Goran étudie un miroir chinois antique en bronze. 

Goran Durdevic, 35 ans, est un archéologue croate. Au cours de ses six années en Chine, il s’est consacré à l’étude comparative des miroirs en cuivre de la dynastie Han (206 av. J.-C.-220 apr. J.-C.) et ceux de la Rome antique. À ses yeux, ces objets anciens sont témoins des échanges culturels et de l’inspiration mutuelle le long de l’ancienne Route de la Soie.

Depuis le lancement de l’initiative « la Ceinture et la Route » (ICR) en 2013, la coopération en matière d’éducation entre la Chine et les pays partenaires ne cesse de se renforcer, et le nombre d’étudiants venant de ces pays a commencé à augmenter dans les universités chinoises. En 2017, Goran Durdevic s’est ainsi inscrit à la faculté d’histoire de l’Université normale de la Capitale en Chine.

Goran peut énumérer sans rien omettre les citations littéraires chinoises et occidentales sur les miroirs, et des philosophies chinoises anciennes l’ont beaucoup inspiré. « Je connais une expression idiomatique chinoise qui décrit une similitude entre l’eau et le miroir : jinghua shuiyue [le reflet d’une fleur dans le miroir et celui de la lune dans l’eau, qui désignaient, au début, une atmosphère artistique éthérée, mais aujourd’hui, des vues illusoires]. Il y a une célèbre citation de la dynastie Tang : un simple miroir permet d’ajuster son habit, tandis que le miroir de l’âme humaine nous éclaire sur les succès et les échecs d’une vie, et que le miroir du passé reflète la grandeur et le déclin des civilisations. »

Une occasion favorable

Goran s’intéresse à l’histoire et à la culture depuis son enfance et, à l’âge de 19 ans, il a été admis au département d’archéologie de l’Université de Zadar (Croatie), où il a étudié l’histoire de la Rome antique. Il y a longtemps, la Croatie faisait partie de l’ancien Empire romain, et elle a ainsi été fortement influencée par sa culture.

Au cours de ses études, Goran a été exposé aux différentes cultures et histoires à travers le monde, y compris la Chine. Après avoir appris la puissante dynastie Han, qui existait en Orient à la même époque que l’Empire romain, ses recherches se sont tournées vers l’étude comparative de l’histoire chinoise de la dynastie Han et de l’histoire romaine antique.

Désirant étudier la culture chinoise, Goran est devenu en 2017 le deuxième étudiant croate au département d’histoire de l’Université normale de la Capitale. « Ce fut une expérience très précieuse pour moi. Grâce au projet de l’ICR, j’ai eu l’occasion de venir en Chine, pour y effectuer mon doctorat. » Il a concentré ses recherches sur les miroirs antiques en cuivre, surtout ses ornements sculptés, lisant beaucoup et visitant des musées à Xi’an, à Shanghai et à Luoyang, entre autres, pour mener des recherches sur le terrain.

Goran donne une conférence à l’Université des Langues étrangères de Beijing. 

Un lien particulier

Après quatre ans d’efforts, Goran a obtenu son doctorat avec d’excellents résultats. Après le diplôme, il est entré à l’Université des Langues étrangères de Beijing en tant qu’enseignant d’archéologie et d’histoire sans cesser ses recherches.

« Les miroirs sont des objets très spéciaux. Tout le monde utilise des miroirs dans la vie quotidienne, beaucoup pour se maquiller. Cependant, la signification des miroirs ne s’arrête pas là. Lorsque vous vous regardez dans un miroir, vous pouvez constater vos expressions du visage et votre état d’esprit. Il s’agit d’une question liée à la conscience de soi, qui peut susciter l’introspection », note-t-il. « Ils nous transmettent des informations très importantes. Je veux savoir comment ces créations sont liées à l’identité sociale des propriétaires, à quels critères esthétiques elles correspondent, comment les conceptions allégoriques ont été découvertes, et pourquoi elles apparaissent sur les miroirs », explique-t-il en parlant de l’essentiel de ses recherches, à savoir les ornements sculptés et les inscriptions des miroirs en cuivre de la dynastie Han.

