La prairie de Hulun Buir renaît grâce à un élevage modernisé et à des pratiques durables et coopératives.

Un troupeau de moutons sur la vaste base d’élevage de moutons à tête rousse, dans la bannière du Vieux Barag, le 1ᵉʳ août
Sur l’immense prairie de Hulun Buir, au nord de la Chine, les steppes ondulent à perte de vue. Réputée comme l’une des quatre grandes prairies du monde, cette terre que l’on surnomme le « royaume de la flore et de la faune du nord de la Chine » est depuis toujours le berceau d’une culture nomade ancestrale et un pilier de l’élevage pastoral.
Mais derrière cette image idyllique se profile une réalité plus vulnérable. Des décennies de changement climatique, de surpâturage et de pratiques traditionnelles ont fragilisé les écosystèmes. Dans certaines zones, la prairie s’étiole, la biodiversité recule, les moyens de subsistance vacillent.
Face à cette urgence écologique, les autorités locales ont fait de la lutte contre le surpâturage une priorité stratégique, notamment dans la bannière autonome d’Ewenki, où l’élevage est une activité vitale, ainsi que dans la bannière du Vieux Barag, la bannière gauche du Nouveau Barag et la bannière droite du Nouveau Barag. Leur défi est limpide : restaurer l’équilibre écologique tout en augmentant les revenus des éleveurs.
Un équilibre entre nature et modernité
Hulun Buir mise sur une stratégie en deux temps. D’un côté, des mesures de conservation ont été renforcées : interdiction temporaire de pâturage, rotations de repos et programmes de restauration écologique. De l’autre, la modernisation de l’élevage s’est accélérée : alimentation en enclos, développement d’une filière fourragère locale, et valorisation des produits agricoles à travers des marques porteuses.
Dans la bannière autonome d’Ewenki, une usine de transformation de fourrage incarne cette nouvelle donne. Là, des machines broient, mélangent et conditionnent paille, maïs ensilé et graminées fourragères en rations totales mélangées (RTM) standardisées. Pour l’entreprise Mengyuan Agricultural and Animal Husbandry Development, cette technologie marque un tournant. « Elles réduisent les pertes d’environ 30 %, assurent une nutrition équilibrée, diminuent les risques de maladies et permettent au bétail de maintenir son poids, même en hiver. »
La mécanisation permet aussi d’abaisser les coûts de main-d’œuvre, tandis que les rations peuvent être ajustées selon les besoins nutritionnels du cheptel. Mengyuan produit aujourd’hui quelque 200 000 tonnes d’aliments pour bovins et ovins chaque année, un atout pour sa rentabilité, comme pour les éleveurs.
Cette collaboration entre entreprises et communautés, au cœur de la stratégie de Hulun Buir, garantit un approvisionnement stable en fourrage, réduisant la pression sur les pâturages tout en modernisant l’élevage.

Bovins dans une étable de l’entreprise Mengyuan Agricultural and Animal Husbandry Development, le 1ᵉʳ août
Miser sur l’image de marque
Pour mieux valoriser les produits issus de l’élevage et promouvoir une filière de qualité, Hulun Buir mise sur le développement de viandes biologiques, écologiques et haut de gamme, à l’image du mouton à tête rousse de la bannière du Vieux Barag, devenu un produit phare.
La viande de cette race rustique, prisée pour sa texture ferme, sa couleur soutenue et sa richesse nutritionnelle, a obtenu en 2022 la reconnaissance du ministère de l’Agriculture et des Affaires rurales comme « nouveau produit agricole spécialisé ».
Une base d’élevage standardisée a été établie à Huhe Wendu’er Gacha dans le cadre d’un projet pilote visant à renforcer les économies collectives et à revaloriser les revenus des éleveurs.
Chaque mouton est équipé d’une étiquette électronique, accède à des points d’eau intelligents et franchit des portiques de reconnaissance, sous l’œil de caméras qui veillent sur les pâturages. Grâce à une plateforme numérique développée par le Bureau de l’agriculture, de l’élevage et des sciences de la bannière du Vieux Barag, le cycle de vie complet de chaque animal est désormais traçable. « Ce système prévient le surpâturage tout en renforçant l’image de marque et la valeur du produit », précise Wang Jia, un agent du Bureau.
Autour de la rivière Morigele, l’initiative mêle élevage et tourisme culturel, faisant du mouton à tête rousse un produit d’exception ancré dans le terroir. Porté par l’e-commerce et le tourisme, il conquiert aujourd’hui des marchés à forte valeur ajoutée.
Réinventer l’économie pastorale
La renaissance de Hulun Buir repose aussi sur une réforme en profondeur de l’économie pastorale. Les ressources deviennent des actifs, les financements se transforment en parts sociales, et les éleveurs deviennent actionnaires.
Dans la bannière autonome d’Ewenki, ce virage s’incarne à travers un réseau de stations de service coopératives couvrant 16 villages. Trente-sept gestionnaires assurent des services spécialisés comme le nettoyage des moutons, le stockage du fourrage et les soins vétérinaires.
En parallèle, ces coopératives travaillent avec des institutions financières pour garantir un soutien solide à la production et aux opérations des éleveurs. Elles offrent également des conseils juridiques gratuits, des formations et des produits financiers inclusifs, orientés par les politiques publiques, assurant ainsi un accompagnement global aux éleveurs locaux.
Les résultats sont remarquables : des économies de plusieurs dizaines de milliers de yuans sur les soins vétérinaires, plus de 45 millions de yuans de chiffre d’affaires supplémentaire, et des prêts à taux préférentiels dépassant les 760 millions de yuans. Hulun Buir a mis en place 51 stations de services villageoises et déployé 160 agents de terrain pour assurer un soutien ciblé, permettant aux éleveurs d’économiser, d’alléger leurs charges et d’augmenter leurs revenus.
« Ces réformes ne sont pas que financières », souligne Wang Jingshun, directeur de l’Académie des sciences agricoles et d’élevage de Hulun Buir. « Elles répondent aux difficultés bien réelles que rencontrent les éleveurs sur cette vaste prairie peu peuplée. »
Aujourd’hui, les pâturages de Hulun Buir se régénèrent, le bétail est en meilleure santé, et les éleveurs commencent à récolter les fruits de ces réformes. Dans le cadre plus large de la stratégie nationale de revitalisation rurale, la région devient un modèle de synergie entre préservation écologique et développement économique.
L’expérience de Hulun Buir offre une leçon précieuse au monde : même sous pression écologique et économique, l’innovation, les réformes et la coopération peuvent écrire un nouveau chapitre pour l’une des prairies les plus remarquables de la planète.