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Une vie pour le muqam

2021-07-29 11:03:00 Source:La Chine au présent Auteur:WANG FENGJUAN
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Le 29 mars 2019, dans la préfecture d’Aksu, des artistes folkloriques entonnent un muqam. 

 

De retour de Hami, dans l’est du Xinjiang, Wang Jiangjiang s’est aussitôt mis au travail sur son ordinateur à Urumqi. Il a dressé un inventaire de la trentaine d’héritiers du muqam, un mélange de chants, de danses et de musiques populaires et classiques, un genre qui se caractérise par sa diversité en termes de contenu, de chorégraphie, de style musical et d’instruments employés. Pour chacun des héritiers des douze muqam de Hami, il a répertorié les photos, leur expérience artistique et leurs performances. Au cours de ces dix dernières années, il a rassemblé et trié les documents audiovisuels de plus de 2 000 héritiers sur une trentaine de disques durs.

 

Le muqam ouïghour du Xinjiang a été inscrit en 2008 sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité (originellement proclamé en 2005). En 2006, cet art avait été inclus par le Conseil des affaires d’État dans le premier lot de la Liste nationale du patrimoine culturel immatériel.

 

En quête de musique folklorique du Xinjiang

 

M. Wang, 37 ans, est originaire du Hebei. Passionné de musique depuis l’enfance, il a étudié au Conservatoire de musique de Xi’an et à l’Université de Milan avec une spécialisation dans l’opéra et la composition. Durant ses trois années d’études en Italie, il a approfondi sa réflexion sur le patrimoine musical traditionnel de la Chine. Quelqu’un l’enregistre-t-il, comme on l’avait fait pour l’opéra il a un siècle ? Il s’est alors décidé à rentrer en Chine pour se pencher sur la culture musicale chinoise.

 

De retour en septembre 2009, M. Wang s’est intéressé à la musique folklorique, localisant notamment les capitales dynastiques anciennes, visitant les musées et les sites historiques, recherchant dans divers endroits des formes d’opéras et écoutant de la musique de différentes nationalités pour appréhender l’essence de la culture chinoise. Pendant un an, il a sillonné les routes du pays. Dans les montagnes du Guangxi, un vieil homme lui a dit qu’on ne pouvait pas vivre de la musique folklorique et que les jeunes travaillaient tous en ville. Beaucoup de chants folkloriques ont donc été oubliés. Il entendait les mêmes commentaires en discutant avec des artistes folkloriques de divers groupes ethniques.

 

Un jour que M. Wang était un peu déprimé, il a regardé le documentaire Le patrimoine mondial de la Chine, dans lequel un vieil artiste ouïghour entonnait une partie du Dolan muqam, un style de muqam, et il en a été comme électrifié. Après des recherches sur Internet, il a fait toutes sortes de démarches pour finalement trouver un poste de bénévole dans le district de Ruoqiang, situé dans la préfecture autonome mongole de Bayin’gholin, au Xinjiang.

 

En juillet 2010, M. Wang a pris son poste de professeur d’anglais dans une école primaire, et a commencé à recueillir et répertorier des informations sur les artistes folkloriques au Centre du patrimoine artistique du muqam du district de Yarkand, au sud des monts Tianshan, filmant et enregistrant tout ce qu’il pouvait. En bordure du vaste désert, l’ancienne cité de Loulan, aux confins du nord-ouest de la Chine, avait conservé son aspect d’origine même si les années et les vents avaient laissé leur empreinte. Lorsqu’il a entendu un vieil homme ouïghour jouer le muqam, il a soudain ressenti un profond sentiment d’appartenance.
 

 

Une passion pour le muqam

 

La musique est le sel de l’existence des Ouïghours, et les douze muqam jouent un rôle de lien social essentiel. Le muqam est chanté dans les cours, les champs, les occasions joyeuses et festives et les réunions entre amis. Le son d’instruments à cordes pincées touche l’âme, comme le satar dont la mélodie évoque la solitude dans une vaste mer de sable, ou le tambûr, dont la clarté et la douceur peuvent facilement enivrer l’auditeur.

