XIN XIN
En Chine, la tradition du respect des parents
et du culte des ancêtres a toujours pesé
lourd dans la décision davoir des
enfants. Aperçu des diverses répercussions
de cette tradition.
LA Chine a toujours accordé de limportance
à sa démographie. Au XXIe siècle
avant Jésus-Christ, des statistiques
de recensement existaient déjà
et elles figurent parmi les statistiques les
plus anciennes dans le monde. Le pays comptait
alors 13 millions dhabitants. Pendant
les périodes des Printemps et Automnes
(770 476 av. J.-C.) et des Royaumes combattants
(475 221 av. J.-C.), la philosophie sest
beaucoup développée, et presque
tous les philosophes célèbres
ont alors exprimé leurs points de vue
sur la procréation et sur la question
démographique. Dans lensemble,
la tradition encourageait les gens à
avoir plus denfants que lon disait
être le gage dun plus grand bonheur.
Une obligation envers les parents et les ancêtres
Au lieu dêtre liée à
la religion comme dans la société
occidentale, la conception des Chinois sur le
sexe et la procréation est liée
à la famille et au clan. Dans la société
traditionnelle chinoise, les ancêtres
étaient comme des dieux protecteurs de
la prospérité et de la continuité
du clan. Cest ainsi que chaque famille
devait installer les tablettes des ancêtres
dans la maison, et que chaque clan devait posséder
son propre temple des ancêtres pour les
commémorer. Pour les Chinois dautrefois,
avoir des descendants était la priorité
de leur vie et une obligation envers les ancêtres
et les parents. Le mariage avait pour but de
perpétuer la lignée familiale.
Le mari avait même le droit de divorcer
si sa femme navait pas donné naissance
à un enfant avant davoir 50 ans.
Selon lancienne éthique chinoise,
le respect envers les parents (ou piété
filiale) constituait la vertu primordiale, et
cette vertu exigeait de perpétuer la
famille. Selon les Chinois de lAntiquité,
trois situations constituaient des manquements
à la piété filiale : désobéir
aux parents; ne pas soccuper des parents
âgés; et ne pas avoir denfant,
ce qui signifiait navoir personne pour
offrir un sacrifice aux ancêtres. Cest
ce manquement qui était le plus critiqué.
Pour avoir une vieillesse paisible et être
en mesure de vénérer les ancêtres,
il fallait donc avoir au moins un enfant.
Toujours selon la tradition, les Chinois devaient
se marier assez jeunes. Des documents de lAntiquité
sur la médecine traditionnelle proposent
que les jeunes garçons de 16 ans et les
filles de 14 ans se marient, parce quà
cet âge, ils ont atteint la maturité
sexuelle. Dans la Chine antique, le gouvernement
imposait même un âge avant lequel
les jeunes gens étaient obligés
de se marier. Par exemple, un empereur de la
dynastie des Han (206 av. J.-C. 220)
a ordonné, un jour, que les familles
ayant des filles célibataires âgées
de 30 ans paient à lÉtat
une taxe cinq fois supérieure à
celle payée par les autres familles.
Dans une économie agricole, vu quun
homme peut assumer un travail physique plus
lourd et perpétuer la lignée,
chaque famille souhaite donc avoir plus de fils
que de filles. Les Chinois pensaient donc quavoir
plus denfants, cétait avoir
plus de bonheur. Ils disaient : « Si lon
a des fils, les jours de misère ne dureront
pas longtemps; sans aucun fils, la fortune ne
restera pas longtemps. » Dans la société
traditionnelle, une femme habitait chez son
mari après le mariage, et quand elle
était vieille, elle devait habiter chez
son fils. Dans lAntiquité, pour
faire prévaloir le respect envers les
parents, si un criminel avait une mère
octogénaire ayant besoin de soins, la
peine à purger pouvait être moins
sévère.
La façon dont les Chinois dautrefois
concevaient le sexe était relativement
simple et permettait davoir plus denfants.
Daprès Confucius, le sexe, cest
comme manger; cest un besoin naturel des
humains.
Une population nombreuse, le symbole dun
grand pays
Dans lAntiquité, lespérance
de vie et le taux de survie des nouveau-nés
étaient faibles par rapport à
aujourdhui. Les catastrophes comme les
guerres, les épidémies et les
famines décimaient souvent la population.
Dans ce contexte, la démographie jouait
un rôle très important dans le
développement social et la prospérité
du pays. On ne sinquiétait pas
dune étendue moindre de territoire,
mais plutôt de la situation démographique.
Les gouvernements de lépoque considéraient
donc laccroissement de la population comme
une affaire dÉtat. Si un pays comptait
une population nombreuse, le gouvernement pouvait
percevoir plus de taxes et la puissance du pays
en serait certainement renforcée. Cela
explique pourquoi la plupart des dynasties ont
toujours pratiqué une politique dencouragement
à la natalité.
Par exemple, au début de la dynastie
des Han, après des années de guerre,
le pays ne comptait que 14 millions dhabitants.
Gaozu, premier empereur de cette dynastie, mit
alors en place une politique incitative en vertu
de laquelle chaque famille serait exemptée
de deux années de corvée chaque
fois quelle aurait un enfant. Sous les
dynasties des Tang (618-907) et des Ming (1368-1644),
des politiques similaires ont aussi été
appliquées.
De telles mesures ont engendré une croissance
démographique très rapide. Deux
cents ans après la fondation de la dynastie
des Han, la population du pays sélevait
à 59 millions. Ce fut le premier boom
démographique de la Chine. Sous la dynastie
des Tang, la population a aussi connu un pic
à 50 millions. Cest durant la dynastie
des Qing (1644-1911) que la croissance démographique
a été la plus rapide, en raison
de laugmentation de la production céréalière
et de lannulation des taxes imposées
par le gouvernement. À la fin de la dynastie
des Qing, la population était supérieure
à 400 millions.
Bien que la tradition ait mis laccent
sur la procréation, elle englobait aussi
lidée dune croissance démographique
mesurée. Daprès Confucius,
lenvergure de la population doit être
adaptée à celle des terres cultivées,
et la surpopulation est défavorable au
développement de lagriculture.
Han Feizi (280 233 av. J.-C.), également
philosophe, pensait quune trop forte croissance
démographique causait des troubles sociaux.
Sous les dynasties des Ming et des Qing, certains
érudits ont même proposé
une procréation contrôlée.
Feng Menglong (1574-1646), un lettré
des Ming, pensait que si chaque famille comptait
quatre enfants, il y aurait une telle croissance
démographique quil serait difficile
que tous aient à manger.
La conception traditionnelle a réussi
à assurer la continuité de la
nation chinoise. Au XIXe siècle, la population
de la Chine représentait 40 % de la population
mondiale. Si, au cours des cinq millénaires
de son histoire, la civilisation chinoise a
perduré, contrairement à certaines
autres civilisations anciennes, cela est dû
au facteur géographique, mais surtout
à sa forte population et à sa
tradition en matière de procréation.
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