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Le rajustement accéléré du marché laitier chinois

ETHEL LU

L’affaire du lait frelaté à la mélamine de Sanlu a asséné un coup mortel à cette entreprise. Pour le marché laitier chinois, cette crise a toutefois été l’occasion de procéder à un rajustement en profondeur.

PARMI les entreprises qui sont sorties gagnantes de cette affaire, Sanyuan, de Beijing, est certainement la première. En effet, alors que les tests ont permis de découvrir que les produits laitiers de certaines grandes entreprises, dont Mengniu et Yili, contenaient un peu de mélamine, ceux de Sanyuan n’en contenaient pas. C’est ainsi que le lait de cette entreprise s’est retrouvé sur la table des familles chinoises et qu’en peu de temps la demande des produits de Sanyuan s’est multipliée par huit.

La nouvelle donne du marché intérieur

Avant l’éclatement de cette affaire, la sphère d’influence de Sanyuan ne dépassait pas Beijing et ses environs et n’était donc pas comparable à celle des grandes sociétés laitières du pays, telles que Sanlu, Mengniu, Yili et Bright. L’affaire de la mélamine a été l’occasion de faire connaître cette entreprise de Beijing dans tout le pays.

À partir du 11 septembre 2008, jour où cette affaire a éclaté, et au cours des dix jours suivants, les commandes des deux grandes entreprises Mengniu et Yili ont chuté de 80 %. Bien que, par la suite, les tests aient prouvé l’innocence de Mengniu et de Yili, les consommateurs avaient déjà perdu confiance.

En Chine, la consommation de produits laitiers est relativement récente. Il y a 10 ans, il n’y avait que du lait en poudre. À ce moment-là, le lait pour bébé occupait 90 % du marché et le lait pour personnes âgées et d’âge moyen occupait les 10 % restants. Dans les villes, la consommation des produits laitiers est maintenant presque complètement passée du lait en poudre au lait liquide. En effet, d’après les données de 2006, la consommation de produits laitiers dans les villes chinoises était de 22,54 kg par personne, dont 22,04 kg de lait liquide. La consommation de lait en poudre n’était que 0,5 kg.

Pourtant, dans le monde, la Chine est toujours un gros marché de consommation de lait en poudre. Chaque année, la quantité de ce type de lait qui y est consommée dépasse un million de tonnes. En 2007, avant l’éclatement de l’affaire de la mélamine, le groupe Sanlu (fondé en 1956) occupait plus de 18 % du marché chinois du lait en poudre. Aujourd’hui, ce groupe fait l’objet de la convoitise des grandes entreprises chinoises de transformation laitière qui se précipitent pour l’acheter, et Sanyuan est l’une de celles-là. Pour 2007, le chiffre d’affaires de Sanlu était de 10 milliards de yuans et celui de Sanyuan, de 1,1 milliard de yuans seulement. Les milieux laitiers appellent cette vive dispute d’achat : « Le serpent avale l’éléphant. »

L’introduction et l’expansion des produits étrangers

Au moment de cette crise, la compagnie Asahi Breweries Ltd a introduit son premier produit laitier dans le marché chinois. Ainsi, le 21 septembre 2008, brandissant l’étendard de l’« innocuité », la SARL laitière Shandong Asahi Lüyuan lançait sa marque de lait Weipin. Dès son lancement, les ventes ont été fulgurantes.

Selon Asahi, le lancement de son produit à ce moment précis n’était pas intentionnel, mais cela ne fait aucun doute que c’était la meilleure occasion de le faire dans le marché chinois. La laiterie Shandong Asahi Lüyuan a été fondée en mars 2008, et c’est en août dernier qu’elle a obtenu la permission de produire. Son lait est le lait frais le plus cher de tout le marché chinois. Il se vend de 2,1 à 2,5 yuans le 100 ml, ce qui est de 1,5 à 2 fois supérieur au prix d’un produit régulier. Pour l’instant, la production de l’entreprise Shandong Asahi Lüyuan n’est que de trois tonnes par jour, et elle fournit seulement aux magasins, hôtels et supermarchés haut et milieu de gamme des grandes villes.

