Un avion survole le palais de Chaotian (Xiamen).
En 1985, alors que l’effervescence gagnait la Chine avec la politique de réforme et d’ouverture, la zone économique spéciale (ZES) de Xiamen restait une petite ville côtière aux infrastructures limitées, confrontée à de nombreux défis de développement. C’est à ce moment-là que Xi Jinping, alors en poste dans le Hebei, a pris ses fonctions en tant que membre du Comité permanent du Comité municipal du Parti communiste chinois (PCC) pour la ville de Xiamen et maire adjoint.
Pour favoriser le développement urbain de cette ville, dont la ZES ne couvrait que 2,5 km2 à ses débuts, soit la plus petite des quatre premières en Chine, Xi Jinping avait rapidement compris qu’une planification scientifique était essentielle. Durant son mandat, il a dirigé l’élaboration de la Stratégie de développement économique et social de Xiamen 1985-2000, un plan qui traçait une feuille de route claire pour les 15 années à venir et posait les fondations solides de la prospérité durable de la ville.
Une voie de développement à la chinoise du port franc
Dans le but d’explorer une voie de développement d’un port franc adaptée aux spécificités chinoises, Le Quotidien de Xiamen lança en 1986 une campagne intitulée L’an 2000 : Comment j’imagine Xiamen, qui a suscité un fort engouement. Beaucoup ont participé avec enthousiasme, partageant leurs visions et espoirs pour l’avenir. Cette initiative faisait partie intégrante de la Stratégie de développement économique et social de Xiamen 1985-2000 et plusieurs dizaines de propositions issues de ces contributions ont été retenues. « Après cinq années de construction, la ZES de Xiamen était entrée dans une nouvelle phase de développement. Il devenait urgent de disposer d’une stratégie directrice pour guider les décisions et permettre un développement plus rapide et de meilleure qualité », se souvient Li Xiuji, alors secrétaire adjoint du Comité municipal du PCC pour Xiamen.
En août 1986, pour approfondir l’étude des politiques de port franc et envisager l’avenir de Xiamen, le Comité municipal du PCC et le gouvernement municipal ont adopté une proposition de Xi Jinping en créant le Bureau de recherche sur la stratégie de développement économique et social. L’une de ses contributions majeures a justement été l’élaboration de la Stratégie de développement économique et social de Xiamen 1985-2000.
Cette stratégie est le fruit d’une recherche approfondie et rigoureuse. Les membres du Bureau de recherche se sont rendus à Beijing pour consulter les ministères concernés ainsi que des experts de renom. Ils ont notamment rencontré Yu Guangyuan, membre de la Commission centrale des Conseillers et économiste influent, et sollicité les conseils de Liu Guoguang, vice-président de l’Académie des sciences sociales de Chine (ASSC), ainsi que de Dong Fureng, directeur de l’Institut d’économie de l’ASSC, qui ont tous exprimé leur soutien au projet.
Plus d’une centaine d’experts, universitaires (issus de l’ASSC, de l’Académie des sciences de Chine, de l’Université de Xiamen) et responsables locaux ont également contribué à des recherches portant sur 21 thématiques, notamment la mise en œuvre de certaines politiques de port franc et la construction d’une ZES de type port franc. Certains sont même allés à Singapour pour des missions d’étude, dans le but d’approfondir leur compréhension et d’explorer un modèle de port franc conforme aux caractéristiques chinoises.
Des élèves participent à une compétition de vol plané d’avion à élastique lors de la Fête des sciences à l’école primaire de Binglang (Xiamen), le 30 décembre 2024.
Une stratégie de développement pour Xiamen
La Stratégie de développement économique et social de Xiamen 1985-2000 a eu une portée globale et structurante pour la ville. Pour la première fois, elle proposait explicitement la mise en œuvre de certaines politiques de port franc à Xiamen, incluant notamment un plan concret pour l’établissement de la zone franche de Xiangyu, ainsi qu’une vision à long terme visant à développer progressivement des activités financières offshore le moment venu.
Cette stratégie a également fait œuvre pionnière en introduisant le concept d’« éco-niche », insistant sur la nécessité de concilier développement économique et préservation de l’environnement. Elle soulignait que la croissance ne devait pas se faire au détriment de l’écologie, appelant à prévenir la pollution et à maintenir l’équilibre écologique, afin de garantir aux générations actuelles et futures un environnement de vie et de travail sain.
Aujourd’hui encore, de nombreux chercheurs chinois, en étudiant ce document, sont impressionnés par son caractère novateur et visionnaire. Plusieurs de ses propositions étaient en avance sur leur temps et ont par la suite influencé d’autres régions du pays.
