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Reconstruire les relations entre la Chine, les États-Unis et l'Europe en 2021

2021-02-03 08:59:00 Source:La Chine au présent Auteur:CUI HONGJIAN
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Le 20 janvier 2021, le président américain Joe Biden a signé une série de décrets (dont le retour dans l’Accord de Paris), dans le Bureau ovale de la Maison Blanche, à Washington.

 

Récemment aux États-Unis, l’administration Biden est arrivée au pouvoir, avec la promesse de « guérir » le pays. Mais dans son ambition de « soigner les blessures » que son prédécesseur a infligées à la communauté internationale et à l’image des États-Unis, elle se heurtera inévitablement à deux défis majeurs sur le plan diplomatique. Premièrement, parviendra-t-elle à mettre fin à la politique inerte, presque laissée à l’abandon, qui a été menée à l’encontre de la Chine au temps de Trump ? Comme l’a prédit Kurt Campbell, qui prendra prochainement ses fonctions à la tête des affaires asiatiques de la Maison Blanche, les États-Unis doivent se poser et réfléchir à une solution pour maintenir une « relation viable » avec la Chine. Deuxièmement, l’Europe, principal allié des États-Unis, pourra-t-elle « renouer la confiance avec les États-Unis » et sera-t-il possible de « redynamiser les relations transatlantiques », comme l’avait promis le camp Biden pendant la campagne présidentielle ? Reste à savoir si les relations Chine–États-Unis–Europe évolueront prochainement vers un modèle constructif et stable, et non vers une situation destructrice et tumultueuse. Cette évolution, qui touchera à la situation générale internationale, servira de « pierre de touche » pour déterminer si l’administration Biden peut « l’emporter sur » Trump diplomatiquement parlant.

 

Des opportunités de stabiliser et normaliser les relations
 
La politique étrangère de l’ère Trump n’était pas tenable. Tel est le constat sur lequel l’administration Biden devrait bâtir sa politique étrangère, en particulier envers la Chine et l’Europe. L’administration Trump a adopté vis-à-vis de la Chine une posture de « confrontation à tous les échelons du gouvernement », mettant en œuvre des mesures contraignantes et répressives dans divers domaines tels que la politique, la sécurité, la diplomatie, le commerce, les investissements et les technologies. Cette attitude a non seulement accentué vivement le risque de confrontation sino-américaine, mais aussi gravement nui à la sécurité et aux intérêts économiques des États-Unis eux-mêmes, en mettant à mal au passage tout le système international. En plus de pâtir de la concurrence sino-américaine, l’Europe, allié le plus important des États-Unis, a également souffert des actes d’intimidation politique, des sanctions commerciales et du chantage sur la sécurité infligés par les États-Unis, qui ont presque gommé totalement les principes traditionnels de « soutien mutuel » et de « destin commun ». Si l’administration Biden veut remodeler l’image diplomatique des États-Unis, elle devra d’abord changer l’impression que la « diplomatie à la Trump » a laissée à la Chine et à l’Europe, c’est-à-dire un « comportement imprévisible » et des « façons de faire grossières ». L’administration Biden doit en être consciente. C’est pourquoi, avant et après les élections, l’équipe du président Biden a appelé à « réduire la confrontation » avec la Chine et à « reformer l’alliance » avec l’Europe dans sa politique étrangère. Elle ambitionne aussi de « corriger » les erreurs de Trump, et notamment de « revenir dans l’Accord de Paris sur le climat et de réintégrer l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) ».

 

Tenaillée entre l’urgence de juguler la pandémie de COVID-19 et de revitaliser l’économie, l’année 2021 s’annonce compliquée pour le monde. Dans ce contexte, il est plus impératif encore que la Chine, les États-Unis et l’Europe jouent le rôle de piliers par le biais d’une coopération mutuelle. Si l’administration Biden parvient à joindre le geste à la parole, les relations sino-américaines s’avanceront vers des perspectives plus prévisibles et plus stables ; par ailleurs, les relations entre l’Europe et les États-Unis pourront dans une certaine mesure reprendre leur souffle et restaurer la confiance mutuelle. La Chine, les États-Unis et l’Europe, les trois plus grandes économies du monde, peuvent et doivent assumer des responsabilités conjointes dans les domaines de la lutte commune contre la pandémie et le rétablissement économique. En tant que chefs de file et parties prenantes de l’action mondiale pour le climat, ces trois parties pourront en outre servir d’exemples pour le monde en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de promotion d’une économie verte. Suite aux changements rapides qu’a connus le monde ces dernières années, auxquels est venu s’ajouter l’impact de la pandémie de COVID-19, ces trois régions doivent immanquablement, en tenant compte de leurs intérêts respectifs ainsi que des intérêts communs de la communauté internationale, profiter de la « fenêtre d’opportunité » qui s’offre à elles pour stabiliser les relations sino-américaines, restaurer les relations euro-américaines et inverser la tendance dans les relations entre la Chine, les États-Unis et l’Europe, pour que celles-ci progressent vers l’interaction plutôt que vers le conflit.
 

