
Un dispositif de surveillance du sommeil basé sur l’IA est utilisé pour traiter les troubles du sommeil.
Un bon sommeil vaut de l’or. Dans notre société où tout s’accélère, un repos réparateur est devenu une obsession, voire un luxe. Pour y parvenir, finis les moutons à compter ! La chasse aux insomnies passe désormais par un éventail de remèdes et de technologies, des infusions de plantes aux matelas intelligents.
Zhang Hanfei, 24 ans, originaire de Shanghai, témoigne : « Je souffre d’insomnie environ trois nuits par semaine depuis que j’ai intégré le monde du travail il y a deux ans. J’utilise des produits d’aide au sommeil depuis plus d’un mois, car l’insomnie a vraiment nui à mon travail et à ma vie. Je m’offre un bain et un massage de pieds avant de me coucher, et porte un masque oculaire chauffant pour m’aider à me détendre. Je bois aussi quotidiennement une infusion bien-être à base de plantes, comme le jujube, le pachyme, le bulbe de lis, le longane et la camomille. » Dans la médecine traditionnelle chinoise, le longane séché, fruit du sud de la Chine, est réputé pour apaiser le système nerveux et favoriser l’endormissement. « Ces produits sont plutôt efficaces. Beaucoup dans mon entourage testent aussi ce genre de solutions. Pour nous, c’est une première étape avant de sauter le pas vers des médicaments ou de consulter un spécialiste. »
Modernisation du secteur
Son cas est loin d’être isolé. Selon le Rapport d’enquête 2025 sur la santé du sommeil en Chine, publié conjointement en mars par le Centre chinois de contrôle et de prévention des maladies et le Centre chinois des mégadonnées sur le sommeil, 48,5 % des personnes âgées de 18 ans et plus souffrent de troubles du sommeil.
Le Livre blanc 2024 sur la santé du sommeil des résidents chinois, publié par la Société chinoise de recherche sur le sommeil (SCRS), montre que les Chinois s’endorment en moyenne après minuit pour une durée de sommeil de seulement 6,75 heures par nuit, bien en deçà des huit heures recommandées par l’Organisation mondiale de la santé. Les troubles du sommeil chez les jeunes se font de plus en plus préoccupants : la difficulté à s’endormir constitue le problème le plus fréquent chez les personnes nées dans les années 2000, 1990 et 1980, touchant respectivement 22 %, 26 % et 20 % de chaque groupe d’âge.
« La santé du sommeil est un enjeu de santé publique qui affecte la productivité sociale et le bonheur collectif », affirme Yuan Xiangshan, secrétaire général adjoint de la SCRS, lors d’un séminaire organisé le 16 août à Hangzhou (Zhejiang). « Ces dernières années, de plus en plus de personnes se tournent vers des produits d’aide au sommeil. Si le marché connaît une croissance rapide, l’attention doit désormais porter sur l’amélioration de la qualité de ces produits. Pour les entreprises, cela implique d’adopter des concepts innovants et des approches technologiques. L’objectif est de fournir des solutions plus scientifiques, systématiques et accessibles pour un sommeil sain. C’est une étape incontournable dans la modernisation du secteur. »

Un matelas intelligent permettant d’améliorer le sommeil exposé lors de l’Appliance & Electronics World Expo 2024 à Shanghai, le 14 mars 2024
Une économie du sommeil en plein essor
Face à la généralisation des troubles du sommeil et à une sensibilité accrue aux enjeux de santé, l’« économie du sommeil » a connu une croissance fulgurante. Selon le Rapport 2024 sur l’innovation des produits pour la santé du sommeil et les tendances de consommation, publié par l’agence d’analyse de données iiMedia Research, ce secteur a presque doublé de 2016 à 2023, passant de 262 à 496 milliards de yuans, et a probablement dépassé les 500 milliards de yuans fin 2024.
Un rapport sur l’e-commerce relatif à ce secteur, émanant de l’agence de gestion de données Nint, montre que les ventes de produits de literie aidant au sommeil avaient augmenté de 13 % sur un an en mars 2025. Les articles de base (couettes, oreillers, matelas) affichent une forte croissance, tandis que les bouchons d’oreille mènent la tendance (+22 %), talonnés par les bougies parfumées, tous deux nouveaux produits phares du secteur.
