Véhicules à batterie et systèmes de stockage d’énergie chinois sur le stand de BYD Energy Storage à Munich, le 7 mai 2025
L’Union européenne (UE) et la Chine ont célébré le 50e anniversaire de l’établissement de leurs relations diplomatiques. Le président chinois Xi Jinping a déclaré que les relations sino-européennes sont devenues l’une des relations bilatérales les plus influentes au monde, contribuant largement au bien-être de leurs peuples et à la paix et au développement mondiaux. Le climat, l’environnement et l’énergie sont depuis longtemps des priorités absolues de la coopération. L’alignement entre deux des plus grandes économies du monde favorisera l’action climatique mondiale et apportera une véritable sécurité énergétique et une indépendance stratégique aux deux parties.
Il faut se remémorer le monde de 1975 et le comparer à aujourd’hui. La crise pétrolière de 1973 avait bouleversé la géopolitique du monde entier. Les prix du pétrole avaient quadruplé, provoquant une inflation continue et une récession économique aux États-Unis et en Europe, tout en révélant les implications stratégiques de la dépendance au pétrole et au gaz naturel. Cette crise avait également déclenché la première grande impulsion mondiale en faveur du solaire, de l’éolien et de l’efficacité énergétique.
À l’époque, l’économie chinoise traversait une période de désorganisation généralisée, marquée par de graves difficultés industrielles. Mais depuis, la Chine a profondément changé. Qui aurait pu prédire, il y a 50 ans, que la Chine connaîtrait un développement aussi rapide, au point de devenir un leader mondial des technologies bas-carbone ?
Pourtant, dans le monde actuel, malgré des technologies vertes beaucoup plus avancées et abordables, la plupart des pays dépendent encore, à des degrés différents, des énergies fossiles. Une conviction persistante veut que celles-ci offrent une meilleure solution pour la sécurité énergétique, malgré leur responsabilité dans le changement climatique. En effet, la gestion de la production intermittente de l’énergie éolienne et solaire est un défi technique, tant pour les économies avancées qu’émergentes.
Cependant, les pays dépendants des énergies fossiles importées sont confrontés à un risque beaucoup plus grave. Une interruption soudaine de l’approvisionnement pourrait entraîner des pannes d’électricité et paralyser l’économie. La sécurité énergétique des prochaines décennies reposera sur notre capacité à développer et intégrer massivement les énergies renouvelables dans les réseaux. Chaque panneau solaire installé renforce cette sécurité, produisant inlassablement de l’énergie tant que le soleil brille.
Stand du Groupe gazier de Beijing lors de la 29e édition du Congrès mondial du gaz à Beijing, le 21 mai 2025
Dans la course mondiale à la décarbonation, les pays devront maîtriser toute la chaîne des technologies vertes : éolien, solaire, hydroélectricité, véhicules électriques et solutions de stockage d’énergie telles que les batteries. En outre, des infrastructures modernes et des politiques adaptées sont nécessaires pour intégrer les énergies renouvelables aux réseaux nationaux, tout en évitant les risques d’énergie gaspillée, d’actifs bloqués ou de blackout.
Au cours des 50 dernières années, l’UE et la Chine ont grandement bénéficié de leur coopération économique et technologique. La Chine est devenue l’un des plus grands marchés d’exportation de l’UE, et réciproquement. Les technologies vertes ont connu une innovation rapide et des réductions de coûts, en grande partie grâce à cette coopération.
L’innovation européenne a permis aux technologies solaires et éoliennes de traverser la phase critique dite de la « vallée de la mort » pour parvenir à la commercialisation, tandis que le marché de grande envergure de la Chine a offert les conditions idéales pour leur industrialisation à grande échelle et à moindres coûts. Au cours de ce processus, beaucoup d’entreprises européennes se sont implantées en Chine pour accéder à la fois au marché local et mondial.
La Chine et l’UE sont en tête dans la production de technologies vertes. En Chine, la proportion de l’électricité produite à partir d’énergies renouvelables a atteint 35 % en 2024. L’éolien et le solaire ont dépassé toutes les prévisions de croissance et une expansion encore plus rapide est anticipée dans les prochaines années. Dans l’UE, 47 % de l’électricité provenait des énergies renouvelables en 2024, certains pays membres comme le Danemark et le Portugal atteignant même 88 %.
L’UE s’est imposée comme un laboratoire d’innovations environnementales : mise en place des premiers tarifs de rachat pour les énergies renouvelables, pionnière des systèmes d’échange de quotas d’émission (SEQE), et développement d’une taxonomie verte pour la finance durable. De son côté, l’expérience chinoise en matière de réduction de l’intensité énergétique et des émissions à travers ses plans quinquennaux successifs constitue également un savoir-faire transposable.
Atelier de production de panneaux solaires dans la zone de développement économique de Luyang à Hefei (Anhui), le 22 octobre 2024
La coopération Chine-UE en matière d’énergie repose sur une base solide, avec une confiance importante et un respect mutuel construits au cours de la dernière décennie. De nombreux programmes de coopération bilatérale ont été menés avec succès, entre autres, la Plateforme de coopération énergétique UE-Chine, la Plateforme de coopération UE-Chine sur les SEQE, la Coopération énergétique Chine-Danemark et le Projet environnemental UE-Chine.
Il est également nécessaire que la transition énergétique soit menée de manière à répartir ses bénéfices économiques au plus grand nombre, en particulier dans les groupes socioéconomiques les plus modestes, tant dans les pays développés qu’en développement. Pour ce faire, la fabrication des technologies propres existantes et émergentes devrait être répartie à l’échelle mondiale. Les entreprises chinoises détenant désormais une grande partie de la propriété intellectuelle pour ces technologies, leurs investissements et coentreprises pour produire en Europe et ailleurs pourraient constituer une clé pour accélérer et intensifier leur déploiement, tout en créant des emplois locaux et en aidant à atteindre les objectifs climatiques des pays hôtes.
Ce partage des avantages ne peut être réalisé proprement qu’à condition de laisser les chaînes d’approvisionnement se développer sans entraves, et de maintenir les droits de douane et les restrictions au minimum. Pour maintenir sa position à l’avant-garde de la transition énergétique mondiale, l’Europe doit donc continuer à défendre les principes du libre-échange mondial. Mais cela n’est plus aussi facile qu’autrefois, les États-Unis ayant adopté une posture protectionniste, promouvant activement les énergies fossiles et s’étant une nouvelle fois retirés de l’Accord de Paris sur le changement climatique.
Plutôt que de reculer face au défi climatique mondial, l’UE et la Chine devraient intensifier leur coopération pour accélérer le développement vert et bas-carbone. Ces dernières décennies ont bien montré que la coopération peut apporter de grands avantages aux deux parties, par le biais de l’action conjointe sur le climat, de l’accélération de la transition énergétique, de l’innovation technologique, de la réduction des coûts des énergies renouvelables, de la création d’emplois qualifiés et du renforcement de la sécurité énergétique.
La coopération climatique UE-Chine envoie un signal fort à la communauté internationale : la transition climatique est irréversible, et la compétitivité future se jouera dans l’économie bas-carbone.
*DIMITRI DE BOER est directeur pour la Chine chez ClientEarth et conseiller spécial du Conseil chinois pour la coopération internationale sur l’environnement et le développement.