Au pays de lenfant unique, les mentalités
sont en train de changer. Après des années
de laissez-faire en matière de procréation,
une politique de planning familial a été
lancée dans les années 1970 pour
freiner la démographie galopante du pays.
Actuellement, la Chine vit une autre période
de transition. De plus en plus de couples décident
deux-mêmes de ne pas avoir denfant,
ce qui entraîne une chute considérable
de la natalité. Examen de cette évolution
et de ses répercussions à partir
détudes et dexemples tirés
de la vie de lauteur, une spécialiste
en affaires matrimoniales et familiales.
CHEN XINXIN
AVANT la mise en vigueur de la politique de
planning familial, les naissances étaient
laissées au bon gré de la nature
: une fois enceintes, les femmes donnaient inévitablement
naissance et utilisaient rarement la contraception.
Dans ce contexte, il ny avait que la dissolution
du couple et lincapacité davoir
un enfant qui permettaient de limiter les naissances.
Cest ainsi quavant les années
1970, lindice synthétique de fécondité
en Chine (nombre moyen denfants auxquels
donne naissance une femme en âge de procréer)
était denviron 6,0.
Prenons lexemple de ma famille. Jai
trois frères et surs qui sont nés
entre 1949 et 1958, et chacun de nous na
quun enfant. Aucun des quatre ne sest
marié jeune et nous avons été
parents assez tardivement. Nés entre
1977 et 1996, la majorité de nos enfants
accordent de limportance au mariage et
à la venue tardive dun enfant ;
certains même ne veulent pas en avoir.
Parmi mes parents et amis, jai remarqué
aussi un désir croissant de décider
eux-mêmes davoir ou non un enfant.
Au lieu dêtre simplement un moyen
de transmettre ses gènes et dassurer
la multiplication de lespèce, la
naissance est une affaire qui se décide
en tenant compte de nombreux facteurs. Ne pas
avoir denfant est donc devenu un choix
de vie.
Selon les différentes enquêtes
sur le taux de fécondité, en 1979,
lindice synthétique de fécondité
dans les régions urbaines a baissé
au-dessous de 1,5, et depuis 1984, il est inférieur
à 1,3 (sauf 1989-1990). Dans les grandes
métropoles, telles que Shanghai et Beijing,
il y a longtemps que le taux de fécondité
a atteint un niveau extrêmement bas :
Shanghai, en 1974 et Beijing en 1990. En outre,
ces deux villes, tout comme Hong Kong et Macao,
font partie des régions du monde qui
ont le taux de fécondité le plus
faible. Depuis 2000, aussi bien à Shanghai
quà Beijing, lindice synthétique
de fécondité est inférieur
à 1,0. Dans les régions urbaines
chinoises, alors quauparavant il assurait
le remplacement des générations,
le taux de fécondité est tombé
extrêmement bas rien quen une décennie.
Dans lensemble du pays, la politique de
planning familial a permis déviter
400 millions de naissances, ce qui a considérablement
allégé la pression due à
la croissance démographique galopante
que connaissait la Chine.
Différences entre les villes et les
campagnes
Sil y a eu chute du taux de natalité,
cest grâce au planning familial
mis en vigueur dans les années 1970.
À cette époque, je servais dans
larmée. Je me suis mariée
à 27 ans, et un an plus tard, jai
eu mon seul enfant. Il en a été
à peu près de même pour
mes collègues. Comme nous étions
tous occupés à travailler et que
nous avions un revenu relativement stable, nous
ne nous faisions pas trop de soucis pour notre
vieillesse. De plus, avoir un seul enfant pouvait
alléger beaucoup de charges. Il faut
dire aussi que les militaires considèrent
comme sacrée lobéissance
aux intérêts de lÉtat,
même en laissant de côté
leur propre intérêt. Notre enfant
est maintenant en âge de se marier et
davoir un enfant, mais il hésite
à le faire. Contrairement à nous
qui tenons compte des intérêts
de lÉtat, les membres de la jeune
génération cherchent plutôt
à ce que la situation leur convienne.
En fin de compte, leur désir de donner
naissance est très rationnel et ils sont
maîtres de leur destinée.
Au début de la mise en application de
la politique de planning familial, les paysans
étaient relativement passifs. Sans sécurité
sociale, ils travaillaient aux champs et dépendaient
de leurs fils au moment de leur vieillesse.
