Des visiteurs devant le stand du constructeur automobile chinois BYD au Salon international de l’automobile de Genève, le 28 février 2024
L’année 2025 marque le 50e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la Chine et l’Union européenne (UE). Face au ralentissement de la croissance mondiale et à des incertitudes accrues apportées par le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, ces deux puissances économiques majeures, toutes deux bénéficiaires et défenseurs de la mondialisation économique et de la libéralisation des échanges ont un rôle clé à jouer. En renforçant leur coopération, elles pourraient favoriser une croissance économique mondiale plus inclusive et résiliente.
La Chine et l’UE sont des partenaires économiques et commerciaux importants l’une pour l’autre. Malgré une situation internationale complexe et des défis persistants, leurs échanges n’ont cessé de se développer, démontrant une remarquable capacité d’adaptation.
Selon les données des douanes chinoises, les échanges commerciaux de marchandises entre la Chine et l’UE ont atteint 785,8 milliards de dollars en 2024, affichant une légère progression de 0,4 % par rapport à 2023. Dans le détail, les exportations chinoises vers l’UE ont augmenté de 3 %, pour s’établir à 516,4 milliards de dollars, tandis que les importations en provenance de l’UE ont reculé de 4,4 % en tombant à 269,4 milliards de dollars. Ces chiffres confirment la place centrale des deux économies dans leurs échanges respectifs : l’UE est le troisième marché d’exportation et la deuxième source d’importation pour la Chine, tandis que la Chine demeure le premier fournisseur et le troisième débouché commercial de l’UE.
Les flux d’investissements entre la Chine et l’UE ont maintenu une trajectoire ascendante ces dernières années. Du côté chinois, les investissements en provenance de l’UE ont connu une progression remarquable, passant de 5,69 milliards de dollars en 2020 à 10,58 milliards de dollars en 2023. En d’autres termes, leur part dans l’ensemble des investissements étrangers en Chine est passée de 3,8 % à 6,5 % sur cette période. Réciproquement, les investissements chinois dans l’UE sont passés de 6,27 milliards d’euros en 2020 à 8,06 milliards en 2023. Cette croissance est particulièrement marquée dans les investissements de création, qui ont bondi de 48 % en 2023 par rapport à 2022 pour atteindre 5,3 milliards d’euros. Cette dynamique positive contraste cependant avec la tendance générale dans l’UE, où les entrées nettes d’investissements étrangers sont restées négatives de 2021 à 2023.
Vin rouge grec exposé lors de l’Exposition mondiale de l’alimentation et de l’agriculture à Shenzhen (Guangdong), le 8 décembre 2024
Le développement respectif de la Chine et de l’UE nécessite la coopération sino-européenne. La Chine s’est toujours attachée à bâtir avec l’UE un partenariat pour la paix, la croissance, la réforme et la civilisation, et la perçoit comme un partenaire important pour la réalisation de la modernisation à la chinoise, le tout dans un esprit de coopération gagnant-gagnant. Or, l’UE a depuis quelques années requalifié sa relation avec la Chine, la désignant désormais davantage comme un « concurrent » et un « rival systémique ». Ce changement de paradigme se traduit par une sécurisation excessive des questions économiques, via des politiques de « dérisquage » avec la Chine.
En tant qu’économie orientée vers l’exportation, l’UE trouve dans le vaste marché chinois un débouché commercial stratégique. Cette relation a démontré son importance critique lors de la crise des dettes souveraines de la zone euro, lorsque l’explosion des exportations européennes vers la Chine et les flux de capitaux chinois ont constitué l’un des principaux moteurs de la reprise économique de l’UE. D’une part, les exportations de marchandises des deux parties soutiennent environ 3 millions d’emplois dans l’UE et 6 millions d’emplois en Chine, et d’autre part, les investissements mutuels assurent la croissance des bénéfices des entreprises européennes et le développement des industries vertes en Europe. Grâce à cette inter-action en matière d’investissement, la moitié des ventes mondiales de Volkswagen, un tiers de celles de BMW et 36 % de celles de Mercedes-Benz en 2024 provenaient du marché chinois. La Hongrie est sur la bonne voie pour devenir d’ici 2030 le premier producteur de batteries pour véhicules électriques d’Europe et atteindre le top 5 mondial à cet égard.
Dans un contexte économique mondial fragilisé par des défis structurels majeurs – tensions géopolitiques, vieillissement de la population, fléchissement des investissements et diminution de la productivité totale des facteurs –, la dynamique endogène de croissance apparaît insuffisante. Cette situation est exacerbée par les tendances protectionnistes de certains pays qui érigent des « petites cours entourées de hauts murs », prônent le découplage, fragmentent les chaînes d’approvisionnement et adoptent des politiques commerciales et industrielles prédatrices.
Un couple de pandas géants fait ses débuts au Zoo de Madrid lors d’une cérémonie officielle en présence de personnalités de Chine et d’Espagne, le 30 mai 2024.
Dans un contexte international marqué par la résurgence de l’unilatéralisme et du protectionnisme, la gouvernance économique mondiale se trouve à un tournant critique. Dans le même temps, aucun consensus international n’a encore émergé pour encadrer les nouvelles formes d’activités économiques telles que le commerce vert ou numérique, privant ainsi l’économie mondiale de nouveaux moteurs de croissance. Dans ce contexte, la montée des tensions commerciales avec le retour des politiques unilatérales « America First » risque de plonger le commerce mondial dans le chaos.
La Chine et l’UE partagent un engagement ferme envers le système commercial multilatéral centré sur l’OMC, reconnaissant qu’un environnement commercial mondial sain, stable et prévisible sert leurs intérêts communs et ceux de la communauté internationale. Face à la massue tarifaire des États-Unis, la Chine et l’UE ont la responsabilité d’explorer des pistes à suivre pour sauvegarder les échanges commerciaux normaux, tout en prenant en compte le développement de leurs industries respectives, et de s’opposer à la politisation des questions commerciales.
Par ailleurs, la Chine et l’UE jouent un rôle moteur dans la lutte contre le changement climatique, un enjeu qui dépasse les frontières et engage leur responsabilité commune. Cette coopération concerne directement le développement des deux parties, tout en représentant pour elles une obligation impérieuse : celle de valoriser pleinement leurs atouts respectifs sur le marché et de guider tant la coopération que l’établissement de règles relatives au développement vert et bas carbone.
*YAO LING est directrice de l’institut de l’Europe de l’Académie chinoise du commerce international et de la coopération économique, relevant du ministère du Commerce et XIA CHUANXIN est chercheur associé dans la même institution.