Deux étudiants français choisissent des drones dans une boutique à Wuhan (Hubei), le 15 avril 2025.
« Ce voyage en Chine a été une véritable aubaine », s’exclame Keiko, une touriste japonaise qui a obtenu un remboursement de taxes instantané au Shanghai International Finance Center. Son expérience reflète une nouvelle tendance : les visiteurs étrangers, séduits par cette facilité d’achat, affluent désormais dans les commerces chinois.
Le 26 avril, le ministère chinois du Commerce et cinq autres ministères et commissions du gouvernement ont publié une circulaire conjointe visant à optimiser la politique de détaxe, réduisant le seuil pour la détaxe de 500 yuans à 200 yuans, augmentant le plafond pour les remboursements en espèces de 10 000 yuans à 20 000 yuans et encourageant les zones commerciales, les sites touristiques et les hôtels à multiplier les points de remboursement de taxe.
Depuis 2015, la Chine a mis en œuvre, dans la province insulaire de Hainan, la politique de remboursements de taxes pour les touristes étrangers – une pratique internationale permettant aux touristes de récupérer la TVA. « Le taux de remboursement s’élève à 11 % du prix TTC pour la majorité des articles, ce qui équivaut au montant total de la TVA », précise Jia Rong’e, directeur du département de la politique fiscale du ministère des Finances, lors d’un briefing le 27 avril. « Seuls quelques produits restreints en sont exclus. »
La nouvelle réglementation permet aux visiteurs étrangers et aux résidents de Hong Kong, Macao et Taiwan séjournant sur la partie continentale de la Chine pendant moins de 183 jours de demander un remboursement pour des achats supérieurs à 200 yuans effectués dans une même journée dans un même magasin, à condition que les marchandises restent non utilisées. Ce nouveau seuil de 200 yuans profite particulièrement aux achats fréquents comme le thé, les souvenirs culturels et les produits cosmétiques, tandis que le doublement du plafond pour les remboursements en espèces facilite l’acquisition de produits électroniques et de luxe.
Des touristes étrangers font des achats au marché Xiushui à Beijing, le 20 avril 2025.
Améliorer l’expérience d’achat
La blogueuse beauté américaine @LuLu a posté sur Xiaohongshu (RedNote), une application chinoise populaire de mode de vie et de commerce électronique : « J’ai l’impression que la Chine semble accorder plus d’attention aux citoyens américains que les États-Unis eux-mêmes. Elle met en place des politiques qui facilitent la vie des Américains. » Elle y a précisé qu’en tant qu’Américaine, elle n’a même pas besoin de visa pour visiter la Chine grâce à la politique de transit sans visa. « Pendant 10 jours, je peux voyager, faire des achats et obtenir des remboursements de taxes instantanés. »
Selon les données officielles, en 2024, les ventes de produits éligibles à la détaxe ont augmenté de 120 % et le montant total des taxes remboursées a augmenté de 130 % par rapport à 2023. Les touristes entrants ont dépensé 94,2 milliards de dollars l’année dernière, une hausse de 77,8 % par rapport à l’année précédente.
À Beijing, les demandes de remboursement de taxes depuis janvier ont bondi de 210 % sur un an, avec des ventes correspondantes en hausse de 150 % et des montants remboursés, de 170 %.
Cette politique redéfinit les paysages de la vente au détail. Le Marché des Perles de Beijing (Marché Hongqiao), un centre de bijouterie créé dans les années 1970, propose des remboursements de taxes depuis 2015. « Nous offrons ce service depuis des années pour renforcer notre compétitivité mondiale, attirer les visiteurs étrangers et stimuler l’économie locale », déclare Zhou Guifang, directrice générale adjointe du marché.
Ma Tao, responsable fiscal du centre commercial de luxe SKP à Beijing, indique à l’Agence de presse Xinhua que des centaines de boutiques proposent désormais des remboursements de taxes sur des catégories telles que les vêtements, les produits cosmétiques et les montres.
