Accueil>Opinions

Une démocratie différente

2024-04-02 20:34:00 Source:La Chine au présent Auteur:ROBERT WALKER*
【Fermer】 【Imprimer】 GrandMoyenPetit
法语词典

  

Tournée pour la remise de cartes d’électeur aux résidents du bourg de Qianyuan, dans le district de Deqing, à Huzhou (Zhejiang) 

Près de 3 000 députés chinois ont participé à la 2e session de la 14e Assemblée populaire nationale (APN) au Grand Palais du peuple à Beijing début mars.

Cet organe législatif, le plus grand du monde, est la manifestation du système de gouvernance de la Chine, la démocratie populaire à processus complet. Les délibérations entre les députés au cours de la semaine de réunion sont un élément visible d’un système consultatif complexe du gouvernement.

La démocratie populaire à processus complet est souvent mal comprise par les commentateurs étrangers. Il ne s’agit pas simplement d’une « expression populaire auprès des dirigeants communistes chinois », mais d’un système constitutionnel conçu pour assurer une gouvernance efficace dans ce grand pays, caractérisé par une grande diversité culturelle et une grande disparité économique.

Une partie du malentendu est due à la différence. La politique sociale est une discipline qui concerne la prestation efficace des services publics. Les étudiants étrangers prennent de plus en plus conscience que la gouvernance avec laquelle ils ont grandi n’est pas la seule qui existe et n’est pas forcément la meilleure.

Les étudiants américains ont tendance à croire que la seule forme de démocratie est celle que le président Abraham Lincoln a décrite comme « le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple ». La démocratie chinoise est différente. Le Parti communiste chinois (PCC) « gouverne pour le peuple... en s’appuyant sur le peuple ». Elle peut être décrite comme une démocratie consultative suivant le principe « en provenance du peuple, au sein du peuple ».

Il n’est pas simple de déterminer quelle forme de gouvernance est la meilleure. Cela dépend des critères d’évaluation utilisés, qui peuvent être spécifiques à une culture. Il est très peu probable que la démocratie à l’américaine fonctionne en Chine, et vice versa.

L’une des raisons est la différence d’interprétation de la liberté. De nombreux colons européens sont arrivés en Amérique du Nord pour fuir l’oppression religieuse exercée par l’État. La Déclaration d’indépendance des États-Unis, la séparation des pouvoirs inscrite dans la Constitution américaine et les dix premiers amendements constitutionnels, connus sous le nom de la Déclaration des droits, servent à imposer des limites au pouvoir de l’État. Ils prescrivent ce que l’État n’est pas autorisé à faire.

En revanche, l’idéologie chinoise, fondée sur la pensée confucéenne, considère les chefs d’État (les empereurs dans les temps anciens) comme les pères de la nation qui gouvernent avec bienveillance dans l’intérêt de leurs « enfants » nationaux. La société chinoise était hiérarchiquement organisée sur la base de la vertu, qui se manifestait par un souci du bien-être des couches sociales inférieures. Si l’empereur, qui devait être le plus vertueux, se révélait ne pas l’être, il pouvait être légitimement déposé. Une conception du gouvernement encore valable aujourd’hui.

La corruption, qui consiste à privilégier l’intérêt personnel plutôt que l’intérêt communautaire, est l’antithèse d’un bon gouvernement et doit être éliminée. Le paternalisme de l’État est acceptable et accepté. Très peu de citoyens contestent que le PCC « s’engage à tout faire pour le peuple », même s’il n’y parvient pas toujours. La plupart d’entre eux ne mettent pas non plus en question le fait que « le PCC est le parti au pouvoir et que les autres partis acceptent sa direction et fonctionnent comme ses conseillers et ses assistants ». Avec un État bienveillant aux commandes, les individus jouissent de la liberté de vivre leur vie, l’État étant là pour les soutenir.

Ces libertés positives sont un anathème pour de nombreux Américains. En effet, certains qui travaillent sur le droit politique américain soutiennent que les droits positifs eux-mêmes équivalent à une tyrannie et regrettent la tendance des amendements ultérieurs à la Constitution américaine à conférer des droits positifs. Les amendements de reconstruction, par exemple, ratifiés après la guerre civile américaine, visaient à garantir les droits civils et l’absence de discrimination pour les citoyens qui avaient subi l’esclavage. L’antagonisme à l’égard des droits positifs s’explique par le fait que leur mise en œuvre nécessite l’intervention de l’État, alors que les droits négatifs servent à la prévenir.

 

Yin Yong, député de l’APN, explique aux villageois les nouvelles politiques lancées durant les « Deux Sessions » dans le village de Dunlun, à Suqian (Jiangsu).

