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Le miracle chinois : une expérience en matière de lutte contre la pauvreté

2018-10-31 15:57:00 Source:La Chine au présent Auteur:IAN GOLDIN
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Le 5 juillet 2018, dans le bourg de Yifengdian de la ville de Qingdao (province du Shandong),
Meng Qingjian (à gauche) est envoyée pour offrir une aide technique aux cultivateurs.
 
 
IAN GOLDIN*

 

Depuis des décennies, la pauvreté dans le monde ne cesse de reculer : dans les années 1960, environ 50 % de la population mondiale vivait sous le seuil d’extrême pauvreté (moins de 1,90 dollar par jour et par personne) ; aujourd’hui ce chiffre se situe autour de 10 %. La contribution de la Chine à cet égard a été essentielle puisqu’elle est à elle seule responsable de 70 % de la baisse du taux de pauvreté dans le monde au cours de ces 40 dernières années.

 

La réussite de la Chine en matière de réduction de la pauvreté est historique. Depuis 40 ans, le gouvernement chinois s’est engagé dans une campagne pour la réduire avec l’objectif de faire de la Chine, en l’espace d’une génération, un pays à revenu intermédiaire. Les résultats enregistrés marquent un progrès sans précédent dans l’histoire de l’humanité avec un nombre record d’habitants sortis de la pauvreté en un temps record.

 

Depuis la réforme et l’ouverture en 1978, le taux de Chinois vivant sous le seuil d’extrême pauvreté en milieu rural est passé de 97,5 % à 3,1 % selon les dernières estimations, ce qui signifie qu’en 40 ans, plus de 700 millions de personnes rurales sont sorties de l’extrême pauvreté.

 

Cette réussite est le fruit d’une modernisation concertée de l’économie. La part du secteur agricole dans l’emploi a connu une baisse significative, passant de 75 % à moins de 25 % aujourd’hui. Ce sont désormais les secteurs de l’industrie manufacturière, et de plus en plus, des services, qui se taillent la part du lion.

 

Ceci est allé de pair avec un processus d’urbanisation et un engagement en faveur de l’éducation et de la santé pour tous ainsi qu’un accès à l’eau potable et à l’électricité. S’il y a 40 ans, à peine 20 % de la population vivait dans des zones urbaines, aujourd’hui, plus de 60 % des 1,4 milliard de citoyens chinois sont des citadins.

 

L’urbanisation s’est accompagnée d’une augmentation spectaculaire de l’espérance de vie qui a gagné 12 ans et s’élève aujourd’hui à 77 ans. Le revenu moyen a été multiplié par plus de 40, et par plus de 60 après ajustement tenant compte du pouvoir d’achat.

 

L’ambition du gouvernement chinois, telle qu’elle a été annoncée par le président Xi Jinping lors du Forum de haut niveau pour la réduction de la pauvreté et le développement en 2015, est d’éliminer l’extrême pauvreté en Chine d’ici 2020. Compte tenu de l’extraordinaire réussite économique de la Chine, cet objectif apparaît tout à fait réaliste.

 

Comment la Chine est-elle parvenue à une telle réussite et quel enseignement les pays en développement peuvent-ils tirer de la réduction de la pauvreté en Chine ?

 

La clé de la réussite chinoise tient dans le fait que la forte croissance économique a été accompagnée, dès la mise en place dans les années 1970 des réformes du marché, de l’instauration de politiques de développement fermes visant spécifiquement la réduction de la pauvreté.

 

Selon l’OCDE, les principaux facteurs qui ont permis l’élimination quasi totale de la pauvreté sont la poursuite d’une politique axée sur le développement ainsi que la construction d’un consensus national. Ceci implique une exécution rigoureuse des mesures de développement et des politiques sociales, un système uniformisé d’évaluation des politiques ainsi qu’un effort concerté de la part des secteurs public et privé, motivé par un engagement national fédérateur envers des objectifs communs.

 

La définition des objectifs de développement précis et la création d’un élan fédérant l’ensemble de la population, y compris le secteur privé et le secteur public, ont joué un rôle essentiel dans la stratégie chinoise de réduction de la pauvreté, ce qui deviendrait un modèle pour les pays en développement dans leur lutte contre la pauvreté.

 

Sans une mise en œuvre cohérente et efficace de telles politiques, la réalisation d’objectifs aussi ambitieux n’aurait pas été possible.

 

La façon dont la Chine a conduit à l’essai ses politiques de développement, les élargissant à l’ensemble du pays lorsqu’elles étaient concluantes ou les supprimant lorsqu’elles se révélaient improductives, en suivant un processus d’apprentissage dynamique extrêmement efficace, est tout à fait unique.

