Li
Wei et son musée
ZHANG
HUA
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Li
Wei protège précieusement sa collection. |
Le
musée d’art folklorique Songtangzhai se trouve dans une ancienne
maison de la dynastie des Ming (1368-1644), à l’extrémité de la
rue Dongjie, dans Liulichang, un quartier de Beijing fort renommé
pour la culture traditionnelle chinoise. Li Wei, 53 ans, examine
avec ferveur l’extérieur de ce musée, une maison baignée de soleil
en cette journée automnale. Ce musée, qu’il a lui-même fondé,
rassemble une centaine de sculptures folkloriques en pierre, en
bois et en brique provenant de Beijing, du Shanxi, du Shaanxi,
de l’Anhui, du Fujian et d'autres régions. Ces sculptures, il
les a collectionnées inlassablement depuis plus de trente ans.
Quand
des visiteurs se pointent à l’entrée de son musée, Li Wei leur
propose de commencer leur visite par l’extérieur de cette maison.
Du
singe en pierre incrusté dans le mur et des soixante-dix
figurines sur la poutre de pierre jusqu’aux portes et fenêtres
à carreaux en bois et aux pierres de fondation, ces objets ont
une histoire de plusieurs siècles et même d’un millénaire. Une
clôture, dont le bois révèle la patine du temps et qui entoure
l’entrée du musée, était un objet jadis utilisé dans le quartier
commercial situé à la porte Qianmen. Cette clôture évoque à merveille
cette ancienne porte.
« Dans
le quartier Liulichang, qui d’autre présente les anciennes pièces
architecturales? Personne. À Beijing, seul mon musée est en mesure
de les présenter », exprime fièrement Li Wei, avec son fort
accent de Beijing.
Sa
collection d'objets folkloriques
Sa
fierté ne se limite pas aux anciennes architectures. Dans la première
salle du musée, est exposée une paire de blocs en pierre ayant
servi pour les vantaux durant la dynastie des Yuan (1279-1368).
C’est le trésor dominant du musée, un objet rare, même dans les
musées d’échelon national.
Ces
blocs constituent un élément spécial du bâtiment traditionnel
chinois. Autrefois, le montant de la porte en bois était fixé
à un bloc de pierre, et ce dernier avait
non seulement un
aspect esthétique, mais il marquait aussi la situation sociale
et économique de la famille. Dans l’ancienne époque, les artistes
laissaient aller leur imagination lorsqu’ils sculptaient ce bloc
de pierre de thèmes de bon augure. Grâce aux blocs de pierre,
on peut découvrir la culture et les coutumes des différentes époques
historiques. Par exemple, cette paire de blocs en pierre de la
dynastie des Yuan présente l’histoire d’une ethnie nomade qui
a conquis le Centre de la Chine et a fondé la dynastie des Yuan.
Sur un bloc sculpté, un membre de cette ethnie, portant la moustache,
ligote une licorne chinoise, ce qui symbolise la conquête de la
Plaine centrale de Chine, où habitaient les Han; sur un autre
bloc, une licorne s’abreuve près d’un puits, ce qui évoque la
stratégie des dirigeants pour gouverner
le pays. Pourtant, la dynastie des Yuan n'a pas duré longtemps ;
les Han ont vite repris le pouvoir. Pour assouvir leur haine par
la vengeance, ces derniers ont alors détruit tous les objets qui
pouvaient représenter la dynastie des Yuan. Ainsi, à cause de
leur rareté, les objets historiques et culturels de cette dynastie
sont très précieux.
En
outre, des portiques, tels celui en pierre du Jiangxi, celui en
brique du Shanxi et celui en bois sculpté de Beijing, qui sont
exposés dans ce musée, traduisent à merveille les différentes
caractéristiques régionales. Des caisses en bois sculpté, de style
classique, servent de stands pour exposer les objets.
Dans
la deuxième salle, on peut trouver une dalle sculptée, longue
de plus de deux mètres, qui illustre une scène de voyage d’un
empereur. Soixante personnes et plus de cent animaux, entourés
de pavillons, kiosques, cortèges et arbres, présentent une image
pleine de vie. Les artistes ont admirablement bien maîtrisé leur technique et sculpté les deux faces de la dalle.