Bien que ces différences soient fondamentales, elles ne sont pas simplement historiques. Les valeurs modernes reflètent les traditions culturelles. Selon le Baromètre de confiance Edelman 2024, 85 % des Chinois interrogés ont confiance en leur gouvernement, contre seulement 40 % des Américains. En effet, le Pew Research Center a révélé en 2023 que seuls 16 % des Américains disaient qu’ils faisaient confiance au gouvernement fédéral, « presque toujours » (1 %) ou « la plupart du temps » (15 %), pour faire ce qu’il fallait.

À côté de ces résultats, il est également important de rappeler, comme le dit le professeur Tony Saich, directeur du Ash Center de l’université Harvard, que « pour beaucoup de Chinois, au cours des quatre dernières décennies, chaque jour était meilleur que le jour précédent ». Cela n’a pas été le cas aux États-Unis, où les salaires réels n’ont augmenté que de 12 % en 54 ans jusqu’en 2018. En Chine, les revenus disponibles réels ont augmenté de 424 % en 33 ans jusqu’en 2023.

Le plus grand succès de la Chine en matière d’amélioration du niveau de vie de la population pourrait être attribué à son mode de gouvernement. Le fait que l’APN se réunit une semaine par an, comparativement à 165 jours pour le Sénat américain et à 52 jours pour la Chambre des communes du Royaume-Uni, ne la rend pas moins démocratique, pas plus que le fait que ses députés ne soient pas élus au suffrage direct.

En Chine, l’élection des députés des assemblées populaires se déroule au niveau du bourg, du district, de la ville, de la province et du pays. Les députés du niveau le plus bas sont directement élus par les citoyens âgés de 18 ans et plus, avec un taux de participation minimum de 50 %. Les députés des autres niveaux sont élus par les députés du niveau immédiatement inférieur. Les députés nationaux élisent les membres du Comité permanent de l’APN, qui gèrent les affaires de celle-ci lorsqu’elle n’est pas en session. Environ un tiers des 175 membres du Comité permanent de l’APN ne sont pas membres du PCC.

Les fonctions des assemblées populaires varient selon la nature de la législation dévolue et de leurs pouvoirs d’élaboration des politiques. L’APN est la seule source d’autorité constitutionnelle en Chine. Elle a le pouvoir de modifier la Constitution, de promulguer et de modifier les lois fondamentales, d’élire le président et le vice-président de la République populaire de Chine et de nommer de nombreuses autres fonctions d’État. Elle est également chargée d’examiner et d’approuver les plans nationaux du développement économique et social et leur mise en œuvre, d’examiner les rapports sur les budgets centraux et locaux et de décider des questions de guerre et de paix.

Les médias occidentaux considèrent souvent l’APN comme un simple organe d’approbation des décisions. Cependant, elle se charge de beaucoup de travail qui doit être accompli rapidement, par exemple, examiner les rapports des ministères et les budgets du gouvernement, ainsi que délibérer et voter sur les propositions de loi. Rejeter l’APN, c’est méconnaître la démocratie consultative de la Chine et le fait que les projets de loi adoptés ont déjà fait l’objet d’un long processus de consultation et de reformulation.

Le Comité national de la Conférence consultative politique du peuple chinois (CCPPC), qui, bien que dépourvu de pouvoir législatif, s’engage dans toutes les décisions importantes. Dotée d’une structure régionale à plusieurs niveaux, la CCPPC consulte sur les politiques nationales et les mesures prises par les autorités locales, entreprend des études et des enquêtes sur des questions d’intérêt public et formule des commentaires, des critiques et des propositions. La CCPPC est composée de membres de différents domaines, notamment de huit partis politiques non communistes, de la Fédération chinoise des syndicats et du milieu universitaire. En 2023, la CCPPC a soumis quelque 7 000 propositions politiques.

Les sessions annuelles de l’APN offrent aux députés des opportunités de présenter des projets de loi. Bien qu’ils soient rarement recommandés pour un examen immédiat durant les sessions plénières, ils sont ensuite examinés par dix commissions spécialisées de l’APN. Les recherches montrent que les projets de loi des députés, au nombre de 465 par an en moyenne, permettent de parvenir à un consensus législatif, d’influencer les plans législatifs du Conseil des Affaires d’État et d’améliorer la mise en œuvre des lois en vigueur.

Malgré les différences, le modèle démocratique chinois, fondé sur le consensus et la concentration du pouvoir, résiste bien aux modèles fondés sur la division des pouvoirs, la concurrence et le conflit.

*ROBERT WALKER est professeur à l’Institut de sociologie de l’Université normale de Beijing, et professeur émérite et membre émérite du Green Templeton College de l’Université d’Oxford. Il est également membre de la Royal Society of Arts et de l’Académie des sciences sociales du Royaume-Uni.

 

Partager:

Copyright © 1998 - 2016

今日中国杂志版权所有 | 京ICP备10041721号-4

京ICP备10041721号-4