
Vue panoramique du village de Luotuowan, à Fuping (province du Hebei)
HUANG CHENGWEI*
La Chine compte environ 600 000 villages. Parmi eux, les villages de Luotuowan et de Gujiatai dans le district de Fuping dans le Hebei offrent des exemples réussis de lutte contre la pauvreté.
Il y a six ans, ces deux villages étaient difficilement accessibles. Leur économie était sous-développée et leur population démunie. Le revenu annuel moyen par habitant était inférieur à 1 000 yuans. Plus de 80 % de la population vivait dans des maisons en terre et buvait de l’eau de la rivière. De simples routes de terre reliaient ces villages au monde extérieur. La nuit, ils étaient plongés dans l’obscurité totale, ce qui permettait au moins de bien dormir, mais c’était là le seul avantage. En somme, il s’agissait typiquement de villages pauvres.
Du 29 au 30 décembre 2012, le secrétaire général du Comité central du Parti communiste chinois (PCC), Xi Jinping, s’est rendu dans ces deux villages, pour mener une enquête sur l’aide au développement dans cette région connue dans l’histoire pour être une ancienne base révolutionnaire. Il a visité des familles pour être au plus près de la réalité et discuté avec les villageois des mesures visant à éliminer la pauvreté et à s’enrichir. Cette visite a ouvert le prélude à la lutte décisive contre la pauvreté.
La dynamique vient de l’intérieur
Avant 2012, les habitants de ces villages n’avaient ni le courage ni la capacité de faire changer les choses. Suite à l’inspection du secrétaire général Xi Jinping en 2012, les deux villages ont attiré l’attention de tous les acteurs politiques, économiques et sociaux de la province et au-delà. L’afflux soudain de dons a non seulement suscité une mentalité de dépendance chez les villageois, mais a également donné lieu à des compétitions malsaines et un fort mécontentement. Différentes formes d’inspections et d’aides ont éveillé chez certains villageois un désir de s’enrichir. Certains demandaient des faveurs à juste titre, d’autres non.
Au début de la lutte décisive contre la pauvreté, les gouvernements et les départements se sont chargés de tout et ont agi à la place des masses démunies, sans les mobiliser suffisamment. Cela a encouragé certains villageois à « rester les bras croisés » en croyant que l’aide au développement incombait au gouvernement. Mais avec les efforts continus de la lutte contre la pauvreté, les gouvernements locaux, en particulier les équipes de travail dans les villages pauvres, ont réussi à stimuler et à cultiver les forces endogènes des masses dans la lutte contre la pauvreté. Le comité de la cellule du PCC et les comités de villageois ont mobilisé les cadres membres du PCC et les ont incités à prendre des initiatives pour mettre en œuvre des projets d’aide ciblée aux démunis. Grâce à de nombreux efforts, ces deux villages ont progressivement trouvé leur voie de développement. Peu à peu, les villageois ont pu constater l’efficacité des mesures politiques et y ont puisé un certain dynamisme.
Désormais, les habitants ont transféré leur droit d’exploitation des terres cultivables. L’argent résultant de ce transfert, la rémunération issue de leur travail et les dividendes touchées en fin d’année leur ont permis d’augmenter leurs revenus. Encouragés par ces exemples, les populations de ces deux villages ont compris qu’ils devraient à l’avenir compter sur leur propre force pour sortir de la pauvreté.

Cultiver des secteurs compétitifs
Les villages de Luotuowan et de Gujiatai ne possèdent pas beaucoup de terres arables. Le sol est pauvre et, en raison de l’altitude élevée, les températures sont basses. Avant 2012, les revenus des villageois provenaient principalement de la culture de la pomme de terre, du maïs et de petits boulots en ville. Les villages ne possédaient aucune industrie spécifique. Depuis 2013, dans le but d’augmenter les revenus des habitants, le district de Fuping a favorisé la culture des noix puis des jujubes et a développé l’élevage de moutons. Mais ils ont essuyé de nombreuses pertes car ils étaient mal préparés aux exigences du marché, à l’utilisation des technologies et à la maîtrise de la gestion. De nombreux foyers démunis ont investi l’argent obtenu dans le cadre de l’aide au développement pour l’industrie dans des coopératives, mais sans signer d’accords. Seul le responsable de la coopérative avait le dernier mot sur la répartition des dividendes, pas les villageois. Après 2015, ayant tiré les leçons du passé et sous la direction des autorités compétentes du district, les deux villages ont choisi des secteurs correspondant aux attentes du marché et mis en place des alliances industrielles sous la forme « gouvernement + finance + technologie + entreprises + parc industriel + agriculteurs ». Ils ont mis sur pied un système d’exploitation intensive et industrialisée en trouvant une voie réussie d’aide au développement. Je citerai ici cinq mesures importantes.