 

La première fois qu’il a assisté à une représentation sans prétention et entendu cette mélodie si lancinante, M. Wang en a éprouvé de la fascination. « Toute la représentation des artistes folkloriques était d’une simplicité biblique, comme se laver le visage et prendre un repas dans la vie normale, et mes nerfs accompagnaient les soubresauts de la musique. »

 

Le muqam ouïghour est une œuvre épique de pièces jouées avec douze suites d’instruments et de voix pouvant durer plus de vingt heures. M. Wang précise que ce système musical est très riche, les mélodies varient en intensité avec des titres très longs, les percussions évoluent de manière fantaisiste et il n’y a pas de partition, le tout étant soigneusement enseigné oralement pour le plus grand plaisir de tous. Il est très difficile de tout mémoriser complètement. De nos jours, peu de gens peuvent en chanter tous les extraits. Les douze muqam sont un art représentatif, parmi lequel on trouve aussi le Dolan muqam, le Turpan muqam et le Hami muqam.

 

« Les douze muqam possèdent les caractéristiques de la musique mondiale. Cela résonne en moi et m’enthousiasme, et davantage de gens l’apprécieront. Je ferai de mon mieux pour devenir un passeur et diffuser ces musiques traditionnelles folkloriques du Xinjiang », s’est réjoui M. Wang. Il faut cependant beaucoup de temps pour s’imprégner du muqam. C’est pour cela qu’il a appris la langue ouïghoure en six mois et est entré dans les foyers locaux pour en savoir plus et chanter.

 

Après avoir quitté Ruoqiang, il est parti à la recherche du muqam à Kashgar, Turpan et Hami, et s’est rendu dans plus de 300 villages et villes du nord et du sud du Xinjiang. Il ne s’agissait pas seulement de rassembler des matériaux dispersés un peu partout, mais de mieux comprendre cette terre. Il a composé plus de 40 œuvres musicales dans le style du Xinjiang, comme la comédie musicale Amour à Loulan, et des compositions originales comme Yarkand où je suis né et Venez danser avec moi dans le Xinjiang.

 

Un impératif de transmission

 

Polat Tursun, directeur adjoint du département des arts scéniques de la troupe artistique de muqam à l’Opéra des arts du Xinjiang, est une star du cinéma et un chanteur du Xinjiang, ainsi qu’un bon ami et un acolyte de M. Wang. Parlant du périple de son ami dans le Xinjiang, il dit le comprendre. « Quand il est arrivé au Xinjiang, je lui ai dit qu’il pourrait écouter le muqam dans notre troupe, mais il était déterminé à aller recueillir des chants folkloriques. » Il reconnaît aujourd’hui que les matériaux que M. Wang a recueillis sont extrêmement significatifs.

 

M. Wang apportait son équipement audiovisuel lors de ses rencontres avec les vieux artistes. Tous s’appliquaient à jouer et chanter et malgré la faiblesse de leur voix, ils y mettaient toute leur âme. Sachant qu’il souhaitait transmettre la culture du muqam, ces personnes âgées lui demandaient de bien enregistrer, sans quoi beaucoup d’éléments disparaîtraient. C’est à partir de là qu’il a décidé de répertorier tous ces matériaux d’artistes du muqam et de chanteurs folkloriques. « Ils ont joué et chanté toute une vie et éprouvent des sentiments profonds à l’égard du muqam. Ce genre de musique originale est différent de celui qui est joué sur scène. J’espère qu’à travers mes enregistrements, les générations futures pourront la chanter », a-t-il confié, disant qu’il prévoyait de tourner un nouveau documentaire sur la musique et le folklore du Xinjiang.

 

En plus de dix ans, beaucoup lui ont dit que peu de personnes au Xinjiang comprenaient le muqam. Pourquoi, s’étonnaient-ils, prendre sur ses propres deniers pour faire tout cela, lui qui n’est pas du Xinjiang ?

 

M. Wang répondait que la Chine avait une riche culture que l’on retrouvait dans les musées ou qui était partie en poussière, et que le patrimoine culturel immatériel folklorique se perdait. « La vie matérielle nécessite des ressources culturelles de premier plan, et une riche culture doit se transmettre. J’aime la culture du muqam et j’espère que les générations futures pourront continuer à la chanter et à l’enregistrer. » Il a aussi planté des racines profondes dans cette terre où il s’est marié et a eu une fille. Son épouse l’accompagne d’ailleurs dans sa quête du muqam.

 

Ces dernières années, le gouvernement a ouvert des centres à Kashgar, Turpan et Hami pour former davantage d’héritiers dans l’art du muqam. À l’ère des nouveaux médias, M. Wang veut le faire découvrir sur les réseaux sociaux. Il a ouvert le compte « 365 jours de Wang Jiangjiang au Xinjiang » et présente des clips de représentation du muqam. Le muqam et la musique folklorique se nourrissent, selon lui, du sol du Xinjiang. Il est donc bien résolu à y demeurer pour chanter et enregistrer le muqam.

 

*WANG FENGJUAN est journaliste à China Report.

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