LU RUCAI
Étant lune des plus grandes victimes
du changement climatique et grande productrice
de charbon, la Chine est au cur des actions
de redressement qui doivent être prises
dans la lutte contre les effets du changement
climatique. Bien que la plupart des responsables
confient que la population chinoise nest
pas encore suffisamment consciente de la gravité
de ce problème, le gouvernement prend
actuellement des mesures actives pour rectifier
la condition actuelle. Regard sur la situation
particulière de la Chine.
FIN octobre 2008, le gouvernement chinois a
publié le Livre blanc La politique et
laction de la Chine contre le changement
climatique. Daprès Li Yan, militante
chargée des projets sur le climat et
les énergies au sein de Greenpeace Chine,
cette publication a envoyé un signal
positif au monde extérieur.
Les effets du changement climatique
« La Chine sera lune des plus grandes
victimes du changement climatique », lance
sans détour cette militante. Depuis une
cinquantaine dannées, la température
moyenne a augmenté de 1,1 °C en Chine.
Cest un rythme daugmentation supérieur
à la moyenne enregistrée dans
lhémisphère nord et dans
lensemble du monde pour la même
période. Léquilibre des
précipitations qui existait auparavant
entre les différentes régions
est désormais rompu. Les régions
du cours moyen et inférieur du Yangtsé
ont plus de jours de mauvais temps quautrefois,
et la lutte contre les inondations y est chaque
année une vive préoccupation.
Parallèlement, la superficie de terres
souffrant de sécheresse ne cesse de sétendre
en Chine du Nord-Est, du Nord et du Nord-Ouest.
Selon le Rapport mondial sur le développement
humain 2007/2008, publié par le Programme
des Nations Unies pour le développement,
en Chine, les émissions annuelles de
carbone par habitant devraient atteindre 5,2
t en 2015; cest environ le quart de léquivalent
pour les États-Unis ; leurs émissions
seront alors de 19,3 t. Si la Chine maintient
son rythme actuel démissions de
carbone, les deux tiers des glaciers de la Chine
seront fondus en 2060; le reste disparaîtra
avant la fin du siècle.
La mauvaise qualité de lair et
les intempéries ne sont que deux des
volets du changement climatique. La hausse des
températures et le déséquilibre
des précipitations qui en résulte
engendreront une autre menace plus directe pour
la Chine, voire pour le monde : la réduction
de la production céréalière.
Si on ne prend aucune mesure, la production
des principales céréales comme
le blé, le riz et le maïs va diminuer
au maximum de 37 % au cours de la deuxième
moitié du XXIe siècle. Ce sera
un coup dur pour la Chine qui compte plus de
1,3 milliard dhabitants.
Daprès Lin Erda, chercheur à
lInstitut de lenvironnement agricole
et du développement durable, relevant
de lAcadémie chinoise des sciences
agricoles, et ses collègues, la hausse
de la température et la diminution de
leau pour lagriculture vont avoir
provoqué un recul de production de 14
% à 23 % des principales cultures en
2050. Pour le moment, la superficie des cultures
ravagées par les désastres climatiques
atteint chaque année 50 millions dhectares.
« Si nous ne faisons rien aujourdhui,
dans 20 ans, la pénurie de céréales
atteindra de 5 % à 10 % des besoins »,
estime M. Lin. Selon certains experts, les pertes
engendrées par le changement climatique
représenteront alors 3 % du PIB.
Le « crime » du charbon
Selon le GIEC, le changement climatique enregistré
depuis une cinquantaine dannées
a été provoqué par les
activités humaines et par laugmentation
du nombre dindustries. Pour sa part, M.
Lin croit que cest lutilisation
du pétrole et du charbon par lhomme,
qui a causé de forts rejets de CO2 dans
latmosphère. En Chine, la source
principale de la pollution atmosphérique
est le charbon. Lédition de la
Chine de The True Cost of Coal (Le vrai coût
du charbon), un rapport de recherche de Greenpeace
Chine, indique que le pays est le plus gros
consommateur de charbon et que ce combustible
y représente plus de 70 % de lénergie
totale consommée. Or, le charbon est
lun des facteurs responsables des pluies
acides et du changement climatique.
« Le public chinois a entendu parler
du changement climatique; toutefois, il ne connaît
pas bien la gravité de la situation dans
laquelle il se trouve. Par la publication de
ce rapport, nous espérons que toute la
société pourra prendre conscience
du problème, mais nous voulons également
inciter les décideurs à prendre
plus de mesures pour rajuster la structure de
la consommation énergétique »,
confie Mme Li.
La publication du rapport de Greenpeace ne
marque pas la fin du travail de Li Yan et de
ses collègues. Afin dintroduire
la réforme sur les prix du charbon, ils
vont se rendre dans les régions qui souffrent
le plus de la pollution par le charbon. «
En tant quONG, Greenpeace espère
faire des propositions pratiques et les soumettre
au gouvernement », explique-t-elle. Au
moment où la première Loi sur
lutilisation des énergies renouvelables
a été mise en vigueur en 2006,
Greenpeace était la seule ONG qui avait
été invitée comme consultant
par le gouvernement chinois.
