
Dans l’atelier de fabrication des modules de l’entreprise Yingli New Energy (Ningxia), un technicien procède à un contrôle qualité des produits photovoltaïques, à Wuzhong, dans la région autonome Hui du Ningxia, le 23 février 2023.
Le 10 septembre, la société chinoise Dongfang Electric Machinery a achevé la fabrication des premiers composants encastrés de six turbines qu’elle fournit pour le barrage hydroélectrique de Koysha, en Éthiopie. Acheminées par voie terrestre et maritime, ces pièces arriveront sur le site d’ici trois mois. Une fois opérationnelle, la centrale produira chaque année plus de 6 milliards de kilowattheures d’électricité, permettant de réduire d’un million de tonnes les émissions annuelles de CO2.
Située dans la province du Sichuan, la ville de Deyang, où se trouve le siège de Dongfang Electric Machinery, s’impose comme l’un des pôles majeurs de la production chinoise d’équipements pour les énergies propres. On estime qu’un kilowattheure sur quatre consommé en Chine provient d’équipements conçus à Deyang. Signe de son rayonnement mondial, les équipements estampillés « made in Deyang » alimentent plus d’une centaine de pays et régions, pour une capacité installée dépassant les 100 GW.
Alors que la transition énergétique et la lutte contre le changement climatique s’imposent comme des priorités mondiales, la demande en technologies propres connaît une envolée sans précédent. C’est dans ce contexte que s’est tenue, du 17 au 18 septembre, à Deyang, la Conférence mondiale 2025 sur les équipements d’énergies propres. Les participants y ont esquissé des stratégies de développement et une vision partagée d’un avenir énergétique durable.
Les équipements d’énergies propres couvrent des domaines clés : hydroélectricité, éolien, photovoltaïque, nucléaire, hydrogène, mais aussi technologies de stockage, réseaux intelligents et transmission à haut rendement. Le développement fulgurant de ce secteur en Chine repose sur une pierre angulaire : la normalisation. L’établissement de standards robustes renforce non seulement la compétitivité industrielle, mais confère également une reconnaissance internationale aux technologies chinoises.
Les standards au cœur de l’innovation
Selon les données présentées lors de la conférence, la Chine dispose désormais de la chaîne industrielle d’équipements d’énergies propres la plus grande et complète au monde, assurant à elle seule 60 % de la croissance mondiale des capacités renouvelables installées. Elle fournit par ailleurs 70 % des équipements éoliens et plus de 80 % des modules photovoltaïques utilisés à travers le monde. Au premier semestre 2025, la valeur de production de l’industrie chinoise des équipements d’énergies propres a bondi de 18,7 % sur un an.
Pour Xu Niansha, président de la Fédération chinoise de l’industrie mécanique, ces chiffres illustrent que « la Chine est devenue une force motrice essentielle pour la stabilité des chaînes d’approvisionnement mondiales et la transition énergétique verte ».
L’innovation technologique constitue désormais le principal levier de cette dynamique. De la mise au point d’équipements clés à l’intégration de systèmes complexes, la Chine a réalisé des avancées majeures dans des domaines stratégiques : stockage et transport de l’hydrogène, réseaux électriques intelligents ou encore convergence technologique multi-énergies.
Cette autonomie technologique a permis l’émergence de nouveaux standards. Lors de la conférence ont été dévoilées les « Dix principales avancées normatives » dans le secteur des équipements d’énergies propres. Dans l’éolien, par exemple, 64 normes nationales ont été élaborées ou révisées durant le XIVe Plan quinquennal (2021-2025), couvrant tous les maillons de la chaîne, de la conception à la maintenance. Cette normalisation a significativement renforcé la fiabilité et la sécurité du secteur.
Certaines de ces normes font figure de pionnières à l’échelle mondiale. La norme sur les véhicules de livraison autonomes, par exemple, a unifié les protocoles de test des performances de déplacement, réduisant les coûts de certification transnationale. De même, la norme sur les prises et fiches à courant continu pour usage domestique constitue une avancée clé pour la transition énergétique dans le secteur du bâtiment.
