L'uvre du chirurgien québécois
Jean Couture inspire un documentaire sur la rencontre des médecines
occidentale et chinoise
Sous la plume de Jean Haman, le magazine de l'université
Laval présente l'histoire de cet homme qui vient d'inspirer
un documentaire.
C'est après avoir pris sa retraite que le médecin
québécois Jean Couture découvre une nouvelle
passion: la coopération internationale. Il ouvre un programme
de lutte contre le cancer en Chine avec la création de l'Unité
d'oncologie Bethune-Laval. Un film présente l'approche préconisée,
favorisant la rencontre de deux cultures médicales.
Lorsque Jean Couture s'est rendu dans ce pays pour la première
fois au début des années 1990, il a été
sidéré par ce qu'il y a découvert. " Dans
environ 70 % des cas, les gens se présentaient à l'hôpital
avec un cancer tellement avancé qu'on ne pouvait plus rien
pour eux. Je revivais là-bas les mêmes frustrations
que j'avais connues ici quand j'ai commencé à pratiquer
la médecine en 1954. Il fallait aider les Chinois à
combler rapidement ce retard d'un demi-siècle. "
Diplômé de la Faculté de médecine en
1949, professeur depuis 1954, directeur du Département de
chirurgie de 1981 à 1989 et professeur émérite
toujours actif, Jean Couture n'est pas tombé dans la coopération
internationale quand il était petit. Il lui a fallu attendre
l'heure de la retraite pour découvrir cette passion qu'il
qualifie de " la chose la plus extraordinaire qui soit arrivée
dans ma carrière ". En 1987, deux chercheurs chinois
en séjour à Québec lui suggèrent de
créer un programme de stages entre l'Université Laval
et un hôpital de Changchun affilié à l'Université
Norman Bethune, dans la province du Jilin. Petit à petit,
l'idée fait son chemin. En 1990, Jean Couture convainc l'ACDI
d'investir 500 000 $ dans la création, à Changchun,
d'une unité d'oncologie semblable à celle de l'hôpital
du Saint-Sacrement.
La première phase de ce projet consistait à former
du personnel capable d'utiliser les connaissances de la médecine
moderne pour soigner les cancéreux. Le chirurgien persuade
alors une vingtaine de personnes de l'hôpital du Saint-Sacrement,
de l'Hôtel-Dieu de Québec et de l'hôpital Laval,
dont plusieurs professeurs de la Faculté de médecine,
de participer à la formation de stagiaires. Au cours des
années qui suivent, ils accueillent et forment 45 médecins,
infirmières et épidémiologistes chinois qui
retournent ensuite pratiquer à l'Unité d'oncologie
Bethune-Laval de Changchun. L'appellation de cette unité
associe le nom de l'Université à celui du grand médecin
canadien Norman Bethune, qui s'est rendu en Chine pendant la révolution
pour soigner des blessés et former des médecins.
Par la suite, Jean Couture supervise la mise sur pied d'un programme
de soins palliatifs, comprenant une " salle de sollicitude
affectueuse ", qui permet aux patients de " vivre avec
dignité les derniers jours de leur vie et de quitter ce monde
dans une ambiance sereine ". Puis, en collaboration avec la
Société canadienne du cancer, l'Unité a lancé
une campagne de prévention contre le cancer qui met en vedette
Mark Rowswell, un humoriste canadien qui fait un tabac en Chine.
En dix ans, l'Unité d'oncologie Bethune-Laval a traité
des milliers de Chinois atteints de cancer. Pour le bien des malades,
la médecine occidentale a ainsi mis le pied dans un hôpital
où prévaut la médecine traditionnelle chinoise.
Le cinéaste Edgar Soldevilla est allé voir comment
les médecines occidentale et chinoise cohabitent dans ce
corps étranger qui se développe au sein d'un organisme
chinois. Dans son documentaire de 52 minutes, intitulé Dans
l'esprit de Norman Bethune, le cinéaste aborde la question
de la déshumanisation des soins dans la médecine occidentale
et du risque d'évacuer la spécificité de la
médecine chinoise - les soins de l'âme - du traitement
des malades.
Par le biais des témoignages de Jean Couture, de son collègue
chinois Liu Guoqin, d'anthropologues médicaux - dont Serge
Genest, de l'Université Laval -, de patients et du personnel
de l'Unité oncologique, Edgar Soldevilla montre comment l'approche
préconisée à l'Unité d'oncologie Bethune-Laval
favorise une rencontre féconde des deux cultures médicales.
Dans les dernières secondes du documentaire, Jean Couture
compare le modèle développé à l'Unité
d'oncologie Bethune-Laval à " une goutte d'eau qui pourrait
faire boule de neige ". Le modèle a déjà
été repris dans deux autres villes chinoises et il
est question de l'exporter vers d'autres régions de ce pays.
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