 
Le risque de remous et de rechutes

 

Mais cette « fenêtre d’opportunité » dont il faut profiter pour stabiliser et normaliser les relations n’est pas à portée de main. Dans le contexte actuel où la pensée de confrontation et de concurrence aux États-Unis persiste, où les véritables motivations derrière les ajustements politiques de l’administration Biden ne sont pas claires et où certains personnages en Europe demeurent indécis sur le parti à prendre, le risque de remous et de rechutes dans les relations futures entre la Chine, les États-Unis et l’Europe demeure considérable.

 

Le président sortant Trump, qui a récolté plus de 70 millions des voix aux dernières élections, n’est pas seul aux États-Unis. Les émeutes du Capitole l’ont d’ailleurs clairement démontré. La politique étrangère de l’administration Biden subira d’énormes pressions internes. Face au fossé entre « idéaux » et réalité, elle sera amenée à procéder à des ajustements politiques majeurs et devra faire de son mieux pour obtenir les ressources politiques, les moyens administratifs et le soutien populaire qui lui seront nécessaires. À l’heure où les deux parties s’accordent à dire que la Chine est le « principal adversaire stratégique » des États-Unis, les révisions de la politique américaine à l’égard de la Chine ne pourront se faire que « pas à pas ». Un simple malentendu pourrait attiser l’opposition des partisans de Donald Trump et rendre l’administration Biden plus vulnérable. Il en va de même pour la politique américaine envers l’Europe. Bien que les deux parties aient déjà suspendu les droits de douane supplémentaires imposés en guise de représailles afin d’instaurer une « atmosphère amicale », on constate encore entre elles des divergences non négligeables en ce qui concerne l’ouverture du marché, le libre-échange et la coordination stratégique. Même si l’administration Biden veut aller plus loin, elle sera inévitablement gênée dans ses actions par les groupes défendant le slogan « l’Amérique d’abord ».

 

L’intensification de la concurrence sino-américaine pourrait nuire aux perspectives des relations Chine-UE, ce qui n’est pas dans l’intérêt de l’Europe. Les mesures répressives que les États-Unis ont imposées à la Chine sous l’administration Trump dans les dimensions économique, commerciale et technologique ont non seulement porté atteinte à la coopération économique et commerciale bilatérale sino-américaine, mais ont aussi eu un impact considérable sur l’Europe, qui entretient des liens étroits avec la Chine et les États-Unis. Selon les résultats d’une enquête menée par la Chambre de commerce de l’Union européenne en Chine, plus de 70 % des entreprises européennes sont affectées par la guerre commerciale sino-américaine et commencent à réfléchir à l’éventuel ajustement des chaînes industrielles et d’approvisionnement. Outre les pertes directes d’intérêts économiques et commerciaux, les pratiques unilatéralistes (notamment la « juridiction au bras long ») déployées par les États-Unis, s’appuyant sur leur suprématie financière, ont causé des dommages à long terme au système international, ce qui n’aidera pas la Chine et l’Europe à accéder à un environnement international propice au développement pacifique. En 2016, l’Europe s’est mise à réfléchir sérieusement et à construire activement une « autonomie stratégique », dans l’espoir de sauvegarder comme il se doit ses intérêts propres dans la compétition entre grandes puissances. La combinaison des efforts d’amélioration et des actions positives de l’Europe contribue à la stabilité du système multilatéral international et favorise le développement multipolaire du monde. La Chine a besoin d’évoluer dans un contexte international équilibré et stable, et a donc vivement soutenu l’Europe. Mais si l’Europe devient un simple instrument de la stratégie américaine consistant à « utiliser l’Europe pour contenir la Chine », elle ne pourra ni tirer plus d’avantages des États-Unis, ni résoudre les contradictions stratégiques, la concurrence économique et commerciale ainsi que les différends en matière de sécurité entre les États-Unis et elle. Dans le même temps, cette « prise de parti » de l’Europe, en plus d’aggraver l’erreur d’arbitrage des États-Unis dans l’appréciation de la situation en vue d’un réajustement de leur politique à l’égard de la Chine, alimentera la ligne dure en Amérique et intensifiera la confrontation entre les deux pays. L’Europe, happée par ce tourbillon, risquerait d’y perdre ses intérêts et, à terme, son centre de gravité.
 
