Reportage spécial

WANG SONG

 Dans la conjoncture économique internationale actuelle, la Chine a réalisé que son seul espoir de croissance à long terme réside dans la création d’une demande intérieure plus forte. Malgré des obstacles évidents, le pays met tout en œuvre pour réaliser cet objectif.

 ACCROÎTRE la demande intérieure a été défini comme une priorité du XIIe Plan quinquennal de la Chine (2011-2015), et tout un chapitre distinct y est consacré. C'est la première fois que cet objectif est mis en exergue dans le Plan de développement national qui est établi tous les cinq ans. Celui-ci prévoit un mécanisme à long terme pour stimuler la demande intérieure afin de parvenir à un modèle de croissance équilibré qui repose sur une synergie entre la consommation intérieure, les investissements et les exportations. Cela fait écho à un autre objectif du Plan: permettre à plus de gens de participer au partage équitable des fruits du développement et de la réforme du pays.

 Un choix unique : renforcer la demande intérieure

Consommation, investissements et exportations forment le trio qui propulse l'économie nationale, mais les deux premiers aspects sont liés à la demande intérieure qui a toujours été à la traîne au sein de l’économie. La part de la consommation des habitants dans le PIB chinois est en baisse constante depuis les dix dernières années. Elle est estimée actuellement à environ 36 %, soit une baisse de 15 % par rapport au niveau de 1990. Ce même taux est proche de 60 % en Inde et au Japon, et dépasse 70 % aux États-Unis.

L'exportation a longtemps été le moteur le plus important de la croissance de la Chine, mais depuis le début de la crise financière mondiale, les économies les plus développées de la planète sont plongées dans la tourmente, la demande autrefois insatiable des marchés internationaux a connu une forte contraction. Malgré une lueur d'espoir ces derniers mois, la tendance à la reprise est fragile, anéantissant l'espoir d'un retour immédiat des commandes étrangères à un niveau d'avant la crise.

« Une augmentation de la demande intérieure est le choix que la Chine doit inévitablement faire pour répondre aux changements de la structure économique mondiale, a déclaré Li Zuojun du Centre de recherche sur le développement du Conseil des affaires d’État. L'économie mondiale devrait stagner au cours des deux ou trois prochaines années. Le modèle traditionnel de la Chine de partager les avantages de la mondialisation économique n'est plus d'actualité. Notre seul espoir pour l'avenir est une demande intérieure plus forte. »

Le changement est censé avoir des répercussions non seulement au niveau intérieur, mais aussi mondial. L'immense population de la Chine et son énorme potentiel d'achat sont loin d'avoir été pleinement mis en valeur, et ils constituent la plus grande marge de croissance pour les entreprises étrangères en ce qui concerne la fabrication et l'exportation. « Si la Chine peut stimuler efficacement la consommation et accroître la demande intérieure, le pays sera en mesure d'élever son influence et son initiative dans les affaires économiques internationales », a déclaré l’économiste Zhang Xiaojing, de l'Académie des sciences sociales de Chine (ASSC).

 Les obstacles à surmonter

Deux obstacles majeurs se dressent face au projet de stimulation du marché intérieur : un mécanisme défectueux de distribution des richesses et un système de sécurité sociale qui est encore loin d'être universel. Lors d’une conférence de presse de la session 2011 de la Conférence politique consultative du peuple chinois (CCPPC) en mars dernier, Li Deshui, membre de la CCPPC et ancien chef du Bureau national des statistiques, a déclaré que son étude sur le PIB, les recettes, les exportations, les immobilisations, la consommation finale, la rentabilité des entreprises et l'équilibre des revenus entre résidants urbains et ruraux de la Chine, montre que de tous ces indices économiques, ce sont les revenus des habitants qui ont connu la plus faible augmentation au cours des dix dernières années, et que la consommation finale se situe à l'avant-dernier rang du classement. Cela signifie que le mécanisme de distribution donne la part du lion du surplus aux sociétés, sous forme de bénéfices, et aux coffres du gouvernement, sous forme de revenus.

Malgré la minceur de leur portefeuille, les familles chinoises doivent affronter la flambée des coûts de l'éducation, du logement et des services médicaux. Ils sont de plus confrontés à l'incertitude d'une retraite qui dépend d'un système de sécurité sociale balbutiant et de qualité inégale.
Cela explique pourquoi les Chinois épargnent autant, mettant de côté chaque centime en préparation des mauvais jours. Le désir d'achat est là, mais il est refroidi par la prudence.