« La Chine affronte le défi de
devoir changer son modèle de croissance
économique. Lancien modèle
de développement très polluant
qui sappuyait sur la consommation énergétique
a déjà porté atteinte à
léconomie, à la société,
à lenvironnement et à la
santé de la population », estime-t-elle.
Le gouvernement et le grand public comprennent
que ce nest pas un modèle de développement
durable. Le XIe Plan quinquennal sest
fixé pour objectif de réduire
de 20 % la consommation énergétique
par unité de PIB et de 10 % les émissions
totales des principaux polluants.
Les sciences et techniques et la participation
du public
Dans des laboratoires nationaux sur lenvironnement,
de grands projets scientifiques et techniques
sont en cours afin de trouver des solutions
efficaces en réponse au changement climatique.
Le renforcement de la transformation technique
et lapplication de nouvelles énergies
constituent un point de vue commun du gouvernement
et des experts. De 2000 à 2008, la capacité
de production délectricité
éolienne est passée de 340 000
à 10 millions kW, celle délectricité
hydraulique, de 79,35 millions à 163
millions kW, et celle délectricité
nucléaire, de 2,1 millions à 8,85
millions kW. Le gouvernement chinois a fermé
des installations dont la production était
arriérée. « Bien que ces
entreprises hautement polluantes ne soient pas
favorables à lamélioration
de lefficacité énergétique,
elles peuvent faire progresser léconomie
dune région », indique Lin
Erda, lors dune interview.
Par rapport aux dépenses liées
aux projets de protection de lenvironnement
utilisant les sciences et techniques qui ont
totalisé 2,5 milliards de yuans au cours
du Xe Plan quinquennal, celles de la première
étape du XIe Plan quinquennal sont de
5 milliards de yuans. Pourtant, selon Shang
Yong, ministre de la Science et de la Technologie,
des difficultés persistent pour ce qui
concerne la manière de faire accepter
par les consommateurs les produits issus de
techniques onéreuses en protection de
lenvironnement. De plus, au moment daffronter
le changement climatique, le prix de revient
élevé de la conversion des techniques
en produits constitue un fardeau supplémentaire
qui nuit aux pays en développement comme
la Chine. Cest pourquoi, lors des négociations,
afin de soutenir économiquement les pays
en développement, le gouvernement chinois
appelle toujours les pays développés
à réduire les obstacles au transfert
technique en protection de lenvironnement.
« Les politiques environnementales actuelles
élaborées en Chine se basent encore
trop sur des mesures administratives, et pas
suffisamment sur lutilisation de moyens
plus souples comme le marché, la finance
et les taxes », explique Li Yan. Selon
Xie Zhenhua, directeur adjoint de la Commission
nationale pour le développement et la
réforme, la Chine compte rajuster le
prix des ressources pour en favoriser léconomie
et aider à protéger lenvironnement.
En matière de changement climatique,
les projets qui exigent la participation du
public sont de plus en plus nombreux, dont le
Fonds du carbone vert de Chine, créé
en 2007. Par ailleurs, pendant les JO de Beijing,
les mesures de restriction de la circulation
ont bénéficié du soutien
public. Après les JO, dans plusieurs
villes, dont Beijing, les autorités continuent
dappliquer, une journée par semaine,
des mesures de restriction de la circulation
en vue daméliorer la qualité
de lair et réduire les émissions
de gaz résiduels.
Le pouvoir de la coopération
Le changement climatique et la coopération
en réponse à ce phénomène
sont sans aucun doute un nouveau thème
du dialogue intergouvernemental. Cela montre
également que seule laction commune
de tous à la grandeur de la planète
pourra être efficace.
Bien quenviron 80 % du total des émissions
proviennent actuellement des pays développés,
selon le rapport du GIEC, dici à
2030, 70 % de leur augmentation viendront des
pays en développement, dont la Chine,
lInde et le Mexique.
« Comme nous connaissons un essor économique
assez rapide, nous représentons une proportion
relativement importante de laugmentation
des émissions de CO2 qui a été
enregistrée ces dernières années
dans le monde. Malgré notre faible volume
démissions par personne, diminuer
ces émissions est notre responsabilité
», déclare Lin Erda.
Ce dernier fait partie du GIEC, et depuis 18
ans, il a participé à la rédaction
et à la révision dune dizaine
de rapports dévaluation de cet
organisme; dailleurs, jusquà
maintenant, une centaine de scientifiques chinois
y ont collaboré.
Selon Li Yan, que ce soit la publication du
Livre blanc La politique et laction de
la Chine contre le changement climatique ou
lorganisation dun forum de haut
niveau sur le développement et le transfert
de technologies en matière de changement
climatique, « une série dactions
de la Chine ont suscité de nouveaux espoirs
au sein de la communauté internationale
: la Chine assume plus audacieusement son statut
dintervenant majeur dans les négociations
et fait avancer activement tous les pays afin
daboutir à des accords vigoureux
lors de la Conférence sur le climat qui
se tiendra cette année à Copenhague.
En fait, la situation devient de plus en plus
alarmante. Presque toutes les semaines, des
témoignages de scientifiques prouvent
que la vitesse du réchauffement planétaire
et le niveau de gravité sont plus catastrophiques
que nous avions imaginé jusquici.
» Li Yan espère que tous les pays
pourront faire preuve dune détermination
suffisante pour agir de façon adéquate
face à cette situation.
|