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Cai Hesen et Montargis

2021-06-23 18:37:00 Source:La Chine au présent Auteur:DUANWU MEI
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Cai Hesen

 

Cai Hesen, proche ami du jeune Mao Zedong, est né en 1895 et mort en 1931, à seulement 36 ans. Malgré sa courte vie, il a résidé quelques années en France, avec sa famille qui l’avait accompagné. C’est à Montargis, une petite ville au sud-est de Paris, qu’il a appris le français et affermi son ambition de lutter toute sa vie pour la cause communiste. 

Du Hunan à Beijing 

Cai Hesen naquit à Shanghai, mais peu de temps après, sa mère retourna vivre avec lui sur sa terre natale, un village de montagne reculé au Hunan. Malgré la rude vie qu’il menait, Cai Hesen prenait souvent un peu de temps sur ses heures de travail pour lire toutes sortes de bouquins. Il ne put aller à l’école primaire qu’à l’âge de 16 ans, avec l’aide financière de sa famille. 

Après la révolution chinoise de 1911, Cai Hesen soutint les idées révolutionnaires de M. Sun Yat-sen et dans le village de son enfance, il fut le premier à couper sa natte en signe de déloyauté face à la dynastie des Qing au pouvoir. Il alla par la suite à Changsha (chef-lieu du Hunan), une ville plus ouverte et dynamique. À cette époque, de nombreux hommes instruits avançaient différents programmes pour sauver de l’extinction la nation chinoise, appauvrie et affaiblie, notamment en tablant sur l’éducation, la science et l’industrie. Et leurs discours inspirèrent profondément Cai Hesen. À l’automne 1913, ce dernier exhorta sa mère et sa petite sœur à s’opposer à l’éthique féodale. C’est ainsi qu’elles décidèrent courageusement de venir à Changsha pour étudier avec lui et faire bouger les lignes. 

Cai Hesen fut admis à l’École normale N°1 du Hunan, où il rencontra le jeune Mao Zedong. Mus par les mêmes idéaux, ils se lièrent d’amitié. Tous deux aimaient lire, s’intéressaient à l’actualité et partageaient des idées communes. Ensemble, ils travaillèrent dur pour nourrir à la fois leur corps et leur esprit, tout en réfléchissant à des possibles voies de salut pour le pays et le peuple. Et si Mao Zedong, Cai Hesen et les autres progressiste du Hunan de l’époque purent laisser une empreinte indélébile dans l’histoire chinoise, ce fut grâce au truchement de deux grands événements : premièrement, la fondation de la Société Xinmin ; deuxièmement, leur participation au mouvement Travail-Études en France. 

En 1918, à l’heure où le Mouvement de la Nouvelle culture était déjà populaire en Chine, Mao Zedong et Cai Hesen créèrent, le 14 avril, la Société Xinmin, l’un des premiers groupes révolutionnaires antérieur au Mouvement du 4 mai 1919. Cet institut avait pour vocation de sauver le pays et le peuple, ainsi que de transformer la société. Quant au mouvement Travail-Études, Mao Zedong et Cai Hesen y prirent part sur recommandation de Yang Changji, un professeur du Hunan qui enseignait à l’Université de Pékin. 

Le 23 juin 1918, Cai Hesen partit de Changsha pour Beijing et fut l’un des premiers jeunes Hunanais à postuler à ce programme Travail-Études. Cai Hesen exprima les revendications de la jeunesse du Hunan devant Cai Yuanpei et Li Shizeng, les initiateurs de ce mouvement. Il espérait obtenir le soutien de l’Association d’éducation sino-française. Entre-temps, il sollicita l’aide financière des Hunanais installés à Beijing pour son futur séjour en France. 

 

Le musée du Mouvement Travail-Études se trouve dans un bâtiment vieux de plus de 300 ans, dans le centre-ville de Montargis.

 

Du village de Buli à Paris 

Cai Yuanpei et Li Shizeng ouvrirent des classes préparatoires à l’intention des nombreux jeunes désireux de se former dans l’Hexagone. Elles étaient situées à l’Université de Pékin et au collège Yude à Baoding, et il existait aussi des classes pour débutants dans le village de Buli, au district de Gaoyang (province du Hebei). Y étaient dispensés des cours de français, chinois, physique, chimie, etc. En outre, une petite usine y est rattachée pour permettre aux étudiants d’acquérir des compétences manuelles. À Buli, Cai Hesen était en charge de l’organisation et de la gestion de ces classes préparatoires, et enseignait aussi le chinois, le tout en parallèle de son apprentissage du français et de savoir-faire technique. 

