Le PCC fait preuve d’une grande résilience en raison de son adaptabilité et de sa gouvernance.
Cérémonie de lever du drapeau sur la place Tian’anmen à 4 h du matin, le 1er juillet 2025
Dans un siècle marqué par l’effondrement de nombreux partis idéologiques, particulièrement après la guerre froide, la persistance et le dynamisme du PCC soulèvent des questions fondamentales : qu’est-ce qui explique sa longévité ? Comment a-t-il su se réinventer face aux bouleversements historiques ? Qu’est-ce que sa transformation actuelle en un parti axé sur la gouvernance nous apprendra sur l’essence du pouvoir d’État dans la Chine contemporaine ?
De la révolution à l’exercice du pouvoir
Le PCC a vu le jour en 1921 sous la forme d’un petit cercle intellectuel, inspiré par la théorie marxiste et la révolution d’Octobre 1917 en Russie. Ses premières décennies ont été marquées par une lutte révolutionnaire : d’abord contre les seigneurs de guerre et le régime du Guomindang, puis contre l’agression japonaise. Avec la victoire dans la guerre civile en 1949 et la fondation de la République populaire de Chine la même année, le PCC est passé du statut d’avant-garde révolutionnaire à celui de parti au pouvoir.
La période post-révolutionnaire a été marquée par des changements profonds, qui ont poussé la direction du Parti à s’adapter aux nouvelles réalités. Face à de sérieux défis, tant internationaux que nationaux, le PCC a su surmonter les difficultés et s’adapter, alors qu’il cherchait à sortir le pays d’un siècle d’humiliation et à s’engager sur la voie du renouveau national.
Le tournant le plus emblématique reste celui de la réforme et de l’ouverture, une stratégie amorcée en 1978 sous la direction de Deng Xiaoping. Ce tournant a marqué non seulement un changement de politique économique, mais aussi une transformation institutionnelle plus profonde. Il a révélé un parti capable d’autocritique constructive – une qualité rare dans les grandes organisations politiques.
Capacité d’apprentissage et de réforme
La capacité d’apprentissage institutionnel est sans doute la clé de la résilience du PCC, faisant toujours preuve d’une volonté de diagnostiquer ses propres échecs, d’expérimenter des politiques et d’ajuster ses stratégies en fonction de l’évolution des circonstances. Depuis le système d’exploitation forfaitaire à base familiale (une réforme agraire marquant le passage de l’exploitation agricole collective à une production familiale) et la création de zones économiques spéciales (des zones désignées avec des réglementations et des politiques économiques exclusives pour attirer les investissements étrangers) au début des années 1980, jusqu’à l’adhésion de la Chine à l’Organisation mondiale du commerce en 2001, le PCC a promu une innovation politique pragmatique.
Plus important encore, les réformes n’ont pas été exclusivement économiques. Le PCC a également mis en place un vaste dispositif d’éducation, de lutte contre la corruption et de consultation publique (notamment élections aux échelons de base et canaux de pétition en ligne), afin d’assurer une gouvernance réactive et adaptée aux réalités du terrain. La réforme institutionnelle et l’adaptabilité sociale sont devenues les particularités du modèle de gouvernance du PCC.
La capacité d’adaptation du Parti n’est pas figée : elle est en perpétuelle évolution. Plutôt que de se reposer sur ses acquis historiques, le PCC a activement géré les transitions : d’une société agricole à une société industrielle, d’une fabrication bas de gamme à une production haut de gamme, et aujourd’hui d’une croissance à grande vitesse à un développement de haute qualité.
Le site du Ier Congrès du PCC à Shanghai accueille de nombreux visiteurs, le 2 mai 2021.
Le passage à la gouvernance : une nouvelle ère
L’une des transformations les plus profondes de ces dernières décennies est le passage du PCC d’un parti révolutionnaire à un parti de gouvernance. Ce n’est pas un simple mouvement sémantique, mais un changement dans la manière dont le Parti conçoit son rôle : moins orienté sur la mobilisation des masses pour une transformation idéologique, davantage centré sur la stabilité sociale, l’inclusion économique, le développement durable et le leadership technologique.