La première a été de définir trois secteurs principaux de développement. Depuis 2015, le district de Fuping a analysé en détail ses avantages comparatifs en termes de ressources naturelles et autres, renforcé la pertinence des enquêtes et des études par rapport au marché. Après une première mise en culture expérimentale des champs, il a été décidé de développer trois secteurs capables de donner à la fois des résultats immédiats et à plus long terme : les champignons, les arbres fruitiers à haut rendement et le tourisme. Ces trois secteurs, alliés à la fabrication industrielle de valises et à la culture des plantes médicinales, ont permis d’augmenter considérablement les revenus des habitants depuis trois ans.
La deuxième a consisté à introduire la gestion d’entreprise. Le gouvernement du district a adopté la mesure dite de « soutien gouvernemental, gestion comme une entreprise et participation des paysans » pour développer les secteurs des deux villages. Par exemple, dans le secteur des champignons, le gouvernement a investi dans la construction de serres et d’installations auxiliaires via des plates-formes de financement. L’entreprise d’État du district, Fuyu, est chargée du transfert du droit d’exploitation des terres cultivables pour la construction des serres, qui sont ensuite louées aux quatre entreprises privées du district. Les champignons produits sont achetés et vendus par les entreprises privées.
La troisième a été de développer le tourisme en faisant appel à une société d’investissement et de gestion touristique de Beijing, Hanshe, qui coopère avec les principales entreprises et les foyers paysans du district. La société Hanshe est chargée de l’investissement et du marketing, les entreprises du district sont chargées de l’exploitation et de la gestion, les foyers paysans s’occupent des maisons et fournissent la main-d’œuvre. Ce mode d’exploitation caractérisé par la coopération entre le gouvernement, les entreprises et les paysans, a amélioré le niveau de développement, réduit les risques et assuré la rentabilité.
La quatrième a été l’établissement d’un système de soutien technique. Le district coopère avec des instituts de recherche scientifique afin de fournir un soutien technique au développement industriel des deux villages. Le district a financé le recrutement d’experts et de personnel techniques dans les domaines des champignons, des plantes médicinales et des arbres fruitiers, afin de constituer une équipe qui propose des services techniques sur place pendant toute l’année. Les experts ont permis d’améliorer le degré technique des secteurs de développement et la rentabilité des produits, et de promouvoir leur développement scientifique et durable.
La cinquième a été de faire bénéficier la population démunie de ces changements à travers sa participation. Ces secteurs nécessitent une main-d’œuvre importante, en particulier pendant la saison de récolte des champignons. La main-d’œuvre des deux villages étant insuffisante, il a donc été nécessaire d’employer de la main-d’œuvre des villages environnants. Un employé peut gagner 15 000 yuans pour son travail dans une serre au cours de la période de plantation qui dure plus de six mois. En plus du salaire, les villageois peuvent également recevoir une rémunération pour le transfert du droit d’exploitation des terres cultivables et des dividendes à la fin de l’année. Le développement industriel a entraîné une hausse de l’emploi dans les villages, augmenté leur revenu et accru leur popularité. Ce développement a ainsi été complètement intégré aux économies locales, permettant une lutte efficace contre la pauvreté.
L’amélioration continue de la capacité d’administration des villages
Il y a six ans, la pauvreté de ces deux villages était en grande partie due à la faiblesse de leurs équipes dirigeantes et des membres du PCC d’un âge relativement avancé. Les deux comités de village se désunissaient, les organisations du PCC n’arrivaient pas à guider les masses dans la lutte contre la pauvreté et les villageois n’étaient pas unis. Au fil des années, le district de Fuping a aidé ces deux villages en améliorant le niveau de compétence des secrétaires de la cellule du PCC, en envoyant des premiers secrétaires du PCC et des individus qui avaient réussi à s’enrichir. Les capacités d’administration des villages se sont considérablement améliorées. Je terminerai donc par trois actions qui ont été déterminantes à cet égard.
1. Faire jouer leur rôle aux cadres envoyés dans les villages. Au début, les équipes dirigeantes des villages démunis étaient faibles et gangrenées par le laisser-aller, mais le comité du PCC pour la province du Hebei, le comité du PCC pour la municipalité de Baoding et le comité du PCC pour le district de Fuping ont renforcé la sélection des cadres. Le premier secrétaire s’est installé dans le village, a sensibilisé les habitants aux politiques du PCC. Il a mobilisé la population pour chercher des idées de développement pour aider les deux comités de village à mettre en œuvre la politique d’aide au développement.
2. Choisir et renforcer les deux comités de ces villages. Après les élections visant à renouveler les cadres locaux, les deux villages ont renforcé leurs équipes dirigeantes et leur capacité à diriger l’action des habitants contre la pauvreté.
3. S’efforcer d’améliorer la capacité de gouvernance à la base. Les villages ont mis en place un système de gouvernance axé sur la cellule du PCC et s’appuyant sur l’assemblée des villageois, le comité des villageois, le comité de supervision des affaires du village et la coopérative économique du village.
HUANG CHENGWEI : chercheur et directeur du Centre national d’éducation et de communication pour la réduction de la pauvreté, relevant du Bureau du groupe dirigeant de la lutte contre la pauvreté et du développement du Conseil des affaires d’État