Après l’arrivée de Mao Zedong à Beijing en août 1918, Cai Hesen et lui firent les préparatifs avant le départ en France de ces jeunes Hunanais dans le cadre du mouvement Travail-Études. Mais tandis que Mao Zedong retourna à Beijing, Cai Hesen demeura à Buli. De là, il sillonna les campagnes avoisinantes pour y sonder l’opinion du peuple et ainsi enrichir sa propre compréhension de la société chinoise. Parallèlement, il continua à réunir des fonds pour couvrir les frais de subsistance et de voyage en France pour tous ses camarades. 

En avril 1919, Mao Zedong revint dans le Hunan, préférant finalement ne pas partir à l’étranger pour mieux se concentrer sur le travail à accomplir en Chine. Mais il continua à soutenir à distance le mouvement Travail-Études. Quelques jours plus tard, Cai Hesen et les étudiants du Hunan vécurent le Mouvement du 4 mai à Beijing, marqué par des manifestations et pétitions en opposition à la signature du traité de paix de Versailles prévoyant la cession au Japon des droits allemands sur le Shandong. Après un peu plus d’un an de préparation à Beijing et à Buli, Cai Hesen était paré à se rendre en France. 

Sa vocation trouvée à Montargis 

À la veille de partir en France, Cai Hesen créa à nouveau la surprise. Déjà, en 1913, il avait poussé sa mère Ge Jianhao et sa sœur cadette Cai Chang à intégrer une école. Cette fois-ci, il les convainquit de prendre part au mouvement Travail-Études, pour qu’elles jouent un rôle exemplaire au sein de la gent féminine. Sa mère, femme aux pieds bandés d’une cinquantaine d’années, militante de la première heure pour les droits des femmes, suivit courageusement ses enfants dans cette aventure. Tous embarquèrent, le 25 décembre 1919, à bord du bateau français « André-Lebon » en direction de l’Hexagone. Parmi les passagers figuraient six femmes, dont Xiang Jingyu (une amie de Cai Chang), qui devint par la suite l’épouse de Cai Hesen. Plus de 90 Chinois débarquèrent en France le 28 janvier 1920. Quelques jours plus tard, la famille Cai et la plupart des membres de la Société Xinmin du Hunan arrivèrent à Montargis pour apprendre le français. Ils furent répartis, suivant leur sexe, dans un collège pour garçons ou pour filles. 

Mais Cai Hesen, victime de crises d’asthme, ne put intégrer l’établissement. En revanche, chaque jour, il allait faire de l’exercice dans le parc Durzy de la ville. Muni d’un journal et d’un dictionnaire, il étudiait le français en autodidacte. Ce faisant, il suivait directement l’actualité et l’évolution du mouvement ouvrier dans les divers pays européens. Il confiait d’ailleurs, dans ses lettres à Mao Zedong, qu’il s’agissait de sa priorité. Cai Hesen progressa rapidement en français et s’attela bientôt à la lecture et traduction des œuvres marxistes disponibles en version française, en prenant beaucoup des notes. En un peu plus de six mois, il traduisit des chapitres importants d’ouvrages comme le Manifeste du parti communiste de Karl Marx, Socialisme utopique et socialisme scientifique de Friedrich Engels ou encore L’État et la Révolution de Lénine. 

Du 6 au 10 juillet 1920, quelques membres de la Société Xinmin tinrent une réunion à Montargis, sur le thème « Transformer la Chine et le monde ». Lors de cette rencontre, Cai Hesen proposa de former le Parti communiste chinois et d’instaurer la dictature du prolétariat, tout en critiquant l’anarchisme et le réformisme. Il rédigea pour Mao Zedong un compte rendu des différentes opinions énoncées. Un courrier dans lequel Mao Zedong répondit « être d’accord à tous points de vue ». C’est donc à Montargis que Cai Hesen fit mention pour la première fois du « Parti communiste chinois », avant même sa fondation. 

