Selon
le rapport intitulé « The True Cost
of Coal », la consommation de charbon occupe
70 % de la consommation énergétique
totale de la Chine, et la combustion du charbon
constitue lun des facteurs importants du
changement climatique dans le monde. Pour la province
du Shanxi, dont la forte production de charbon
constitue le pilier de son économie, le
changement est un processus ardu et nécessaire
qui a déjà commencé.
Les régions houillères posent
un défi à la protection de lenvironnement
LI YAHONG
« IL y a de moins en moins de poissons
dans la rivière Qingzhang, nous révèle
Zhang Guisheng, un habitant du district de Zuoquan
( province du Shanxi ). Dans les années
1980, on pouvait en pêcher en quantité.
» Au moment de notre conversation, on
pouvait voir lépaisse fumée
qui se dégageait des cheminées
de la centrale thermique à proximité
de la rivière. En 2007, la production
de charbon a atteint 630 millions de tonnes
au Shanxi, et la province a réalisé
des recettes de vente de 240 milliards de yuans.
Zuoquan est lun des 66 districts importants
en production houillère dans cette province.
La quête de la croissance économique
et ses répercussions
Depuis 2003, la croissance économique
de la Chine sest toujours maintenue à
plus de 10 %. Cette croissance a nécessité
de plus en plus de charbon, et le Shanxi a vu
ses recettes « grimper en flèche
». « La surexploitation accélérée
des minerais, notamment du fer et du charbon,
a toutefois détérioré,
pour ne pas dire détruit, lenvironnement
», nous explique Sun Guangtang, secrétaire
général du comité du Parti
de ce district.
Chen Dongmei est directrice du Projet sur le
changement climatique et les énergies,
au bureau de Beijing du Fonds mondial pour la
nature (WWF). « La consommation des combustibles
fossiles est lun des facteurs importants
des émissions de CO2 et du réchauffement
climatique », explique-t-elle. Les statistiques
montrent que la consommation de charbon représente
70 % de la consommation totale dénergie
de la Chine et le tiers de la consommation mondiale
de ce combustible.
Le district de Zuoquan sétend
sur une superficie de plus de 2 000 km2, dont
le quart recèle du charbon, pour un total
denviron 4,85 milliards de tonnes. On
y compte 35 mines de charbon officielles, sans
compter les petites mines non autorisées
par le gouvernement. Toutefois, lexploitation
houillère pollue lair et leau,
et le ciel est souvent couvert dun épais
nuage qui diminue la visibilité dans
des zones à forte concentration minière.
À partir de 2002, le PIB de la Chine
a augmenté rapidement, et les industries
de la métallurgie, de la fabrication
et du bâtiment ont demandé de plus
en plus de charbon. Cette demande croissante
a été une source dopportunités
pour la province. Le prix du charbon a augmenté
à plusieurs reprises. Selon le rapport
de travail du gouvernement du district de Zuoquan,
en 2007, la production de charbon a atteint
3,5 millions de tonnes, celle de fer, 194 000
tonnes, et celle délectricité,
590 millions de kWh. Cette année-là,
les recettes fiscales du district se sont élevées
à 320 millions de yuans, contre seulement
1,276 million de yuans en 1978, et lépargne
par habitant était de 14 000 yuans, contre
28 yuans en 1978.
Labondance des ressources houillères
a enrichi le petit chef-lieu du district de
Zuoquan, autrefois fort reculé. On y
voit des hôtels de luxe et des grands
magasins qui, pour attirer les consommateurs,
arborent des affiches montrant des vedettes
internationales. Grâce au charbon, certaines
personnes se sont enrichies rapidement. «
Elles ont construit de belles maisons et acheté
des voitures, nous confie M. Zhang, mais lécart
entre riches et pauvres se creuse de plus en
plus. »
Âgé de 54 ans, ce dernier est
éboueur. Il porte un blouson gris quil
a acheté à bas prix et ses chaussures
en cuir couvertes de poussières sont
déjà déformées.
« Lindustrie chimique pollue gravement
notre environnement. Auparavant, on pouvait
boire directement leau de la rivière
Qingzhang, mais aujourd'hui, cest impossible.
»
Ses paroles sont confirmées par le rapport
de 2007 du Bureau de la protection de lenvironnement
de la province : « La pollution de leau
dans la province est grave, et même critique
dans certaines zones. Cette pollution a gravement
détérioré la composante
eau de lécosystème. »
Dans le chef-lieu du district, les cheminées
des nombreuses petites usines sont omniprésentes.
À côté du village de Wulihou
se trouvent une usine de triage des minerais
et une centrale thermique, et toutes deux polluent
continuellement lair. Les habitants des
environs sont même obligés de supporter
chaque jour une odeur nauséabonde.
En 2007, la teneur en CO2 de lair de
11 villes importantes de la province était
supérieure aux normes urbaines de qualité
de lair qui ont été fixées
par le gouvernement chinois. « La pollution
de lair des villes importantes de la province
est essentiellement composée de dioxyde
de soufre et de poussières de charbon
», peut-on lire dans le rapport denquête
du Bureau de la protection de lenvironnement
de la province du Shanxi.