Zheng Jinmu, alors directeur adjoint de la Commission de planification de Xiamen, se souvient avec précision de la réaction des experts de Beijing à la lecture du concept d’« éco-niche », disant qu’il s’agissait d’une « véritable révélation pour eux ». Et de préciser que sur les 21 axes de recherche menés dans le cadre de la stratégie, deux portaient sur la civilisation écologique, l’un concernant la valeur socioculturelle de l’île de Gulangyu et son développement touristique, l’autre, le système urbain de Xiamen et les questions d’environnement écologique, des thématiques alors très peu abordées à l’échelle nationale.
La Stratégie de développement économique et social de Xiamen 1985-2000, formulées dès les débuts de la ZES, constitue l’un des premiers plans stratégiques à long terme (15 ans) élaborés par un gouvernement local en Chine. Elle a insufflé une dynamique puissante au développement durable de la ZES de Xiamen et représente une contribution d’envergure de Xi Jinping au développement de la ville. Son rôle dans l’organisation et l’orientation du développement de la ZES est considéré comme fondamental.
Même après sa mutation aux fonctions provinciales du Fujian, Xi Jinping n’a jamais cessé de suivre de près l’évolution stratégique de Xiamen. En 2002, alors qu’il était secrétaire adjoint du Comité provincial du PCC et gouverneur du Fujian, il a effectué une mission d’inspection à Xiamen. Il y a fait un constat lucide et direct sur les défis de développement de la ville. « L’île principale de Xiamen est quasiment saturée, tandis que les zones hors de l’île accusent un net retard. L’espace de développement économique est trop restreint [...]. Il est désormais urgent d’élargir l’espace de développement de la ville-centre et de renforcer son hinterland économique. »
Pour ouvrir de nouveaux horizons au développement de Xiamen, il a proposé une stratégie audacieuse appelée « Moderniser l’île principale ; développer au-delà de l’île ». Elle s’articulait autour de plusieurs principes, à savoir moderniser l’île principale tout en exploitant l’espace autour de la baie, conjuguer transformation urbaine et mutation économique, associer industrialisation rurale et urbanisation coordonnée, et mettre en valeur les caractéristiques propres à la ville tout en préservant l’écologie de la baie.
Cette vision visait à transformer Xiamen d’une ville insulaire en une ville-baie intégrée, moderne, prospère, harmonieuse et respectueuse de l’environnement, pour en faire une cité-jardin internationale exemplaire. La mise en œuvre de cette stratégie a marqué le lancement d’un processus rapide d’intégration entre l’île et l’arrière-pays, donnant une nouvelle impulsion au développement coordonné de l’ensemble du territoire urbain de Xiamen.
La mangrove dans les eaux bleu azur à Jimei (Xiamen) donne l’impression d’herbes flottant sur la mer.
Une référence pour la construction urbaine à moyen et long terme de Xiamen
L’élaboration d’une stratégie de développement durant la phase initiale de la ZES de Xiamen revêtait une importance capitale. En réfléchissant dès le départ au positionnement de la ville et à ses grandes orientations, en structurant clairement les différentes dimensions du travail dans la zone spéciale, il était possible de donner une direction claire au développement et d’éviter les erreurs majeures ou les détours inutiles.
La recherche stratégique en matière de développement économique et social constitue une entreprise complexe et systémique. Elle couvre un vaste éventail de domaines, allant de l’analyse rigoureuse de l’histoire et de la situation actuelle à la prévision scientifique du développement futur, en passant par la coordination entre le progrès économique, technologique et social. Les 21 thématiques de la Stratégie de développement économique et social de Xiamen 1985-2000 constituaient une approche globale et novatrice. Elle planifiait notamment le système d’infrastructures urbaines, le développement industriel, les réformes institutionnelles, l’exploration de la construction d’un port franc, et la coopération et les échanges avec Taiwan. Elle accordait également une attention particulière au développement de l’éducation et des sciences, la protection de l’environnement, la préservation des ressources culturelles et touristiques de Gulangyu, ainsi que le contrôle de la taille de la population.
Le plan incluait en outre des études spécifiques sur la protection de la propriété intellectuelle, montrant ainsi une vision d’avant-garde et un souci de développement harmonisé et coordonné. Ce document stratégique s’est imposé comme un modèle de référence pour la planification urbaine à moyen et long terme, marquant un tournant dans la gouvernance territoriale locale en Chine.
Cette stratégie de développement est par la suite devenue un plan de référence pour guider la construction urbaine et le développement à moyen et long terme de la ville. Le célèbre économiste Ma Hong l’a saluée, en affirmant que cette stratégie avait une valeur directive majeure pour la planification à long terme et les mesures à court terme dans la ZES de Xiamen, offrant également une expérience précieuse pour d’autres régions dans l’élaboration de leurs propres stratégies régionales de développement.
*ZHANG YANTAO est professeur à la Faculté du marxisme de l’Université de Xiamen.