Dans le discours politique chinois, cette évolution est souvent décrite comme le passage d’un parti au pouvoir à un parti de gouvernance. Alors que le premier suggère une approche hiérarchique basée sur l’autorité, le second implique un mode de gouvernance plus complexe, qui intègre planification, régulation, participation et mécanismes de rétroaction. La gouvernance englobe un large éventail de domaines : la protection environnementale, la santé publique, la revitalisation rurale, la réglementation numérique, la réponse aux catastrophes et l’extension de la protection sociale.
Par exemple, l’accent mis par le Parti sur la gouvernance sociale vise à instaurer un système collaboratif entre l’État, la société et les citoyens, pour maintenir l’ordre et garantir des services. Cette structure symbiotique se reflète notamment dans la gestion communautaire en réseau, les systèmes d’alerte précoce basés sur les mégadonnées et les systèmes de crédit social, qui illustrent une gouvernance distribuée et soutenue par la technologie.
Plutôt que de s’appuyer sur une orthodoxie idéologique, le PCC tire aujourd’hui une grande part de son soutien populaire de ses performances : amélioration du niveau de vie, infrastructures modernes, services publics renforcés et fierté nationale. La direction du PCC a élaboré un vaste récit de développement : le rêve chinois du grand renouveau national, mêlant mémoire historique, ambitions internationales et promesses de prospérité commune.
Ce soutien public fondé sur des résultats tangibles est renforcé par une réforme institutionnelle continue. La lutte contre la corruption, relancée avec vigueur en 2012, a permis de discipliner les membres du Parti tout en envoyant un message fort à la population sur l’engagement du Parti envers sa propre purification. De même, les organes disciplinaires internes, les écoles du Parti et les mécanismes de centralisme démocratique ont été remodelés pour garantir l’unité tout en encourageant le débat et l’expérimentation politique.
Cette double approche – direction centralisée et gouvernance décentralisée, expérimentation et mise en œuvre – se reflète dans la gestion de la complexité. Elle permet une orientation ferme depuis le centre, tout en encourageant les initiatives des provinces, des municipalités et des acteurs locaux.
Un siècle d’innovation institutionnelle
La résilience institutionnelle du PCC fait aujourd’hui face à de nouveaux défis extérieurs. Les dynamiques des relations actuelles entre la Chine et les États-Unis et les changements plus larges de l’ordre mondial constituent à la fois des menaces et des opportunités. Plutôt que de se retrancher dans une attitude défensive, le PCC a réagi en mettant l’accent sur l’autonomie dans des domaines clés : semi-conducteurs, technologies vertes, fabrication de pointe et recherche scientifique. Ce lien entre la sécurité nationale et le développement renforce la position du PCC en tant que garant du destin de la Chine sur le long terme.
En effet, la phase actuelle de l’évolution du PCC peut être qualifiée de « gouvernance face à l’incertitude ». Le changement climatique, les transitions énergétiques, les perturbations économiques induites par l’IA et le découplage géopolitique potentiel nécessitent une gouvernance anticipative. En ce sens, le PCC ne se contente pas de réagir aux crises, il s’efforce de renforcer la résilience institutionnelle face à l’inconnu.
À 104 ans, le PCC est moins un monolithe idéologique statique qu’un système complexe et évolutif de gouvernance et de gestion de l’État. Cette flexibilité institutionnelle, fondée sur le soutien populaire obtenu grâce aux performances, à la prévoyance stratégique et à la volonté de se restructurer, a permis au PCC de résister à des tempêtes qui en ont frappé d’autres.
Avec la fin de l’hégémonie américaine, de nouveaux défis se profilent. Sur le plan intérieur, le PCC a joué un rôle moteur de développement. La transformation d’un pays arriéré et déchiré par la guerre en une puissance mondiale en huit décennies est un accomplissement sans précédent dans l’histoire. Parallèlement, au fil du développement de la Chine, son rôle dans le monde évolue également. C’est pourquoi la Chine et le PCC se concentrent désormais sur la manière dont le pays pourra remplir au mieux son rôle mondial de « grande puissance facilitatrice ».
À une époque de désillusion généralisée à l’égard des partis politiques dans le monde entier, le PCC constitue un exemple de longévité, non pas en s’accrochant à une idéologie rigide, mais en restant fidèle à son objectif tout en apprenant et en s’adaptant en permanence.
*WARWICK POWELL est professeur adjoint à l’Université technologique du Queensland en Australie et chercheur principal à l’Institut Taihe.