Le réseau fluvial
de Beijing, depuis toujours une source de vie
HUO JIANYING
À partir du pont Jinshui de la porte Tian’anmen,
l’ancien canal Changpu coule vers l’est, au pied du mur pourpre
de ce site. À la fin des années 60, ce canal a été couvert de
plates-formes pour y tenir des activités de célébration. Sur ces
plates-formes, des abris et des dépôts de marchandises temporaires
ont ensuite été édifiés. À l’époque de la révolution culturelle,
il n’y avait que les vieux habitants de Beijing qui étaient au
courant de ce fait.
 |
Canal
Changpu. |
Au fil du temps, l’amélioration de l’environnement
écologique et la protection de la physionomie de l’ancienne capitale
sont devenues des points chauds de conversation. Dans ce contexte,
le plan d’urbanisme du gouvernement municipal a prévu des mesures
pour protéger et aménager des cours d’eau et des monuments historiques
et culturel, en parc paysager dont l’aménagement du canal Changpu.
Plus de 40 ans se sont écoulés, et le canal Changpu
est réapparu en août de cette année. Ainsi, les eaux et les alluvions
stagnantes, au-dessous du pont Jinshui, peuvent être emportées
à nouveau par ce canal pendant la saison des crues.
Le système fluvial de la cour impériale
Aujourd’hui, un nouveau canal de 510 m relie, d’ouest
en est, le pont Jinshui et le bâtiment de l’Hôtel Beijing. Connu
par son histoire et sa localisation, le canal Changpu s’appelait
aussi le « canal Jinshui extérieur ». Du XIVe
au XXe siècle, ce canal était un cours d’eau important
de la ville, mais à l’intérieur de la Cité interdite, il
y avait aussi un cours d’eau, le canal « Jinshui intérieur »
Ces deux canaux ressemblaient à deux cours d’eau jumeaux. Durant
les Ming (1368-1644) et les Qing (1644-1911), le Palais impérial
était non seulement un endroit où l’empereur s’occupait des affaires
du gouvernement impérial, mais aussi un domicile privé pour sa
famille.
L’empereur Zhengde des Ming, Zhu Houzhao, rencontra
la jolie Li Fengjie, alors qu’il effectuait une tournée d’inspection
individuelle, sous un déguisement. S’accordant en tout point,
les deux tombèrent amoureux l’un de l’autre. L’empereur Zhu voulut
prendre Fengjie comme concubine. Lorsque celle-ci demanda à
l'empereur Zhu où il habitait, ce dernier lui répondit :
« À Beijing, au cœur d’une enceinte
bien gardée. » La Cité interdite, baptisée aussi Danei,
est en effet bien protégée par des remparts intérieurs et extérieurs. Le canal Jinshui, devant la porte Tian’anmen, et la douve sur les
trois côtés de la Cité, sont encore visibles.
La douve,
trait marquant de l’ancienne capitale
À Beijing, une douve entoure la Cité interdite. De
même, des lacs et des cours d’eau protègent également les quartiers
et les environs de la ville. Dans l’Antiquité, les cours d’eau
protecteurs de la ville jouaient non seulement un rôle de ravitaillement
en eau, de drainage et de transport fluvial, mais aussi étaient
considérés comme des installations militaires et des endroits
de divertissements. À Beijing, la douve et les cours d’eau existants
sont pour la plupart,
des ouvrages laissés par la dynastie des Ming, il y a plus de
500 ans.
Les empereurs
de la dynastie des Ming étaient originaires du Sud, et ils avaient
la nostalgie de leur pays natal qui abondait en riz et en poissons.
Après que Zhu Yuanzhang (1328-1398) eut renversé les Yuan (1206-1368)
et fondé la dynastie des Ming, la capitale impériale s’installa
pour un temps à Nanjing. À la suite d’un coup d’État, son fils,
Zhu Di, s’empara du pouvoir
et transféra sa capitale à Beijing. Cette décision avait bien
pesé le pour et le contre de la situation politique, géographique
et militaire de la ville de Beijing d’alors. Après la mort de
l’empereur Zhu Di en 1424, son fils Zhu Gaochi monta sur le trône
et prit le nom de règne de Renzong. Au printemps de la deuxième
année, il décida de transférer à nouveau sa capitale à Nanjing.