Environ 80 % des 119 districts (villes) de
la province possèdent des ressources
minières. Avec laugmentation du
nombre dentreprises fortement polluantes,
15 % des terres cultivables ne sont plus conformes
à la culture biologique. À côté
dune route de campagne, sur le mur dune
petite usine, un slogan coincé entre
des publicités de motos et dengrais
chimique affirme : « Si vous ne protégez
pas lenvironnement, le beau paysage ne
vous aimera pas non plus. »
À lautomne de chaque année,
des paysans brûlent la paille dans les
champs et la fumée monte dun peu
partout. Depuis un certain temps, cette paille
constitue un grave problème dans la campagne
chinoise. « Auparavant, on lutilisait
pour nourrir les bestiaux et faire la cuisine
», nous confie Zhang Guisheng. Aujourdhui,
les tracteurs ont remplacé le bétail;
le charbon et le gaz naturel ont pris la place
de la paille. « Notre tâche est
lourde. Nous devons être partout pour
interdire aux gens de brûler la paille.
Malheureusement, ils ne se préoccupent
guère du problème de la pollution;
leur seul but est de gagner de largent,
beaucoup et rapidement », avoue un cadre
du district, chargé de la protection
des forêts.
Les actions de redressement
« Il est parfois difficile de coordonner
le développement économique et
la protection de lenvironnement »,
nous explique Bie Tao, directeur adjoint du
Département des lois et politiques, relevant
du ministère de la Protection de lenvironnement.
Cependant, la Chine a déjà pris
conscience quau XXIe siècle, le
développement économique et la
protection de lenvironnement doivent aller
de pair. « Dans les trois prochaines années,
la Chine va allouer 1 000 milliards de yuans
pour la protection de lenvironnement »,
déclare le ministre de la Protection
de lenvironnement, Zhou Shengxian. Dans
beaucoup de régions, afin dharmoniser
le dynamisme économique et la protection
de lenvironnement, on a déjà
élaboré des projets de développement
économique qui cadrent avec la protection
de lenvironnement.
« En 2007, le gouvernement du district
a versé un total 20 millions de yuans
dans les travaux de lutte contre la pollution
», nous confie M. Sun, secrétaire
du Parti. Grâce à ces travaux,
la pollution de leau a diminué.
En 2007 aussi, le gouvernement provincial a
effectué des travaux de protection de
lenvironnement sur les deux principales
rivières de la province : la Fenhe et
la Qinhe. Il a aussi construit deux zones de
protection écologique et 46 zones de
protection de la nature; le tout représente
1,13 millions dhectares, soit 7,26 % de
la superficie totale de la province.
Ju Qiongying est secrétaire générale
de la Ligue de la Jeunesse communiste du district.
En 2005, elle a fondé lAssociation
de la protection de lenvironnement du
district de Zuoquan. Trois années ont
passé et les activités de Mme
Ju ont obtenu le soutien du gouvernement local
et de personnes de différents milieux.
Aujourd'hui, son association compte déjà
quelque 1 000 membres.
En 2006, avec 600 000 yuans de fonds collectés
auprès de la société, lAssociation
a créé la Zone de protection naturelle
des cigognes noires de la chaîne des monts
Taihang, à proximité du village
de Zhaojiazhuang. Elle y a fait construire,
entre autres, des terrasses dobservation
des oiseaux et des bassins de conservation des
eaux. Des cigognes et des hérons y viennent
maintenant.
Dans les zones rurales chinoises qui se trouvent
dans les montagnes densément boisées,
les arbres sont la source principale de combustible
pour les villageois. Mme Ju tente constamment
de persuader les villageois de protéger
ces arbres et de fermer les petites usines qui
utilisent le bois comme source dénergie
pour la production.
Ces trois dernières années, le
gouvernement du district de Zuoquan a investi
170 millions de yuans dans les projets déconomie
dénergie et de diminution de la
pollution, fermant plus de 350 petites entreprises
polluantes. Par ailleurs, avec la mise en service
de lusine de traitement des eaux, le district
a pu diminuer son volume deaux usées
de 1,2 millions de tonnes; lobjectif de
rendre limpides les eaux de la rivière
Qingzhang est réalisé pour lessentiel.
Lémission de CO2 a ainsi été
réduite de 4 236 tonnes.
Ce nest pas chose facile de persuader
les entreprises chinoises daccorder plus
dattention à la protection de lenvironnement,
compte tenu des sommes importantes quelles
devraient débloquer à cette fin.
En général, elles ne visent que
la rentabilité à court terme.
Heureusement, les choses ont commencé
à changer. De plus en plus dentreprises
ont pris conscience que léconomie
dénergie et la protection de lenvironnement
peuvent être rentables. Par le biais de
la location de terres, de contrats à
forfait ou de lémission dactions,
le gouvernement du district encourage les entreprises
et les particuliers à investir dans le
reboisement et la protection de la forêt.