Conséquence : avoir un fils était
très important. Ils espéraient
autant avoir une fille quun garçon,
mais ce quils craignaient le plus, cétait
de navoir que des filles. Le cas échéant,
ils préféreraient abandonner la
fille dès sa naissance ou choisir lavortement,
plutôt que de se résigner à
ne pas avoir de « descendant » (dans
la mentalité de certains, seul un fils
est considéré comme un descendant).
Dans ce contexte, dans les décennies
1970 et 1980, on a eu recours à la contrainte
pour faire diminuer la natalité dans
les régions rurales, ce qui a engendré
des conflits entre la population et les cadres,
sans parler de limage négative
au plan international et du ratio déséquilibré
entre le nombre de filles et de garçons.
Au fur et à mesure de lapplication
de règlements moins sévères
(par exemple, les paysans peuvent avoir un deuxième
enfant quatre ans après la naissance
du premier), le travail de limitation des naissances
à la campagne a affronté moins
dobstacles. Au cours de notre enquête
dans les régions rurales, nous avons
constaté quà condition que
la sécurité sociale soit garantie,
les paysans sont eux aussi disposés à
avoir moins denfants pour aider la production.
Ne pas vouloir denfant
Autrefois, comme nous nous préoccupions
de la surpopulation, le pays a adopté
une attitude complaisante et a encouragé
les gens à ne pas avoir denfant.
À cette époque, de nombreux jeunes
ont aussi accepté ce fait. Ils sont parvenus
à une identité de vues : ne pas
avoir denfant, lavoir tardivement
ou en avoir moins.
Tout récemment, lune de mes anciennes
compagnes détudes est venue se
plaindre à moi en disant que sa belle-fille
ne veut pas avoir denfant pour les raisons
suivantes : appartement trop petit; faible revenu
qui nassurerait pas de bonnes conditions
de vie et déducation pour lenfant;
et concurrence acharnée qui rendrait
difficile léventuelle intégration
de lenfant sur le marché du travail.
Sa belle-fille craint également que lenfant
puisse causer des problèmes aux grands-parents
et alourdisse le fardeau du pays. Cette compagne
détudes na pas réussi
à persuader sa belle-fille et elle ne
peut sengager financièrement. Comme
elle a pris sa retraite et est inactive, elle
sent toutefois le besoin davoir un petit-fils
ou une petite-fille pour combler son vide émotif.
De plus, elle sinquiète que sa
famille nait pas de descendant.
Son souci est bien typique. En fait, le phénomène
de lenfant unique cause de nombreux problèmes.
Dans léventualité dépreuves
maladie grave, mort subite, handicaps
ou meurtre , la famille peut subir un
coup mortel. Lors du séisme du Sichuan
lannée dernière, de nombreux
parents ont perdu leur enfant. Étant
donné que pour certains dentre
eux, ils ont passé lâge de
procréer, la politique de lenfant
unique leur est encore plus pénalisante.
En matière de rajustement de la population,
le fait de ne pas avoir denfant peut avoir
des effets négatifs, tout comme celui
den avoir trop. Si le choix de ne pas
avoir denfant devait persister chez beaucoup
de couples dun pays, il pourrait entraîner
le déclin, voir la perte de ce pays.
Le Pr Yuan Xin du Centre de recherche sur la
population et le développement, relevant
de luniversité Nankai, émet
lavis suivant : « Si lindice
synthétique de fécondité
sétait maintenu à 1,46 (niveau
permis par la politique en vigueur en 2000),
en lan 2300, la population chinoise aurait
été de 75 millions dhabitants;
sil avait été de 1,30, elle
aurait été de 28 millions. Si
la croissance négative, même si
elle était minime, devait durer pour
une période assez longue, ce serait catastrophique
pour lhumanité. » Daprès
moi, toute politique doit avoir une conscience
prophétique, et ce serait dangereux daller
trop loin en sens inverse pour corriger une
déviation.
Recherche active de contre-mesures
Au petit matin du 6 janvier 2005, la population
chinoise a atteint 1,3 milliard dhabitants.
Selon les prévisions des experts, dans
40 ans, elle plafonnera à 1,6 milliard,
avant de diminuer lentement.
Les principales préoccupations qui suscitent
de vives discussions sont les suivantes : Quel
est le véritable taux de natalité
en Chine? À quel niveau doit-il se maintenir
pour favoriser un développement durable
de la population chinoise? Laugmentation
continue du ratio hommes/femmes mérite
lattention, car ce déséquilibre
entraîne de nombreux problèmes
sociaux et familiaux. Il existe également
dautres problèmes, notamment le
vieillissement de la société et
la structure démographique en pyramide
inversée dite « 4-2-1 » (grands-parents/parents/enfant).