Toutefois, deux mois plus tard, cet empereur éphémère avait déjà
trépassé.
Dans l’histoire, l’empereur Zhu Di était attaché
non seulement à son pays natal de rivières et de lacs, mais encore
il a toujours accordé une grande importance à la construction
des ouvrages hydrauliques de Beijing. En 1371, il décida de déplacer
le rempart de la capitale Dadu vers le sud et de considérer la
rivière Gaoliang et l’étang Jishui comme fossés de rempart du
Nord. En 1419, il décida de draguer la rivière Qiansanmen, au
sud du rempart de la ville. Pour relier les rivières protectrices
de la ville, on aménagea les plans d’eau situés dans l’est et
l’ouest de Beijing. Après la construction du rempart extérieur
de la ville, un canal, nouvellement creusé dans l’est et l’ouest
de Yongdingmen, amenait les eaux de toutes les rivières protectrices
de la ville à Dongbianmen, avant qu’elles se jettent dans le canal
Tonghui. Ainsi, s’est édifié le réseau fluvial paysager de Beijing
où rivières et lacs forment une vaste résille.
Les ouvrages
hydrauliques de l’Antiquité
L’ancienne Beijing était aussi une ville commerçante.
Après être devenue capitale au XIIIe siècle, Beijing
connut une augmentation rapide de sa
population. Cette municipalité avait sous sa juridiction
seize districts qui regroupait plus de 400 000 habitants. Si l’on
ajoute les fonctionnaires, les troupes en garnison et la population
flottante, la population de Beijing atteignait alors presque un
million de personnes. À cette époque-là, le Sud de la Chine était
la principale région productrice de céréales, et le Grand Canal
assumait tout le transport vers Beijing. Zhangjiawan était le
quai de Beijing.
Zhangjiawan se trouve dans le sud du district de
Tongzhou. Aux époques des Yuan, des Ming et des Qing, les bateaux
céréaliers venus du Sud accostaient tous à ce quai important.
Zhangjiawan, siège du tribunal pour le transport céréalier, possédait
une troupe puissante en garnison. Au sud de Beijing, les greniers
occupaient un terrain immense. Sur le Grand Canal, qui s’étendait
sur quelques kilomètres dans la ville, les bateaux céréaliers
étaient alignés les uns après les autres, comme un immense dragon.
Dans la ville, les marchés de légumes, de porcs, de paille fourragère,
de mulets et de chevaux allaient rondement. À l’extérieur de Nanmen,
la ruelle Huajiao, toujours fort animée, rassemblait une foule
de commerçants.
Sous la dynastie des Yuan, Beijing était un centre
politique, économique et culturel du pays, et l’on a dû résoudre
deux problèmes au cours du développement des ouvrages hydrauliques :
l’exploitation de sources d’eau et le dragage de la rivière reliant
le quai de Zhangjiawan.
Guo Shoujing (1231-1316) était un astronome et un
ingénieur renommé en ouvrages hydrauliques. C’est lui qui fut
chargé de la tâche d’aménager les cours d’eau.
À maintes reprises, ce fonctionnaire effectua des
levés topographiques et il trouva finalement de nouveaux points
d’eau. Il fit alors construire la conduite d’adduction Baifuyan,
sur plus de 30 km, dans le nord-ouest de Beijing. Ces travaux
consistaient à amener d’abord l’eau de la source Baifuquan, au
nord du district de Changping, jusqu’à Beijing, puis à relier
ce plan d’eau au Grand Canal.
Pour résoudre
le problème de la dénivellation, Guo construisit quelque dizaines
d’écluses. Pour creuser un canal de plus de 80 km, plus de 20
000 travailleurs s’affairèrent toute une année. On creusa ce canal
pour alimenter la capitale en eau et permettre aux chalands d’y
apporter les céréales; le quai de débarquement se trouvait près
du marché, sur les bords de l’étang Jishuitan. Puisque Kubilaï,
fondateur de la dynastie des Yuan, était si content de voir le
grand nombre de bateaux venir du district de Tongzhou par ce canal
et mouiller au quai de Jishuitan, il le nomma Tonghui. Aujourd’hui,
ce canal existe encore, et à la suite de deux années de travaux
de dragage sur un tronçon de ce cours d’eau, certaines sections
ont été mises en service. On peut y voir des bateaux-mouches qui
font la navette entre les stations Longtanzha et Gaobeidian.
