DÉCEMBRE  2002

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le seul mensuel multilingue d'intérêt général en Chine, publié en français, anglais, espagnol, allemand, arabe et chinois.

 

 

Un Noël « doré »

HUANG CAI

Alors que la fête de Noël ne fait pas vraiment partie des mœurs chinoises et que l’imaginaire entourant cette fête évoque davantage le pôle Nord que les chaleurs torrides, comment se vit Noël quand une Chinoise se retrouve en Afrique? NDLR.

Zhu Jing (5e à dr.), le mari de l’auteure, semble bien apprécier le spectacle.

Le mois de décembre est le moment le plus chaud en Afrique de l’Ouest, alors que le soleil de plomb n’épargne aucun coin de la terre. Néanmoins, avec l’arrivée imminente de Noël, un air de fête s’installait petit à petit dans la ville de Cotonou, capitale économique de la République du Bénin. Les éventaires des magasins étaient pleins de jouets de toutes les couleurs, et des vendeurs et vendeuses ambulants avaient envahi les rues, transportant sur leur tête des Pères Noël en plastique gonflés. La chaleur de la saison sèche n’affaiblissait nullement l’enthousiame des enfants africains. Même pour moi, ce Noël était hors du commun, puisque c’était un premier Noël bien chaud et ensoleillé; en outre, en tant que diplomate chinoise accréditée au Bénin, en compagnie de mon mari, j’allais passer la fête avec les orphelins du Village SOS situé en banlieue de Cotonou.

Le Village SOS de Cotonou, comme les autres villages SOS dans le monde entier, est formé d’une dizaine de familles composées chacune d’une mère volontaire et d’orphelins. À première vue, celui-ci ressemblait à un village ouest-africain ordinaire, bien aménagé, avec des palmiers, des cocotiers et beaucoup de fleurs. Les familles vivent dans des huttes, de petites maisons construites à l’aide de matériaux modernes, mais dans le style traditionel africain où la « maman » s’occupe de ses « enfants ».

Et exactement comme dans un village africain ordinaire, pour célébrer une fête, toutes les familles s’étaient réunies pour chanter, danser et manger. Pour l’occasion, les diplomates chinois avaient été invités en grande pompe à participer à une soirée de gala de Noël.

Les enfants nous attendaient déjà sur le terrain central du village. Ils étaient une centaine, garçons et filles, des tout-petits aux jeunes adolescents. À notre arrivée, ils se mirent à sauter de joie, comme des petits oiseaux, et ils nous appelaient: « Amis!» «Chers amis! ». Grâce à l’amitié sino-africaine, au Bénin et dans les autres pays africains, les gens appellent tous les Chinois « ami », même s’ils ne les connaissent pas. Bien que nous eussions été habitués à nous faire appeler ainsi dans la rue , ces voix puériles étaient vraiment irrésistibles. Puis, au son du tambour, les enfants nous ont invités à danser avec eux. Dieu sait combien nous étions maladroits à suivre la chorégraphie africaine, mais cela ne nous a pas empêchés de partager leur joie! Au moment de sortir nos cadeaux---des livres et des stylos chinois-- la musique s’est arrêtée et les enfants sont redevenus calmes. Pour nous remercier, on nous a alors annoncé un numéro spécial. « En quoi est-ce spécial ? », ai-je demandé à un gamin assis à mes côtés. « C’est un secret », m’a-t-il répondu avec un clin d’oeil.

Les enfants et leurs invités sur le terrain central du village.

Toujours sous les roulements de tambour, huit petits enfants se sont alors détachés de la foule. Arrivés au centre du terrain, ils ont commencé à chanter : le rythme africain habituel était devenu doux et mélancolique, un rythme familier pour nous. Est-ce que je rêvais ? Était-ce bien la musique de la chanson enfantine chinoise Cherche, cherche, j’ai bien trouvé un ami! Était-il possible qu’elle existe aussi en Afrique ? Après avoir chanté d’abord en français, les petits se mirent ensuite à chanter en chinois. En dépit de leur prononciation qui était loin d’être parfaite, nul doute, c’était vraiment la chanson chinoise! Avant même que je sois remise de ma surprise, un petit garçon chantait devant moi :«Xiao xi xi lai, Wo wo shou, Ni shi wo de hao peng you!» ( Souriez et serrez-moi la main, vous êtes mon meilleur ami!) Très émue, je l’ai embrassé bien fort en lui demandant comment il avait appris à chanter cette chanson chinoise. La réponse qu’il m’a fournie m’a émue encore davantage.

Il y a quelques années, des enfants du Village SOS étaient atteints de paludisme. Des médecins chinois, qui travaillaient alors comme experts dans des hôpitaux béninois, étaient venus au chevet des enfants. Ils leur avaient sauvé la vie et étaient devenus leurs meilleurs amis. C’est ainsi que les enfants du Village SOS avaient appris à chanter les chansons chinoises. Les médecins chinois étaient partis depuis longtemps et les petits d’alors étaient devenus grands. Ce sont eux qui ont appris à leurs petits frères et à leurs petites soeurs à chanter les chansons chinoises......

Ma mission au Bénin est terminée depuis un bout de temps, mais je sais que ce Noël doré, plein de chaleur et de joie, de lumière et d’émotion rayonnera toujours dans mon coeur.