« L'énorme potentiel de consommation ne s’est pas encore transformé en un développement économique durable », a exprimé Ye Jinsheng, un autre membre de la CCPPC. Selon lui, au cours de la période du XIIe Plan quinquennal, on devrait grandement améliorer le système de sécurité sociale et accroître sa couverture et sa puissance. En complément, un système sain et viable de fonds de pension devrait être établi, car il est impératif de soulager la population de l'écrasant poids des coûts de l'éducation, du logement et des soins médicaux, raisons principales expliquant que le citoyen moyen met de côté son revenu disponible.

Pensant cette période de cinq ans, la Chine cherchera à accroître simultanément les revenus des habitants et le développement économique, et à améliorer par étapes la rémunération du travail, tout en faisant progresser l'efficacité de la production. Le résultat sera une r
éduction du nombre de personnes qui vivotent avec de faibles revenus et un  élargissement du groupe de gens à revenus moyens. L'augmentation des dépenses du gouvernement affectées aux services publics permettra d'augmenter le niveau de vie des habitants. Les mesures spécifiques mentionnées dans le XIIe Plan quinquennal sont de maintenir les prix à un niveau stable, de renforcer le secteur des services et de soutenir les PME dans la création d'emplois. Perfectionner le mécanisme de répartition et de redistribution des richesses et élaborer des politiques pour stimuler la consommation intérieure sont aussi sur la liste.

  Le rôle essentiel du marché rural

Considérant sa vaste campagne comme une immense réserve de pouvoir d'achat, la Chine ne veut pas ménager ses efforts pour promouvoir en particulier un robuste marché rural et une accélération de l'urbanisation et de l'industrialisation.

Li Deshui convient que les zones rurales constituent une sorte de ligne de front qui délimite là où la demande intérieure profite encore d’une large marge de progression. Au cours de la dernière décennie, l'écart des revenus entre résidants urbains et ruraux en Chine a continué de se creuser. Un rapport du Bureau national des statistiques révèle qu'en 2010, le revenu net par habitant d'un paysan chinois s'élevait à 5 919 yuans par an, et que celui d'un citadin atteignait 19 109 yuans pendant la même période. La population rurale de la Chine étant de plus de 800 millions, ses faibles revenus et niveaux de consommation entravent de manière significative la croissance de la consommation nationale.

Lors d'un débat au cours de la session 2011 de la CCPPC, M. Qian Keming, directeur général du Département du marché et des informations économiques du ministère de l'Agriculture, a rappelé aux participants que ces résidants ruraux représentent les deux tiers de la population chinoise, mais ne comptent que pour un tiers seulement de la consommation nationale totale, et que leur pouvoir d'achat a par conséquent 10 à 15 ans de retard sur celui de leurs concitoyens habitant en ville.

Pour inverser cette situation, il a suggéré d’agir sur au moins six points : construire une industrie agricole moderne; introduire plus de mesures préférentielles pour l’agriculture et les paysans, y compris celles qui permettraient une hausse rationnelle des prix; continuer l'urbanisation et la construction d'une nouvelle campagne; envisager de nouvelles réformes du système de propriété des terres rurales et de nouvelles sources de revenu pour les familles rurales; renforcer la sécurité sociale dans les campagnes; et enfin surveiller de près la situation actuelle pour chercher des solutions aux nouveaux problèmes.

« À chaque moment critique de son histoire, le Parti communiste chinois se tourne vers la campagne, qui est toujours en quelque sorte au cœur des solutions viables aux problèmes de la nation », a déclaré Li Deshui, faisant référence aux bastions communistes de l'arrière-pays dans les années 1930 et 1940 et au système de responsabilité forfaitaire des terres par les ménages de la fin des années 1970 qui ont permis l'ouverture et le réformes de toute une nation. Les changements qui y ont pris racine ont donné vie à la Chine d'aujourd'hui. « En temps de crise économique, lorsque l'issue de secours réside dans une demande intérieure plus forte et un modèle de croissance raisonnable, nous devons une fois de plus nous tourner vers les zones rurales à la recherche de sources d’un renouveau économique. »

 

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Rédaction : 24, rue Baiwanzhuang, Beijing 100037, Chine
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