Le 9 novembre 2020, des équipements éoliens destinés à l’exportation sont chargés dans le navire Tianhui grâce à un engin de levage, depuis le quai de la société Dongfang dans le port de Lianyungang (Jiangsu).

 

Faire en sorte que les opportunités l’emportent sur les risques

 

Il est clair que la Chine, les États-Unis et l’Europe se retrouvent aujourd’hui au devant d’opportunités et de risques. Tant que les États-Unis et l’Europe ne se méprennent pas sur la situation et ne prennent pas de résolutions hasardeuses, les opportunités l’emporteront sur les risques.

 

Les trois parties peuvent entreprendre en priorité les tâches faciles avant de s’attaquer aux plus difficiles, en s’appuyant par exemple sur les premiers consensus atteints au sujet de la gouvernance du changement climatique mondial et du maintien des mécanismes multilatéraux de coopération, dans l’optique de cultiver progressivement la confiance mutuelle et de parvenir à la stabilité. L’UE, la Chine et le gouvernement Biden ont avancé à tour de rôle des objectifs relativement cohérents pour atteindre la neutralité carbone. Les efforts mondiaux pour lutter contre le changement climatique et préserver la planète qui est la nôtre sont également inséparables du leadership et des contributions de la Chine, des États-Unis et de l’Europe. En 2021, la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques se tiendra à Glasgow (au Royaume-Uni), tandis que la 15e réunion de la Conférence des Parties (COP15) à la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique se déroulera à Kunming (en Chine). Si Joe Biden tient sa promesse de « revenir dès que possible dans l’Accord de Paris », la Chine, les États-Unis et l’Europe pourront coopérer efficacement pour réaliser les objectifs de réduction des émissions et assurer le soutien financier que ceux-ci impliquent. Cela servira la cause du développement durable à travers le monde, tout en envoyant un signal positif majeur : celui que ces trois parties sont disposées à coopérer au sein de la communauté internationale et qu’elles aspirent à un développement stable.

 

La Chine, les États-Unis et l’Europe peuvent de surcroît se partager la responsabilité de la lutte contre le COVID-19 et pour le redressement de l’économie. Dans ce processus, l’on ressent de façon plus évidente à quel point les intérêts et le destin de chacun sont liés. Et il ne faudrait pas décevoir les attentes que la communauté internationale place dans les grandes puissances. Si l’administration Biden parvient honorer ses engagements de « réintégrer dès que possible l’OMS » et de « jouer selon les règles du commerce international », la Chine, les États-Unis et l’Europe pourront nouer une coopération aux niveaux sanitaire et économique dans des cadres multilatéraux tels que l’OMS, le G20 et l’OMC. Sitôt que la Chine, les États-Unis et l’Europe coopéreront pour mettre en commun et enrichir leurs capacités et expériences de santé publique, la communauté internationale frappée de plein fouet par la pandémie de COVID-19 aura l’espoir de vaincre ce virus et de voir la situation revenir à la normale. Si la Chine, les États-Unis et l’Europe coopèrent et réalisent des échanges économiques et commerciaux équitables sans imposer de barrières, ils pourront également aider l’économie mondiale à ne pas tomber en récession et à se remettre sur les rails. Les « négociations des règles internationales » avec l’Europe, promises par les États-Unis, devraient également être ouvertes à la Chine. L’accord d’investissement Chine-UE, à la fois complet, équilibré et de haut niveau, pourrait également servir à promouvoir une coopération similaire entre la Chine et les États-Unis.

 

Tout comme la communauté internationale se trouve à un carrefour inédit, les relations Chine–États-Unis–Europe sont entrées dans une période complexe sans précédent, où les opportunités de coopération pour aller de l’avant sont aussi grandes que les risques de recul. L’administration Biden devrait prendre conscience que le véritable sens derrière le slogan « Make America great again » (Rendre sa grandeur à l’Amérique) n’est pas de rafler unilatéralement des avantages au profit des États-Unis ; et l’Europe devrait prendre conscience que le véritable sens derrière l’objectif de maintenir l’« autonomie stratégique européenne » n’est pas de jouer les opportunistes en spéculant sur l’essor de la Chine et des États-Unis, mais d’assumer des responsabilités conjointes toujours plus nombreuses et plus grandes. Si ces deux critères sont réunis, alors la Chine, les États-Unis et l’Europe pourront restaurer et élargir les bases de leur coopération. En découleront des intérêts communs qui permettront aux États-Unis et à l’Europe de mieux comprendre la Chine et déterminer leur propre position, et par voie de conséquence, de formuler et appliquer des politiques plus rationnelles.

 

*CUI HONGJIAN est directeur du département des études européennes à l’Institut chinois des études internationales.

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