 

Depuis que la Chine s’est engagée dans un effort de réduction de la pauvreté, elle s’est toujours appuyée sur les essais et les expérimentations politiques : l’efficacité des politiques, d’abord menées à des échelles locales, a été attestée de façon empirique. Ces politiques ont ensuite pu être appliquées à l’échelle nationale grâce à un contrôle strict et à un système de rotation des fonctionnaires sur l’ensemble du territoire.

 

L’introduction, à la fin des années 1970, de la propriété foncière, qui a permis de stimuler la productivité agricole, est, par exemple, le résultat de l’expérience fructueuse du « système de responsabilité forfaitaire pratiqué au niveau du foyer » qui avait été mené à l’échelle d’un village.

 

La conduite d’expériences soigneusement planifiées, un contrôle rapproché des résultats, des ajustements réguliers à travers la mise à l’essai et enfin l’application des mesures à des zones plus étendues en fonction des conclusions tirées de la pratique ont toujours constitué les grandes lignes de la stratégie chinoise de réduction de la pauvreté.

 

Le plus précieux enseignement que la Chine nous apporte est de combiner un engagement profond et de large envergure à l’égard des objectifs poursuivis et un processus d’apprentissage par la pratique.

 

Les mesures politiques ont été financées d’une part par des investissements publics dans les infrastructures et dans l’innovation technologique, et d’autre part par des ressources et des investissements internationaux qui ont été utilisés de manière responsable et qui ont facilité la transmission, la transformation et l’adaptation des pratiques internationales les plus réussies.

 

Cette remarquable ouverture d’esprit qui consiste à analyser les expériences internationales et à rester ouvert à l’adaptation et à la mise en place de changements, en consultation avec les communautés locales, est d’ailleurs une autre référence essentielle que l’expérience chinoise nous enseigne.

 

Les premiers efforts menés par les institutions en vue de réduire la pauvreté ont rapidement débouché sur une création massive d’emplois puisque les investissements privés et publics ainsi que la construction de réseaux de transports et d’infrastructures de communication ont permis de créer de nouveaux emplois et de réorienter les travailleurs vers les secteurs productifs de l’industrie manufacturière et des services.

 

Aujourd’hui, plus de 90 % des emplois et 70 % du PIB proviennent du secteur privé.

 

Cela n’aurait pas été possible sans la création d’un remarquable réseau d’institutions éducatives, sociales et de recherche, et d’un vaste réseau de transport et de communication. En créant cette structure solide, le gouvernement chinois a offert aux citoyens les plus pauvres un tremplin leur permettant de sortir par eux-mêmes de la pauvreté, en leur insufflant le sens des responsabilités et en leur donnant accès à des ressources éducatives et technologiques. Dans ce processus, l’indépendance, que ce soit au niveau individuel, communautaire ou national, a constitué une priorité, ce qui est inédit pour un pays en développement.

 

Le phénomène de croissance chinoise, aussi impressionnant soit-il, comporte aussi des limites : en particulier, l’impact environnemental d’une croissance aussi rapide qui a débouché sur la nécessité de limiter la consommation d’eau et d’énergies et de résoudre les problèmes de pollution et de dépendance aux énergies fossiles.

 

Le gouvernement reconnaît ces défis et les a intégrés à son objectif d’éliminer l’extrême pauvreté d’ici 2020.

 

La Chine ne s’est pas seulement imposée comme une puissance économique internationale, elle a également accepté d’assumer son rôle dans la gouvernance internationale. Au-delà de sa détermination à s’ajuster aux standards environnementaux internationaux et à assumer son rôle de leader dans la lutte contre le changement climatique, elle joue également un rôle de plus en plus important dans l’éradication de la pauvreté à l’échelle mondiale.

 

Les investissements chinois sont dirigés vers le continent africain et représentent une aide et une contribution non négligeable au développement des infrastructures de transport, de communication et de développement du marché. Le rôle majeur joué par la Chine dans l’établissement de la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures, de la Nouvelle banque de développement et de l’initiative « la Ceinture et la Route » reflètent sa volonté d’élargir son engagement envers un développement partagé à l’échelle du monde.

 

Au cours des 40 dernières années, la Chine a prouvé que l’on pouvait venir à bout du fléau de la pauvreté. L’expérience chinoise offre des références essentielles qui démontrent qu’avec suffisamment de volonté, les Objectifs de développement durable fixés dans le cadre de l’ONU peuvent être atteints. Alors que la Chine continue ses efforts pour éliminer l’extrême pauvreté au sein de ses frontières et améliorer le niveau de vie de ses citoyens, sa réussite dans ces domaines sera renforcée par sa détermination à faire de la durabilité environnementale une priorité et par ses efforts redoublés en vue d’éradiquer la pauvreté dans le monde et de contribuer à la construction d’un avenir commun plus sûr et durable.
 
 

*IAN GOLDIN est professeur en mondialisation et développement à l’université d’Oxford. 

 

Article publié initialement le 15 août 2018 sur China Watch 

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