En ce qui concerne les contre-mesures, je pense
que le gouvernement chinois espère maintenir
un faible taux de natalité, mais tout
de même pas trop faible. Selon Zhang Weiqing,
directeur de la Commission nationale de la population
et de la planification familiale, on estime
quen Chine, lindice synthétique
de fécondité varie actuellement
de 1,7 à 1,8, et le pays sefforcera
de maintenir cette situation afin datténuer
la surpopulation. Toutefois, beaucoup dexperts
jugent que le taux actuel est inférieur
à cette estimation, de sorte quils
ont lancé un appel pour quà
partir de 2015, les gens puissent avoir un deuxième
enfant, notamment les couples dont les deux
sont enfants uniques.
Quant à la génération
post-1980 qui ne semble pas intéressée
à avoir denfant, il faut aider
ses membres à surmonter leurs blocages
psychologiques. Avoir un enfant est très
important, autant pour la femme que pour la
famille. Lenfant peut resserrer les liens
au sein dun couple et avoir eu un enfant
permet aux gens dêtre plus mûrs
et responsables envers la société
et la famille. De plus, un enfant na pas
nécessairement besoin davoir une
vie très fortunée, car les épreuves
et les difficultés ne sont rien dautre
quun tremplin pouvant le mener à
la réussite. Une éducation appropriée
est plus profitable que la richesse matérielle.
Par ailleurs, le déséquilibre
entre le nombre dhommes et de femmes ne
constitue pas la cause principale de linstabilité
dun mariage. Dautres facteurs, entre
autres ceux liés à léconomie,
au lieu dorigine, à la culture
et aux différences entre la ville et
la campagne, sont des éléments
de base qui rendent difficile de conclure un
mariage durable. La ville regorge de femmes
célibataires col blanc qui préfèrent
leur célibat au fait dépouser
un millionnaire de la campagne. Ce sont des
éléments difficilement contrôlables.
Le couple nest quun idéal;
quon le veuille ou non, le célibat
deviendra un mode de vie choisi par beaucoup
de personnes. Les divers problèmes qui
en résultent devront donc être
résolus en ayant recours à différents
moyens.
La Chine compte actuellement 140 millions de
personnes âgées de 60 ans et plus,
et ce nombre tend à augmenter. Avec lamélioration
du niveau de vie, lespérance de
vie a elle aussi augmenté. Daprès
les chiffres fournis le 2 juillet 2007 par Li
Bengong, directeur adjoint permanent du Bureau
de la Commission nationale de Chine pour la
population vieillissante, lespérance
de vie est aujourdhui de 72 ans à
lintérieur du pays, alors quelle
nétait que de 40 ans au début
des années 1950.
De 1990 à 2000, le nombre de Chinois
centenaires est passé de 6 681 à
17 877, et en 2008, ils étaient près
de 30 000. La forte augmentation de la population
âgée est non seulement due aux
percées accomplies en médecine
et en biotechnologie dans le domaine de la prévention
de la sénilité, mais aussi du
progrès social et de lamélioration
du niveau de vie.
Les personnes âgées doivent sefforcer
délever leur qualité de
vie et daccomplir des travaux à
la mesure de leurs forces. De son côté,
la société doit être active
à créer des conditions pour que
ces personnes puissent mettre leurs énergies
en valeur.
La structure démographique en forme
de pyramide inversée représente
une population vieillissante, donc la difficulté
de prendre soin des personnes âgées.
Lenfant unique risque dêtre
trop gâté. Sil ne reçoit
pas une éducation adéquate, il
est également susceptible dêtre
égoïste, capricieux, antisocial,
imbu de lui-même, arrogant et peu en mesure
de se débrouiller dans la vie. Il risque
aussi davoir de la difficulté à
sadapter au monde hors de la famille,
à établir un mariage harmonieux
et à assumer des responsabilités
familiales. La majorité des membres de
la génération post-1980 sont des
enfants uniques. Or, ils sont aussi ceux qui
prendront la relève pour édifier
le pays et assurer le bonheur dune famille.
Dans ce contexte, leurs parents et la société
doivent attacher une grande importance à
leur formation et à leur éducation
pour quils puissent acquérir de
la maturité le plus tôt possible
et assumer la responsabilité que leur
impose lhistoire.
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