Pei Naijiang est patron dune société
houillère et il a contracté 17
000 mu (1 mu = 1/15 ha) de terres pour construire
la ferme écologique Huading. Il y a planté
des noyers et dautres arbres. De même,
le chef de lentreprise sidérurgique
Yuanxinxing a acheté le droit dutilisation
de 6 670 mu de terres non cultivées,
aussi pour y planter des noyers. Aujourdhui,
26 fermes de ce genre sont dispersées
dans tout le district et exploitent 75 000 mu
de terres.
Le changement est source de préoccupations
« Nous devons changer la structure industrielle
et nous débarrasser de la dépendance
à légard des ressources
pour nous développer, dit M. Sun. Non
seulement les entreprises chimiques et houillères
qui ont pris rapidement de lexpansion
polluent lenvironnement, mais la structure
économique, basée sur lexploitation
des ressources, subit facilement linfluence
de la situation extérieure. Cest
ainsi que le développement économique
du district manque de stabilité. »
À 20 h, dans le district de Zuoquan,
il y a déjà peu de voitures sur
la route qui mène à la ville de
Yangquan. « Dordinaire, les camions
étaient aussi nombreux que des fourmis.
À cause de la diminution de la demande
en charbon causée par la crise financière,
tout le district paraît un peu désert
et sans vie. »
À partir de 2008, le gouvernement a
renforcé le système dadministration
en prenant des mesures qui interdisent la promotion
des cadres qui réalisent la croissance
économique au détriment de lenvironnement.
Si un accident environnemental se produit à
un endroit, les fonctionnaires locaux doivent
en assumer la responsabilité. Dans ce
contexte, en tenant compte de leur avenir professionnel
et des intérêts économiques,
ils accordent une attention particulière
à la remise en ordre des entreprises
polluantes. De 2003 à 2006, 55 petites
mines de charbon et usines de triage de minerais
ont été fermées dans le
district, ce qui a réduit de 300 000
tonnes le volume annuel dévacuation
des eaux usées. En 2007, la société
chimique Changtai, le plus grand pollueur de
la rivière Qingzhang, a été
fermée
Cest en 2007 aussi que la Chine a commencé
à soutenir le développement des
PME respectueuses de lenvironnement. Par
des mesures préférentielles, dont
des politiques fiscales et des prêts,
le gouvernement du district de Zuoquan encourage
les entreprises à développer léconomie
verte.
Guo Heping, 29 ans, exploite une mine de fer.
Depuis 2002, puisque la demande de charbon et
de minerais a augmenté rapidement en
Chine, il a pu profiter de la montée
du prix de ces matières premières.
Après avoir obtenu son diplôme
dune école secondaire, il a commencé
à travailler dans une usine de triage
de minerais. Après seulement quelques
années defforts, il a mis en place
une équipe dexcavation minière
et a accumulé une fortune quil
naurait jamais pu imaginer auparavant.
Millionnaire, il a acheté une maison
en ville et espère ainsi mener une vie
en dehors de la mine. En 2006, il a décidé
de réaliser un rêve. Ayant progressivement
retiré ses actions de la mine, il a investi
400 000 yuans dans le contrat à forfait
de 37 000 mu de terres dans la montagne pour
y construire un centre de villégiature.
Son projet de construction le laisse toutefois
perplexe. « Depuis que jai quitté
la mine, je minquiète un peu. Que
faire comme travail principal? Je dois encore
gagner de largent », pense-t-il
inlassablement.
La perplexité de M. Guo est comparable
à celle des dirigeants de la province
du Shanxi. Pour ce qui est de Mme Ju, elle éprouve
de grandes difficultés à faire
accepter, dans les campagnes, limportance
de protéger lenvironnement. Daprès
elle, les villageois ne sintéressent
quaux biens matériels, ignorant
que protéger lenvironnement, cest
se protéger eux-mêmes.
En Chine, les chaînes de télévision
diffusent souvent des publicités dans
lesquelles des champions olympiques appellent
les gens à protéger lenvironnement
au quotidien. Cependant, la Chine est encore
un pays en développement dont le PIB
moyen par habitant nest que de 2 000 $US.
Elle se trouve en phase dindustrialisation
et durbanisation et elle affronte la dure
tâche déliminer la pauvreté,
en plus délever le niveau de vie
moyen de sa population.
Li Yan, militante de lorganisation Greenpeace
Chine, déclare : « La Chine doit
relever simultanément deux défis
: affronter le changement climatique et réaliser
un développement durable. » Selon
elle, la Chine sefforce de devenir un
pays à faible émission de CO2.
Au cours de cette transition, la communauté
internationale doit fournir plus de soutien
à la Chine et à dautres
pays en développement, afin que le changement
climatique soit affronté en commun. Cest
toujours lappel de Greenpeace dans les
négociations internationales sur les
questions climatiques.
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