« Le
musée expose surtout des sculptures populaires, et j’ai l’intention
d’y collectionner les œuvres de tout le pays », a dit M.
Li, et peu importe que ce soit des objets du palais impérial ou
d’une famille du peuple. À ses yeux, l’architecture des habitations
populaires du Shanxi et de l’Anhui a une valeur supérieure à celle
des cours carrées de Beijing qui donnent une impression d’étouffement,
et les artistes qui étaient éloignés de l’influence du pouvoir
impérial avaient une création artistique plus libre.
Mais
pourquoi Li Wei a-t-il
fondé ce musée ? Cet homme, qui était médecin, dit avec émotion :
« Je considère mes collections comme des objets vivants.
Ils sont la vie de la culture de la nation chinoise, et je veux
que cette culture se perpétue. »
Un
désir longtemps caressé
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Une
partie de la poutre en pierre sculptée, considérée comme un
trésor et conservée dans son musée. |
Depuis
longtemps, la collection est inséparable de la vie de Li Wei.
Son enfance s'est passée dans une cour carrée de Beijing. Ses
ancêtres étaient des mandarins de la dynastie des Qing ( 1644-1911),
collectionneurs d'antiquités. Des bibelots remplissaient toutes
les chambres latérales. À l’époque de son père, sa famille vivait
encore dans cette ambiance. Son premier objet de collection a
été un bloc de pierre à vantaux qui lui servait de cheval, lors
qu'il avait 7 ans.
Li
Wei a commencé sa véritable collection à l'âge de 16 ans, à l’époque
de la révolution culturelle. À ce moment-là, un grand nombre d’éléments
architecturaux liés à l’habitation populaire (à l’époque Beijing
possédait à peu près 920 000 maisons populaires), surtout aux résidences de marque et aux cours
carrées, ont été démontés et abandonnés. Cette situation l’a profondément
marqué. Li Wei a donc pris la décision de récupérer ces objets
afin de les placer dans un endroit convenable, le jour où il aurait
de l’argent.
Par
chance, il y a plus de vingt ans, la Chine a mis en application
sa politique de réforme et d’ouverture. En comptant sur la collection
familiale de timbres de
l’époque des Qing, Li Wei s’est engagé dans le commerce
des objets philatéliques et s’est rapidement enrichi. Par
la suite, grâce à l’expérience qu’il avait acquise dans le commerce,
il a commençé à collectionner les monnaies anciennes et les antiquités,
réalisant enfin le désir qu’il caressait depuis son enfance:
collectionner des sculptures artistiques.
La
collection de sculptures est un travail ardu. Il a parcouru à
vélo les moindres recoins de Beijing et il a noté tous les endroits
où il trouvait des blocs et des pièces de pierre sculptés. Parallèlement,
il a visité des villages à l’extérieur de Beijing où se trouvaient
des maisons abandonnées pour chercher ce qu’il voulait. Souvent,
pour décrocher un « trésor », l’acheter et le transporter
à Beijing, il a dû rendre visite plusieurs fois au propriétaire
de l’objet en question. À Beijing, comme dans les autres villes
en Chine, l’urbanisation progresse rapidement, de sorte que les
objets anciens disparaissent à vue d’oeil. Li Wei sent que le
temps presse.
Une
situation embarrassante
Pour
l’heure, deux problèmes tracassent Li Wei. Le premier concerne
la durée de la visite des touristes chinois et étrangers à son
musée. La visite, qui est organisée par l’agence du tourisme pour
le quartier Liulichang, ne dure que trente minutes, et son musée
est situé au bout de la rue. Quand les touristes arrivent finalement
à son musée, il ne leur reste pratiquement plus de temps pour
y entrer, de sorte qu’ils ratent une occasion de connaître la
culture ancienne de la Chine. Le deuxième problème concerne la
loi sur les vestiges culturels et historiques. Il espère que cette
loi sera amendée afin de toucher tant la fonction esthétique que
la fonction commerciale. Li Wei croit que ce genre d’amendement
favorisera la protection des objets culturels et historiques.