Les marques traditionnelles chinoises attirent également les touristes étrangers. « Avec l’essor du tourisme et la reconnaissance croissante des marques chinoises à l’international, nous constatons davantage de demandes de détaxe, principalement pour les médicaments traditionnels chinois comme les cordyceps (un genre de champignon) et les nids d’hirondelle », déclare Zhang Rui, directeur adjoint de Tongrentang, une société pharmaceutique dotée d’une histoire de plus de 300 ans, dans le quartier commercial et touristique de Dashilan à Beijing.
Dans les magasins désignés, les touristes étrangers peuvent recevoir instantanément le remboursement de taxe en RMB après une simple procédure de préautorisation par carte de crédit et la signature d’un accord. « Cela déplace le processus de remboursement des aéroports vers les magasins, offrant des avantages immédiats aux touristes et encourageant les achats répétés tout en économisant du temps au moment du départ », explique Xie Wen, directeur du département de la taxe sur les biens et services de l’Administration d’État des affaires fiscales.
La ville de Chengdu (Sichuan) a lancé ce service pilote en 2023. En avril 2024, 49 y participaient déjà activement. C’est le cas du Chengdu IFS, une destination de shopping haut de gamme, à propos duquel l’influenceur @TobyinChina a partagé sur Xiaohongshu son expérience : « Le comptoir de service de détaxe est facile à trouver. Il suffit d’une carte de crédit et d’un passeport pour recevoir immédiatement le remboursement en espèces. C’est incroyable ! »
Le Changsha IFS, point pilote dans la province du Hunan, compte désormais 31 magasins participants couvrant la mode, les accessoires et les produits culturels. Le personnel du centre commercial rapporte une amélioration de l’expérience d’achat par rapport à celle à l’aéroport.
Cette commodité transforme les habitudes de consommation. En avril, une touriste américaine a pu bénéficier du remboursement pour plusieurs de ses achats : un téléphone pliable Huawei, deux ensembles de porcelaine de Jingdezhen et trois galettes de thé Pu’er du Yunnan, réalisant ainsi une économie de près de 500 dollars. Selon elle, ces économies pourraient couvrir un voyage de trois jours à Xi’an.
« Les remboursements de taxes instantanés, les politiques d’entrée et de transit sans visa, ainsi que les paiements mobiles stimulent la consommation et témoignent de l’ouverture de la Chine », déclare Liu Huan, professeur spécialisé dans la recherche fiscale et financière à l’Université centrale des Finances et de l’Économie, à Xinhua.
Une boutique propose la détaxe instantanée à Shanghai, le 29 avril 2025
Au-delà de la consommation
La Chine a élargi l’exemption unilatérale de visa à 38 pays, prolongé le temps du transit sans visa à 240 heures pour 54 pays et facilité l’entrée des étrangers sur le territoire. Selon l’Administration nationale de l’immigration, le nombre de visiteurs étrangers a augmenté de 96 % en 2024 et de 40,2 % en glissement annuel depuis la mise en œuvre de la politique de transit sans visa de 240 heures en décembre 2024, avec 6,57 millions d’entrées sans visa.
Les remboursements de taxes instantanés profitent aux touristes tout en promouvant les produits et la culture chinois dans le monde entier. Du hashtag #ChinaTravel à la visite cette année du créateur de contenu YouTube IShowSpeed, les réseaux sociaux contribuent à faire évoluer la perception des produits chinois, désormais associés à une véritable identité culturelle.
Une tendance inédite se dessine : des influenceurs étrangers viennent spécialement en Chine pour y faire des achats qu’ils revendront dans leur pays. Ce mode d’achat pour le compte de tiers que des résidents chinois à l’étranger pratiquent sous le nom de daigou (littéralement « achat par procuration ») s’inverse, ce qui témoigne de l’attractivité croissante des produits chinois. Les internautes chinois plaisantent en disant que les touristes étrangers n’ont besoin que d’Alipay, un portefeuille numérique chinois, et de bagages vides pour une expérience shopping exceptionnelle. Les histoires d’Américains volant vers la Chine pour des produits « Made in China » sont devenues tendance sur les réseaux sociaux.
*TAO ZIHUI est journaliste à Beijing Information.