Il remarque que la plupart des créations de la dynastie des Han de l’Ouest (206 av. J. - C. à 8 apr. J. - C.) tournent principalement autour de la grande nature, par exemple le Miroir des Étoiles et des Nuages, sur lequel les bombements circulaires symbolisent des étoiles et les décorations à la périphérie composées de 16 demi-cercles symbolisent des nuages. En effet, les ornements sur les miroirs en cuivre sont souvent associés à l’attitude de la population d’alors à l’égard de l’existence. Par ailleurs, certains miroirs cherchent à attirer la bénédiction, avec des invocations gravées comme « longévité et bonheur à vos générations à venir », qui se vendaient très bien.

De la période intermédiaire à la fin de de la dynastie des Han de l’Est (25-220), des miroirs avec des portraits ont fait leur apparition, les thèmes les plus connus ayant trait à des allusions historiques ainsi qu’aux dieux et aux immortels. « Beaucoup d’entre eux concernent la philosophie de la vie. À cette époque-là, la majorité des gens ordinaires étaient illettrés, qui n’avaient accès à l’information qu’à partir d’images. Différents ornements racontant différentes histoires, les miroirs constituent un support idéal. »

Goran et un groupe d’étudiants posent après un cours en plein air. 

Une inspiration mutuelle

Goran a visité quantité de musées dans beaucoup de pays. Il a également découvert sur des miroirs de la Rome antique des inscriptions propices, ainsi que des allusions historiques et mythologiques locales. « La culture romaine provient du mélange de cultures de différentes régions de la Méditerranée. Malgré les différences de culture et de pensée entre la Chine et la Rome antique, les modes de diffusion de l’information politique et social étaient similaires dans les deux empires », explique-t-il.

Les ornements sur les miroirs de la dynastie des Han de l’Ouest sont généralement des éléments abstraits et des motifs géométriques, tandis que ceux de la dynastie des Han de l’Est sont plus figuratifs, représentant des personnages spécifiques ou des concepts philosophiques, en particulier ceux du taoïsme.

Goran donne ainsi l’exemple du Miroir de Règles, qui occupe une place importante dans l’histoire des miroirs en cuivre. Il est également connu sous le nom de « miroir TLV », du fait des symboles gravés ressemblant aux lettres T, L et V qui se répartissent de manière très régulière sur le miroir. Il s’agit d’une incarnation de la pensée taoïste chinoise. La forme générale du miroir TLV est circulaire, avec un motif carré au milieu, ce qui manifeste la vision cosmologique des Chinois de l’antiquité : le ciel est rond, tandis que la terre est carrée.

Au cours de ses recherches, Goran a trouvé des informations similaires sur des miroirs romains. « Le point de vue des anciens Romains était que l’univers entourait la terre. On peut voir un cercle concentrique : le miroir est rond, avec une forme de pièce de monnaie au centre. Nous l’appelons le ‘‘miroir des pièces de monnaie’’. On peut le comprendre ainsi : quand on se regarde dans le miroir, on voit non seulement sa propre image, mais aussi tout l’univers. »

En plus de l’enseignement et de la recherche, Goran parle de la Chine au public croate. Il a participé au tournage d’un documentaire sur la capitale chinoise, dans lequel il présente en croate les hutong de Beijing, le Grand Canal et le Palais d’été. Ce documentaire a été diffusé par la radiotélévision croate HRT.

Il a par ailleurs co-écrit Soie, dragon et papier : civilisation, culture, histoire et archéologie de la Chine, qui a été publié en Croatie. Pour le moment, ce livre fait partie des manuels destinés aux étudiants au département d’histoire, d’archéologie et d’art dans des universités locales. Il convient de mentionner que Goran y a incorporé des connaissances sur les miroirs anciens chinois en cuivre.

Au cours de ses six années de lien profond avec les miroirs en cuivre, Goran est tombé amoureux de la culture chinoise et a trouvé l’amour. En 2021, il a fait connaissance de Chen Yarong, de la province du Fujian, une post-doctorante à l’Université des Langues étrangères de Beijing. Après ses études de muséologie à l’université, elle s’est consacrée à l’histoire de l’art. Une passion commune pour les études historiques et culturelles réunit les deux jeunes, qui se sont mariés en 2022 en Croatie. Aujourd’hui, Mme Chen participe souvent aux recherches de son époux sur les miroirs en cuivre, en l’aidant à relire des documents académiques en chinois.

Grâce aux projets dans le cadre de l’ICR, Goran a établi un lien particulier avec la Chine, et ses recherches sur les miroirs en cuivre ont contribué à la compréhension entre les populations et à l’inspiration mutuelle entre la Chine et l’Occident.