relativement importante. En Chine, pour signifier qu’une chose est impossible, un proverbe dit « faire tenir un canard sur un perchoir ». En effet, les canards sont habitués à vivre dans l’eau et il est impossible de les faire tenir sur un perchoir, comme le feraient des poules. Yu Jie, le PDG de la société Fujian Guangyang Egg Industry, qui opère l’usine de production des « œufs d’or », affirme que la technologie numérique a révolutionné l’élevage intensif de canes pondeuses et bouleversé la méthode d’élevage traditionnelle sur plan d’eau. Selon lui, l’élevage des canes sur perchoirs est devenu aujourd’hui un nouveau mode d’élevage. En fonction des valeurs numériques de contrôle environnemental, les canes reçoivent à manger lorsqu’elles ont faim, à boire lorsqu’elles ont soif, et les œufs pondus sont récoltés grâce à un tapis roulant. La température, l’humidité et la qualité de l’air sont également contrôlées en temps réel en fonction des caractéristiques de croissance des canes pondeuses. Un seul employé suffit pour gérer l’alimentation et les soins quotidiens de 50 000 canes pondeuses.
« Le fait d’élever les canes en batterie et sur sol sec permet non seulement de réduire le risque de maladies et de garantir la qualité des œufs, mais également de réduire la surface utilisée, de diminuer la main d’œuvre nécessaire et de promouvoir un développement de haute qualité du secteur », souligne M. Yu. Les déjections des canes, qui pourraient polluer les points d’eau, sont recueillies pour produire de l’engrais, lequel est ensuite utilisé dans les plantations de prune Furong, formant progressivement une chaîne agricole circulaire. Aujourd’hui, la première phase de construction de l’usine de production des « œufs d’or » à Danyun est achevée et l’usine abrite quelque 300 000 canes pondeuses. « Lorsque le projet sera achevé, l’usine pourra permettre l’élevage de 1,2 million de canes, dont 900 000 canes pondeuses et 300 000 canes de réserve. La production annuelle devrait atteindre les 200 millions d’œufs par an et l’usine va devenir un gigantesque complexe d’élevage de canes pondeuses », annonce M. Yu.
Fuzhou soutient vigoureusement l’utilisation des mégadonnées, de l’infonuagique, de l’Internet des objets (IdO) et de l’intelligence artificielle dans la production, la gestion et les activités agricoles. À ce jour, la ville compte 12 parcs intelligents d’agriculture moderne de niveau provincial et 27 bases agricoles de niveau provincial utilisant l’IdO, dont l’usine de production des « œufs d’or » qui est devenue au niveau local une force motrice dans la redynamisation des zones rurales grâce à son programme d’agriculture numérique pour l’élevage de volailles.
L’utilisation du numérique dans l’agriculture moderne
Le bourg de Qibu dans le district de Luoyuan non loin de Fuzhou est réputé pour ses pleurotes en huître. Les cultivateurs de ce champignon ont mis en place une gestion intelligente de l’ensemble du processus de culture, de la bactérie jusqu’au champignon, reposant sur la technologie de l’IdO. « Dans les hangars de culture, il est possible de contrôler de façon intelligente la température, le taux d’humidité et l’exposition lumineuse. Les lignes de production automatisée ont rendu possible la “fungiculture mobile”, c’est-à-dire la culture des champignons grâce au téléphone portable. Cela a permis de diminuer la main d’œuvre nécessaire, et d’augmenter grandement les rendements économiques », explique ainsi Huang Luanying, qui est surnommée la « première dame » de la culture de champignons comestibles à Qibu. Évoquant l’évolution de la fungiculture, la champignonniste basée dans le village de Xiachangzhi à Qibu fait l’éloge de la gestion intelligente mise en place aujourd’hui.
« Cela fait plus de 30 ans que je cultive des champignons. Au cours de ces dernières années, grâce à l’intégration continue de la gestion scientifique de la culture, à laquelle est venue s’ajouter la gestion numérique intelligente, la fungiculture a été florissante à Qibu », note-t-elle. Malgré l’impact de l’épidémie sur les ventes au cours de ces deux dernières années, la valeur de l’ensemble de la chaîne de production des champignons comestibles à Qibu a dépassé le milliard de yuans en 2021, grâce aux ventes en lignes par le biais de divers canaux.
Le responsable du Centre de services agricoles du bourg de Feizhu, Huang Xianchen, reconnaît que la « fungiculture mobile », le contrôle de la température intelligente ou encore le semis automatisé sont devenus des atouts de Luoyuan pour améliorer la qualité et l’efficacité de son agriculture moderne. En comparaison avec la culture de champignons, l’utilisation des drones a grandement réduit la charge de travail des agriculteurs. « Les drones scannent le terrain puis calculent leur itinéraire. Que ce soit pour faire les semis ou pour répandre de l’engrais, l’ensemble du processus est rapide et l’efficacité est jusqu’à cinq fois supérieure à celle d’un être humain. Une personne seule avec une machine peut traiter environ 33 ha de surface agricole par jour en utilisant jusqu’à 30 % de pesticides en moins. Cela permet de travailler rapidement, en toute sécurité et avec une grande efficacité », indique-t-il.
Le renforcement du niveau de numérisation de la production en zones rurales, l’accélération de l’innovation technologique dans le domaine de l’agriculture et l’avènement d’un « nouveau format » de numérisation des villages ont rendu possible le développement de haute qualité de l’économie rurale en Chine. D’après Zhang Lianqi, un spécialiste de l’économie rurale, l’utilisation du numérique constitue une orientation stratégique pour la revitalisation des zones rurales. « Aujourd’hui, la technologie numérique est omniprésente et couvre des domaines importants de la production agricole, comme les fruits, les légumes, le riz, le thé ou encore la volaille. C’est une toute nouvelle force productrice dans le développement économique des zones rurales en Chine », affirme-t-il.