En 2007, pour l’ensemble de la Chine, le chiffre d’affaires du lait liquide et des autres produits laitiers était de plus de 130 milliards de yuans ; Yili, Mengniu et Bright occupaient 80 % du marché du lait liquide. Sanyuan a l’intention de procéder à une expansion, et un certain nombre d’entreprises laitières à capitaux étrangers veulent aussi profiter de cette occasion pour se tailler une part de marché. Sans contredit, tout cela peut influencer les parts actuelles au sein du marché laitier.

En 2007, Sanlu occupait surtout le créneau des produits milieu et bas de gamme. Celui des produits haut de gamme était occupé par les marques étrangères. D’après des statistiques de 2007, sur le marché chinois du lait en poudre haut de gamme pour bébé, Mead Johnson des États-Unis occupait le premier rang, avec 25 % de part de marché et 1,6 milliard de yuans de chiffre d’affaires. Wyeth et Dumex (sous la bannière Danone, de France) la suivaient de près avec respectivement 20 % et 12 %.

Dans le contexte de la crise de confiance engendrée par l’affaire de la mélamine et pour combler les lacunes du marché, les entreprises étrangères produisent maintenant à plein régime pour répondre à la demande. Wyeth projette d’investir 2 milliards de yuans pour établir, à Suzhou, la plus grande fabrique de lait en poudre dans le monde. La compagnie veut y produire surtout du lait en poudre haut de gamme pour enfant. Selon son directeur général du département des relations publiques, les commandes des grands supermarchés ont triplé après la période de stagnation causée par l’affaire.

En 2008, Danone, la deuxième plus grande entreprise de transformation laitière dans le monde, a acheté deux usines de l’entreprise privée Miaoshi, et elle contacte activement des sociétés laitières chinoises pour négocier d’éventuelles fusions.

La demande de lait en poudre haut de gamme encourage l’introduction d’autres marques de lait en poudre, un créneau qui enregistre une tendance à la hausse. D’après des statistiques, au premier trimestre de 2008, la Chine a importé 31 000 tonnes de lait en poudre, soit une valeur de 140 millions $US, ce qui représente une augmentation respective de 5,5 % et de 95,9 % par rapport à 2007.

Le grand potentiel du marché

« En Chine, la consommation annuelle de produits laitiers par citadin est de plus de 27 kg par personne, mais de 80 kg par personne dans le monde : 200 kg dans les pays développés et 260 kg aux États-Unis, soit près de 10 fois plus que la quantité consommée par un Chinois », déclare M. Huang Yang, qui effectue des recherches sur le marché laitier. Parmi les 1,3 milliard de Chinois, seulement 300 millions boivent du lait.

Pour améliorer la situation nutritionnelle de la population, le ministère de l’Agriculture de Chine a mis en application des mesures pour encourager la consommation des produits laitiers. Par exemple, le projet du lait à l’école a été mis en œuvre dès 2006, et l’entreprise Mengniu offre du lait à 500 écoles primaires rurales. En 2008, la Chine a enregistré une nouvelle vague de naissances, de sorte que le marché du lait en poudre enregistre une croissance continue. Toutefois, le problème de l’innocuité alimentaire sera toujours une question qui préoccupera les consommateurs.

Sanyuan, qui est sortie victorieuse de l’affaire de la mélamine, doit sa victoire au pâturage qu’elle gère, lequel assure l’innocuité du lait dont elle s’approvisionne. Aujourd’hui, elle possède 27 fermes laitières d’envergure, pour un total de 35 000 vaches fournissant chaque année un total de 160 millions de kilos de lait de qualité supérieure. Pour une entreprise laitière, l’exploitation d’un pâturage augmente le prix de revient, mais cette méthode est appréciée par un nombre croissant d’entreprises de transformation laitière.

Le Pr Kong Xiangzhi, de l’Institut de l’agriculture et du développement rural de l’Université du peuple de Chine, croit que cette affaire a porté un coup dur aux entreprises laitières chinoises et qu’un redressement complet prendra deux ou trois ans. Aux yeux des consommateurs chinois, peu importe que le lait soit de marque chinoise ou étrangère; l’important, c’est que son innocuité alimentaire soit garantie. C’est à cette seule condition qu’une marque peut conquérir le marché.

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