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Les approches communes entre la France et la Chine

2019-12-31 14:37:00 Source:La Chine au présent Auteur:LAURENT FABIUS
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« Transformation et rêve », exposition des images des 40 ans de la réforme et de l’ouverture de la Chine à Paris le 9 janvier 2019

 

La Chine et la France, la civilisation chinoise et la civilisation française sont différentes, ne nions pas les évidences. Les deux pays n’ont ni la même histoire, ni la même taille, ni la même éducation, ni les mêmes voisins, mais c’est précisément parce que nous sommes différents que la longue histoire de notre cheminement commun et la communauté de nos visions aujourd’hui sont précieuses. Entre deux pays identiques, deux peuples qui se ressemblent sur tous les points, la communauté de vue peut apporter quelque chose, mais beaucoup moins qu’elle n’apporte entre des pays et des civilisations différents. Et c’est de cette différence surmontée, assumée et sublimée que naît tout l’intérêt de notre approche commune. Le ministre Wang Yi a rappelé d’une façon parfaite les étapes de notre cheminement commun, qu’il me soit permis de revenir d’un mot sur cette grande initiative de 1964 qui n’avait rien d’évident lorsque, pour la première fois, Charles de Gaulle, et du côté chinois Mao Zedong, décidèrent d’établir des relations politiques ensemble, la France étant la première des grandes nations de l’Ouest à faire ce geste. Depuis lors, à travers des gouvernements différents en France, et d’ailleurs aussi en Chine, cette communauté d’approche est développée, et moi-même, j’ai eu l’occasion, en quarante ans d’une vie politique que j’ai maintenant abandonnée, de pratiquer ce dialogue avec nos amis chinois. Et dans la dernière période, cette proximité s’est renforcée, et tout dernièrement encore, la visite du président chinois en France et la visite du président français en Chine, montrent à quel point au plan politique nos approches convergent.

 

 

Je disais des différences, mais aussi des approches communes, et ces approches communes me frappent. Je mettrai l’accent sur trois éléments qui font que, en dépit de ces différences, nous nous sentons en terrain commun. Un premier aspect évident, c’est que la Chine et la France ont toutes les deux le goût du temps long, c’est particulièrement spectaculaire lorsque l’on regarde l’histoire chinoise. Mais c’est aussi vrai de l’histoire française en tout cas dans ses meilleurs moments, ne pas céder, comme c’est aujourd’hui trop souvent le cas, au culte de l’instant, tracer des perspectives longues, connaître les étapes, anticiper les résistances et les moyens de les surmonter. J’en ai eu encore la preuve en me trouvant à la cérémonie du 100e anniversaire de la fameuse université Nankai, dont furent étudiants, l’ancien premier ministre Zhou Enlai et le ministre des Affaires étrangères Wang Yi. À cette occasion, il parut le premier tome en chinois des archives diplomatiques des relations entre la Chine et la France que j’avais eu la chance de pouvoir rendre public lors de ma présidence du quai d’Orsay. Il y aura une dizaine de livres qui seront publiés, et lorsqu’on prend connaissance de ces premiers échanges, on s’aperçoit à quel point la dimension du temps long est présente. Le deuxième aspect qui me frappe, c’est le sens de l’ouverture. Évidemment chacun de nos deux pays, à travers l’histoire, a eu des moments de tentation de fermeture, mais les moments brillants ont toujours été des moments d’ouverture. C’est ce que nous retrouvons aujourd’hui, avec une grande fierté, à un moment précisément où trop de pays dans le monde, y compris de grands pays, ont tendance à se fermer. Tel n’est pas le cas de la Chine, tel n’est pas le cas de la France, et c’est l’une des raisons de l’importance de notre cheminement commun. Et puis, il y a la passion de l’équilibre, ce que mon cher ami Wang Yi a rappelé en reprenant une formule chinoise ancienne, « l’harmonie dans les différences ». Je n’ai pas besoin d’insister sur les menaces qui pèsent aujourd’hui sur notre monde, et parmi les plus grandes menaces, il y a cette distance prise à l’égard du multilatéralisme, et ce culte du déséquilibre de la force, ce que j’appelle moi-même le « brutalisme ». Il est bon, il est même excellent, que deux grandes nations, deux grandes civilisations, deux grandes cultures, comme la Chine et la France, s’inscrivent en faux en disant qu’il n’y aura de solution aux problèmes du monde qui dépassent toutes les frontières qu’en respectant cette règle du multilatéralisme et de l’équilibre.

 

J’insisterai sur une formule de Confucius : « Celui qui, par l’étude de la connaissance du passé, obtient une connaissance nouvelle est digne d’être un maître ».  Je pense que ceux qui ont pris l’initiative de ce dialogue sino-français sur les civilisations ont permis à beaucoup, aujourd’hui et dans les temps futurs, d’être chacun pour ce qui le concerne un maître.

 

LAURENT FABIUS est président du Conseil constitutionnel français et ancien ministre des Affaires étrangères de la France.  

(Extrait de son allocution à la cérémonie d’ouverture du Dialogue sino-français sur les civilisations)

 

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