Au premier semestre 2025, la nouvelle capacité installée en énergies renouvelables en Chine a quasiment doublé par rapport à l’année précédente. Selon l’Administration générale des douanes de Chine, les exportations des véhicules électriques, des batteries lithium-ion et des équipements photovoltaïques, ont atteint 757,8 milliards de yuans, représentant 4,1 % des exportations nationales, à destination de plus de 200 pays et régions. Derrière ces performances se dessine une véritable architecture normative à la chinoise.

Un technicien travaille dans l’atelier de production de réservoirs d’hydrogène de l’entreprise GUOFUHEE, à Suzhou (Jiangsu), le 31 mai 2024.
Vers une présence mondiale
Face à une demande mondiale en pleine expansion, la Chine consolide ses avantages à l’exportation. Selon Sun Chuanwang, professeur à l’Université de Xiamen, cité par le journal China Energy News, « ce succès repose sur un triptyque vertueux : innovation technologique pour réduire les coûts, industrialisation à grande échelle pour transformer rapidement les percées en produits, et exportation des capacités et des technologies, grâce à un double avantage en termes de coût et de qualité ». Cette évolution marque une rupture : la Chine passe d’une logique d’exportation de produits à celle de transfert de technologies et de standards.
Parmi les entreprises pionnières, Guangdong Lyric Robot Automation, implantée dans la province du Guangdong, a misé très tôt sur l’international. Depuis 2011, elle ne se contente plus d’exporter des équipements finis, mais propose des solutions globales alliant ingénierie, normes de gestion et fabrication intelligente. En collaboration avec ses clients, elle contribue à définir de nouvelles normes, influençant la mutation du secteur mondial des énergies nouvelles.
« Aujourd’hui, l’entreprise joue un rôle moteur dans l’élaboration des procédés, la conception des produits et la définition des équipements. Nos lignes de production livrées en Europe ont changé la perception du continent sur l’industrie des énergies nouvelles », partage son cofondateur et vice-président Lu Jiahong à Southern Finance Omnimedia.
Selon M. Xu, la Chine ambitionne désormais de bâtir un modèle d’exportation intégré, articulant produits, technologies, normes et services. Elle promeut la reconnaissance mutuelle des standards avec l’Union européenne dans les domaines de l’empreinte carbone et de la certification verte, et œuvre à la création d’une Alliance mondiale des industries d’équipements d’énergies propres, afin d’amplifier la coopération internationale.
Dès 2022, Dongfang Electric Machinery avait réussi à faire adopter des standards chinois dans le projet hydroélectrique Julius Nyerere, en Tanzanie, s’appuyant sur son expertise et sa réputation. Selon le Sichuan Daily, les entreprises de Deyang adaptent activement leurs normes technologiques aux spécificités énergétiques des pays partenaires de l’initiative « la Ceinture et la Route », afin de promouvoir ensemble le développement de filières propres : éolienne, solaire ou hydraulique.
Certaines des « Dix principales avancées normatives » jouissent déjà d’une influence mondiale. C’est le cas, par exemple, de celle sur les fonctions de contrôle intégré des centrales hydroélectriques, des groupes générateurs en cascade et des stations de pompage-turbinage, qui comble un vide réglementaire à l’échelle internationale.
Un rapport de l’Agence internationale pour les énergies renouvelables souligne que le coût moyen du kilowattheure issu du solaire et de l’éolien a chuté respectivement de plus de 80 % et de 60 % en dix ans, en grande partie grâce à la compétitivité des équipements chinois.
La Fédération chinoise de l’industrie mécanique indique que la Chine a dirigé ou co-rédigé de nombreux standards internationaux dans le domaine des équipements d’énergies propres. Son influence normative à l’échelle mondiale progresse rapidement, marquant un tournant stratégique : d’un modèle de « marché contre technologie » vers une dynamique où « les technologies exportent leurs standards ».