Une lutte qui lui a valu la vie 

Parmi ces jeunes qui participèrent au mouvement Travail-Études, les plus prometteurs en politique, tels que Zhou Enlai, Deng Xiaoping, Chen Yi, Nie Rongzhen, Cai Hesen, Li Fuchun, Cai Chang, scrutèrent l’histoire de la révolution française et les théories sous-jacentes et s’en inspirèrent pour mener la révolution chinoise et instaurer la Chine nouvelle. En février 1921, ils lancèrent à Paris le Mouvement du 8 février pour demander « le droit de vivre et d’étudier » au gouvernement de Beiyang (nom péjoratif donné à l’autorité centrale de la République de Chine entre 1913 et 1928). En juin, ils dénoncèrent les gros accords d’emprunts secrets passés entre la Chine et la France, en incriminant le gouvernement français de contribuer à la guerre civile engagée par le gouvernement chinois aux mains de seigneurs de la guerre. En septembre, un autre mouvement étudiant éclata après que des étudiants du mouvement Travail-Études se soient vu refuser l’entrée à l’Université franco-chinoise de Lyon. Les contestataires décidèrent d’occuper de force l’université, ce qui donna lieu à de lourdes sanctions, comme le renvoi de 104 étudiants chinois (dont Cai Hesen). 

C’est ainsi que le séjour de Cai Hesen en France prit fin. En novembre, il débarqua à Hong Kong, puis continua sa route vers Guangzhou pour y entreprendre des tâches révolutionnaires. Sa femme Xiang Jingyu fut contrainte de revenir en Chine peu de temps après et fut assassinée par des réactionnaires de Wuhan. Quant à Cai Hesen, il fut arrêté à Hong Kong l’été 1931, puis extradé à Guangzhou. C’est là qu’il mourut, tué par un chef de guerre, en laissant derrière lui deux enfants orphelins. 

 

René Dumont

 

Une grande famille en France 

Après le départ de Cai Hesen, sa mère Ge Jianhao, sa sœur cadette Cai Chang et son beau-frère Li Fuchun restèrent à Montargis. Ge Jianhao mettait son savoir-faire en broderie à profit pour payer une partie des frais d’études et de subsistance de la famille. 

Li Fuchun examina les questions sociales en France. Il écrivit un roman basé sur les témoignages d’anciens combattants de la Première Guerre mondiale et publia des rapports d’enquête sur la vie des travailleurs chinois à l’usine Schneider au Havre. Il participa en outre à la création du Parti communiste de la jeunesse chinoise en France en 1922. En 1925, de retour en Chine, il participa à la révolution. Puis suite à la fondation de la République populaire de Chine, il devint vice-premier ministre chinois en charge de l’économie. 

Cai Chang, elle, continua de travailler à l’usine, tout en étudiant les œuvres de Marx et Lénine. Aspirant depuis toujours à l’égalité des sexes, elle deviendra plus tard leader du mouvement féministe en Chine. Opposée aux mariages arrangés du système féodal, Cai Chang se maria par amour avec Li Fuchun et de leur union naquit leur fille Li Tete, en 1924 à Paris. En janvier 1925, Cai Chang et Li Fuchun retournèrent en Chine après six mois d’études en Union soviétique. En 1934, Cai Chang prit part à la Longue Marche jusqu’au bout, celle-ci étant la plus âgée parmi les 30 femmes soldats de l’Armée rouge. En 1946, elle dirigea le travail des femmes pour la réforme agraire dans le Nord-Est de la Chine. Après 1949, elle fut élue présidente de la Fédération nationale des femmes de Chine et assuma plus tard la fonction de vice-présidente du Comité permanent des 4e et 5e Assemblées populaires nationales. En 1948, Cai Chang représenta les femmes chinoises à Prague en tant que membre du conseil de la Fédération démocratique internationale des femmes, organisation dont elle fut élue vice-présidente. 

De passage en France, elle fit la connaissance de René Dumont (1904-2001), le fils de la directrice de l’école des filles qu’elle avait fréquentée. Agronome réputé, homme engagé sur le plan politique (il se présenta même à la présidentielle en 1974) et proche ami de la Chine, ce dernier réalisa plusieurs voyages en Chine pour mieux saisir les Sannong (« trois questions rurales ») et fit en sorte d’entretenir l’amitié sino-française nouée au début du siècle. 

  

  

*DUANMU WEI est chercheuse à l’Institut d’histoire du monde relevant de l’Académie des sciences sociales de Chine et présidente honoraire de la Société chinoise d’études de l’histoire de France. 

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