Un
Noël « doré »
HUANG CAI
Alors
que la fête de Noël ne fait pas vraiment partie des mœurs chinoises
et que l’imaginaire entourant cette fête évoque davantage le pôle
Nord que les chaleurs torrides, comment se vit Noël quand une
Chinoise se retrouve en Afrique? NDLR.
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Zhu
Jing (5e à dr.), le mari de l’auteure, semble bien
apprécier le spectacle. |
Le
mois de décembre est le moment le plus chaud en Afrique de l’Ouest,
alors que le soleil de plomb n’épargne aucun coin de la terre.
Néanmoins, avec l’arrivée imminente de Noël, un air de fête s’installait
petit à petit dans la ville de Cotonou, capitale économique de
la République du Bénin. Les éventaires des magasins étaient pleins
de jouets de toutes les couleurs, et des vendeurs et vendeuses
ambulants avaient envahi les rues, transportant sur leur tête
des Pères Noël en plastique gonflés. La chaleur de la saison sèche
n’affaiblissait nullement l’enthousiame des enfants africains.
Même pour moi, ce Noël était hors du commun, puisque c’était un
premier Noël bien chaud et ensoleillé; en outre, en tant que diplomate
chinoise accréditée au Bénin, en compagnie de mon mari, j’allais
passer la fête avec les orphelins du Village SOS situé en banlieue
de Cotonou.
Le
Village SOS de Cotonou, comme les autres villages SOS dans le
monde entier, est formé d’une dizaine de familles composées chacune
d’une mère volontaire et d’orphelins. À première vue, celui-ci
ressemblait à un village ouest-africain ordinaire, bien aménagé,
avec des palmiers, des cocotiers et beaucoup de fleurs. Les familles
vivent dans des huttes, de petites maisons construites à l’aide
de matériaux modernes, mais dans le style traditionel africain
où la « maman » s’occupe de ses « enfants ».
Et
exactement comme dans un village africain ordinaire, pour célébrer
une fête, toutes les familles s’étaient réunies pour chanter,
danser et manger. Pour l’occasion, les diplomates chinois
avaient été invités en grande pompe à participer à une soirée
de gala de Noël.
Les
enfants nous attendaient déjà sur le terrain central du village.
Ils étaient une centaine, garçons et filles, des tout-petits aux
jeunes adolescents. À notre arrivée, ils se mirent à sauter de
joie, comme des petits oiseaux, et ils nous appelaient: « Amis!»
«Chers amis! ». Grâce à l’amitié sino-africaine, au Bénin et dans
les autres pays africains, les gens appellent tous les Chinois
« ami », même s’ils ne les connaissent pas. Bien que nous eussions
été habitués à nous faire appeler ainsi dans la rue , ces voix
puériles étaient vraiment irrésistibles. Puis, au son du tambour,
les enfants nous ont invités à danser avec eux. Dieu sait combien
nous étions maladroits à suivre la chorégraphie africaine, mais
cela ne nous a pas empêchés de partager leur joie! Au moment de
sortir nos cadeaux---des livres et des stylos chinois-- la musique
s’est arrêtée et les enfants sont redevenus calmes. Pour nous
remercier, on nous a alors annoncé un numéro spécial. « En quoi
est-ce spécial ? », ai-je demandé à un gamin assis à mes
côtés. « C’est un secret », m’a-t-il répondu avec un clin d’oeil.
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Les
enfants et leurs invités sur le terrain central du village. |
Toujours
sous les roulements de tambour, huit petits enfants se sont alors
détachés de la foule. Arrivés au centre du terrain, ils ont commencé
à chanter : le rythme africain habituel était devenu doux
et mélancolique, un rythme familier pour nous. Est-ce que je rêvais ?
Était-ce bien la musique de la chanson enfantine chinoise Cherche,
cherche, j’ai bien trouvé un ami! Était-il possible qu’elle
existe aussi en Afrique ? Après avoir chanté d’abord en français,
les petits se mirent ensuite à chanter en chinois. En dépit de
leur prononciation qui était loin d’être parfaite, nul doute,
c’était vraiment la chanson chinoise! Avant même que je sois remise
de ma surprise, un petit garçon chantait devant moi :«Xiao xi xi lai, Wo wo shou, Ni shi wo de hao
peng you!» ( Souriez et serrez-moi la main, vous êtes mon
meilleur ami!) Très émue, je l’ai embrassé bien fort en lui demandant
comment il avait appris à chanter cette chanson chinoise. La réponse
qu’il m’a fournie m’a émue encore davantage.
Il
y a quelques années, des enfants du Village SOS étaient atteints
de paludisme. Des médecins chinois, qui travaillaient alors
comme experts dans des hôpitaux béninois, étaient venus au chevet
des enfants. Ils leur avaient sauvé la vie et étaient devenus
leurs meilleurs amis. C’est ainsi que les enfants du Village SOS
avaient appris à chanter les chansons chinoises. Les médecins
chinois étaient partis depuis longtemps et les petits d’alors
étaient devenus grands. Ce sont eux qui ont appris à leurs petits
frères et à leurs petites soeurs à chanter les chansons chinoises......
Ma
mission au Bénin est terminée depuis un bout de temps, mais je
sais que ce Noël doré, plein de chaleur et de joie, de lumière
et d’émotion rayonnera toujours dans mon coeur.