Les segments de niche ne sont pas en reste. Avec le vieillissement de la population (un Chinois sur cinq a plus de 60 ans), les ventes de produits destinés aux seniors avaient triplé début 2025, d’après le rapport de Nint. Pour traiter sommeil léger et réveils nocturnes, ces formules incorporent souvent des ingrédients traditionnels comme les baies de goji. Les produits conçus pour les femmes allient amélioration du sommeil et bienfaits beauté, à l’image de compléments gélifiés au collagène et à l’acide hyaluronique. Les étudiants privilégient les rideaux occultants pour dortoir et les bouchons d’oreille antibruit, tandis que les voyageurs d’affaires se tournent vers les oreillers cervicaux pliables et les mini-diffuseurs d’arôme. Les familles avec jeunes enfants optent pour des diffuseurs de senteurs légères ou des gigoteuses thermorégulées.
« Avant de connaître l’insomnie, j’ignorais l’existence d’une telle variété de produits », confie Zhang Hanfei. « En cherchant des diffuseurs d’arôme pour le sommeil sur RedNote, j’ai découvert des influenceurs qui détaillaient les vertus de chaque fragrance : une pour l’endormissement, une autre contre les réveils nocturnes, les rêves fréquents ou le sommeil léger. Aujourd’hui, on cible son problème à l’odeur près. » Le hashtag #ArômesSommeil totalisait plus de 100 millions de vues lors de la rédaction.
Les avancées technologiques modernisent le secteur. Le rapport de Nint identifie deux catégories prometteuses : les objets connectés portables et les matelas intelligents. Les bracelets et les montres intelligents ne se contentent plus d’enregistrer la durée et les cycles du sommeil. Associés à des applications, ils analysent les données et suggèrent des améliorations personnalisées comme l’heure de coucher idéale ou des ajustements de l’hygiène de vie. Les matelas intelligents innovent plus radicalement. Certains adoptent la position zéro-gravité pour un meilleur confort, d’autres modulent leur fermeté en temps réel en fonction des phases de sommeil, optimisant ainsi soutien et relaxation.

Bague intelligente pour surveiller l’apnée du sommeil sur le site de l’Exposition mondiale de l’industrie intelligente 2025 à Chongqing, le 7 septembre 2025.
Vers des services professionnalisés
Parallèlement à l’essor du marché des produits, les services de gestion du sommeil amorcent leur standardisation. La profession de « gestionnaire de santé du sommeil » est désormais reconnue par le ministère chinois des Ressources humaines et de la Sécurité sociale dans une mise à jour des classifications professionnelles nationales.
« La reconnaissance officielle de ce métier revêt une signification profonde », souligne Han Fang, directeur du Centre de somnologie de l’Hôpital populaire de l’Université de Pékin, auprès du Quotidien du Peuple. « La médecine du sommeil en Chine est longtemps restée sur les marges interdisciplinaires de la pneumologie et de la neurologie, entre autres. Le manque de médecins spécialistes et l’insuffisance de la couverture assurance-maladie ont limité les capacités de diagnostic, malgré une demande croissante. »
Le rôle du gestionnaire de santé du sommeil consiste à accompagner des individus ou des groupes dans le suivi, l’analyse et l’évaluation de leur sommeil, tout en dispensant consultations, conseils et interventions concernant les facteurs de risque liés au sommeil. Selon le Quotidien du Peuple, sur environ 300 millions de personnes souffrant de troubles du sommeil en Chine, 150 millions nécessitent une prise en charge active. Cette demande croissante pourrait partiellement être satisfaite par les 3 500 établissements hospitaliers que la SCRS recense à travers le pays. Or, ce service fait face à une pénurie criante de plus de 100 000 professionnels qualifiés avec une couverture de moins de 5 % en milieu communautaire. De plus, le secteur se heurte à l’absence de standards de service uniformes et à un système de formation encore balbutiant.
« La création de cette nouvelle profession va permettre d’établir des normes et des référentiels métiers, tout en renforçant les compétences pratiques et communicationnelles, ainsi que l’éthique professionnelle des praticiens », note M. Han. « Elle favorisera également la construction d’un système de formation structuré, intégrant à la fois des enseignements théoriques fondamentaux et une mise en situation pratique. »
« D’ici quelques années, des parcours de licence et de master viendront renforcer la légitimité académique de ces métiers émergents, tandis qu’un cadre de carrière clair et évolutif offrira des perspectives de progression tant aux professionnels en poste qu’aux nouvelles recrues », ajoute-t-il.
*ZHANG YAGE est journaliste à