Comment la Chine a bouleversé l’ordre industriel : entre modèle efficace et malaise occidental.
Un robot humanoïde à la 4e Exposition Chine-pays d’Europe centrale et orientale (PECO) et Foire internationale des biens de consommation à Ningbo (Zhejiang), le 22 mai 2025
La Chine, longtemps considérée comme « l’usine du monde », fait aujourd’hui preuve d’une forte compétitivité dans de nombreux domaines de pointe, devançant même des puissances occidentales comme les États-Unis dans certains secteurs.
Prenons l’exemple des véhicules électriques (VE). En 2024, sur les 17,3 millions de VE produits dans le monde, à peu près 12,4 millions sortaient des usines chinoises, selon les chiffres de l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Cela reflète non seulement la domination quantitative de la production chinoise, mais également des progrès remarquables accomplis en matière de qualité.
En réalité, qu’il s’agisse des VE, des cellules photovoltaïques ou des télécommunications, la Chine devance largement la concurrence. L’Institut australien de politique stratégique (ASPI) a révélé en 2023 que la Chine dominait 37 des 44 technologies émergentes clés dans le monde. Plus frappant encore : les 10 principaux instituts de recherches scientifiques au monde sont basés en Chine et produisent collectivement neuf fois plus d’articles de recherche à haut impact que le deuxième pays le mieux classé.
Modèle de « super station de base » (2G, 3G, 4G, 5G, caméra, réseau privé) de China Tower au Congrès mondial de la télécommunication mobile de Shanghai, le 18 juin 2025
Quels facteurs ont permis cette métamorphose ?
Comment le « Fabriqué en Chine » a-t-il réussi le pari de sa montée en gamme ? La politique d’ouverture et de réforme lancée en 1978 a indéniablement insufflé une dynamique puissante à la croissance de la Chine. Mais au-delà de ce facteur évident, des raisons plus profondes méritent d’être explorées.
La planification stratégique à long terme joue un rôle déterminant dans la transformation industrielle du pays. Prenons à nouveau l’exemple des VE : il y a environ 25 ans, l’industrie automobile chinoise avait clairement identifié son incapacité à concurrencer avec les géants américains, japonais et européens sur le terrain des moteurs thermiques. Elle a donc fait un choix visionnaire : se concentrer sur les véhicules à batterie.
Un choix risqué à l’époque, mais rendu possible par un avantage structurel : contrairement aux entreprises occidentales obsédées par leurs résultats trimestriels (facteur souvent handicapant pour l’innovation), les industriels chinois bénéficiaient d’une marge de manœuvre stratégique.
Comme le souligne un récent rapport du Forum économique mondial, l’ascension de la Chine repose sur plusieurs leviers complémentaires, notamment la vitalité du secteur privé, la soumission des salaires et des prix aux règles du marché, le modèle exportateur dynamique et l’ouverture aux investissements étrangers. Parallèlement, la mise en œuvre de la stratégie de « double circulation », qui consiste à stimuler simultanément la demande intérieure et les échanges internationaux, garantit une croissance équilibrée.
En résumé, le succès de la Chine repose sur des politiques sociales améliorant les conditions de vie de la population, un soutien stratégique du gouvernement aux industries clés, une ouverture constante à l’international, des objectifs de développement réalistes et échelonnés, et une priorité absolue donnée à la qualité de croissance, indépendamment des interférences externes.
La technologie 6G en phase expérimentale est présentée au Mobile World Congress 2025 grâce aux efforts de MediaTek, à Barcelone, le 5 mars 2025
La réaction et le malentendu de l’Occident
Face à l’avantage technologique de la Chine, il semble que les politiciens américains n’aient pas trouvé de stratégie efficace pour y répondre. Qu’il s’agisse de la politique du précédent gouvernement à l’égard de la Chine qui était jugée « paradoxale », ou de la guerre tarifaire persistante du gouvernement actuel, leurs résultats suscitent de vives controverses.
En l’absence d’effets tangibles, certains politiciens occidentaux se sont tournés vers une critique continue du modèle économique chinois, cherchant ainsi à obtenir un soutien politique tant national qu’international. Dans le même temps, une partie des grands médias occidentaux alimente cette dynamique pour une couverture médiatique souvent déséquilibrée. Ainsi, en mars 2025, Reuters relayait un rapport des services de renseignement américains sur la prétendue « menace » chinoise dans les domaines militaire, cybernétique et de l’intelligence artificielle. Une approche visant clairement à renforcer le narratif d’une Chine déstabilisatrice de l’ordre international.
Pourtant, comme l’observent certains analystes, ces mêmes médias occultent fréquemment un autre aspect : les États-Unis, en tant que puissance dominante de l’ordre mondial actuel, entendent naturellement préserver leur hégémonie, ce qui influence inévitablement leur politique étrangère.
Objectivement, les États-Unis et l’UE devraient peut-être considérer la Chine comme ce qu’elle est vraiment : un acteur mondial légitime. Ironie du sort, la guerre tarifaire initiée par les États-Unis a rapproché la Chine et l’UE. D’après l’Associated Press, les échanges commerciaux quotidiens entre l’UE et la Chine s’élèvent à 2,7 milliards de dollars. Si l’influence américaine sur l’Europe venait à faiblir, cette dernière pourrait avoir une plus grande autonomie dans l’élargissement de la coopération avec la Chine. Le président chinois Xi Jinping a récemment déclaré, lors de son entretien téléphonique avec le président du Conseil européen Antonio Costa, qu’il n’existe pas de conflits d’intérêts fondamentaux ou de conflits géopolitiques entre la Chine et l’UE, ce qui en fait des partenaires qui peuvent contribuer au succès de l’autre.
L’avenir des industries clés de la Chine
Prévoir l’avenir comporte toujours des risques, mais une chose semble certaine : dans les années à venir, la Chine continuera à s’en tenir à ses principes diplomatiques de « coexistence pacifique, respect mutuel et coopération gagnant-gagnant ». Le lancement du 15e Plan quinquennal (2026-2030) approche à grands pas, et les dirigeants chinois ont clairement établi que « mener à bien ses propres affaires » constituerait la priorité absolue. Cela signifie que la Chine continuera à fournir des produits et des services de haute qualité sur les marchés mondiaux.
Le 15e Plan quinquennal appellera probablement à la poursuite de l’innovation dans les industries clés, à l’approfondissement de la réforme et de l’ouverture, au développement de technologies vertes et respectueuses de l’environnement, à l’élargissement de l’emploi intérieur, à la promotion régulière de l’initiative « la Ceinture et la Route » et à la progression vers la pleine réalisation d’un État socialiste moderne.
Bien sûr, des obstacles persistent. Certains pays occidentaux pourraient maintenir leur position inflexible, les tensions géopolitiques en mer de Chine méridionale persistent, et certains groupes à Taiwan cherchent délibérément à altérer le statu quo. Néanmoins, forte de sa stabilité politique, de son influence économique croissante et de sa cohésion sociale, la Chine peut envisager l’avenir avec confiance.
*ANTHONY MORETTI est maître de conférences au Département de communication et de leadership organisationnel de l’Université Robert Morris aux États-Unis.
(Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la position de l’Université Robert Morris.)