Les inondations
et la région de rivières et de lacs
 |
Le
lac Kunming était autrefois un lac de retenue des eaux de
source, en banlieue ouest de Beijing. Plus tard, il est devenu
le lac du Palais d’été. |
Menacée d’une pénurie d’eau, la population de Beijing
aspire d’une part à l’achèvement des travaux d’amenée d’eau du
Sud vers le Nord, mais d’autre part, puisqu’elle a subi des inondations
pendant des centaines d’années, elle a été obligée de prendre
des mesures anti-crue. Face à ces deux calamités naturelles, les
habitants de la capitale n’osent pas adopter une attitude désinvolte.
Dans l’histoire, la rivière Yongding est le principal
cours d’eau qui a débordé. D’après les statistiques, à partir
de la dynastie des Jin (1115-1234) jusqu’en 1949, la digue de
cette rivière s’est rompue 140 fois en 834 ans, et sous le règne
de la dynastie des Qing, elle l’a fait 68 fois en 268 ans, soit
une inondation tous les quatre ans. En 1626, sixième année du
règne de l’empereur Tianqi des Ming, la rivière Yongding a débordé
et s’est engouffrée par l’ouest de la ville, a suivi le canal
impérial, fait sauter les cinq écluses vers le district de Tongzhou,
et a submergé quantité d’habitations sur son passage.
En 1890, sous le règne de l’empereur Guangxu des
Qing, cette rivière a débordé encore une fois et submergé l’est,
le nord et le sud de Beijing, en détruisant beaucoup de bâtiments.
 |
Une
tronçon du canal protecteur de la porte Deshengmen. |
Il faut dire que l’histoire de Beijing est beaucoup
liée à celle de la rivière Yongding, qui prend sa source sur le
plateau mongol. Cette
rivière turbulente a changé
plus d’une fois de cours, modifiant à plusieurs reprises la physionomie
de la plaine, et causant parfois de grands ravages. Mais ses terres
alluviales sont très fertiles. S’appuyant sur ce cours d’eau,
on pouvait boire de l’eau de la source Yuquan et irriguer les
terres cultivées. Le paysage des canaux et des lacs urbains a
été embelli par les eaux de la Yongding. À l’extérieur des portes
Deshengmen et Xizhimen, les paysages jardiniers d’alors concentraient
des lacs, des temples, des pavillons, des villas, des oiseaux,
des poissons, des roseaux, des joncs, des lotus, des fleurs…
Restaurer l’ancienne physionomie de Beijing
L’urbanisme de Beijing ne doit pas négliger son
patrimoine hydraulique précieux. À cause de facteurs naturels
ou humains, beaucoup de cours d’eau ont eu besoin de dragage ces
derniers cent ans. Dans les années 60, la douve ouest du Palais
impérial a été transformée en canal souterrain. Au début des années
70, les douves des autres directions ont aussi été transformées
en canaux souterrains, en raison de la construction de rues et
de bâtiments. Actuellement, il ne reste qu’un tronçon de la douve
nord et la rivière protectrice du sud de la ville. D’après des
enquêtes, 80 % des citadins aimeraient voir un aménagement de
l’ancienne douve et des anciens cours d’eau.
 |
Un lac du district de Miyun. |
Heureusement, un plan de protection du système
fluvial de Beijing a été élaboré par le gouvernement. Son objectif
consiste à protéger et à aménager l’ancien réseau fluvial de Beijing
et à restaurer partiellement des canaux et des lacs ayant une
haute valeur historique. Selon le plan, la restauration de la
rivière Yihe, du canal Changpu, du système fluvial des zones de
Qianmen et Qiansanmen a été amorcée.
Depuis 1998, les investissements pour l’aménagement
du réseau fluvial de Beijing ont atteint un milliard de yuans.
Jusqu’aujourd’hui, des lacs ont été aménagés, dont Beihai, Shishahai,
et Tongzihe. Les plans d’eau Qingshuihe, Bahe et Liangshuihe sont
en cours de dragage. D’ici
à 2005, le gouvernement municipal allouera 5,45 milliards de yuans
pour l’aménagement d’une vingtaine de cours d’eau. Tous ces efforts
permettront à Beijing de se transformer en une belle ville entourée de cours
d’eau et de lacs.