OCTOBRE  2002

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le seul mensuel multilingue d'intérêt général en Chine, publié en français, anglais, espagnol, allemand, arabe et chinois.

 

 

Les Yao

Jeune fille yao.

Les quelque 2,13 millions de Yao vivent dans des communautés montagneuses disséminées dans 130 districts du Sud de la Chine. Environ 70 % de ceux-ci vivent dans la région autonome zhuang du Guangxi, les autres vivent dans les provinces du Hunan, du Yunnan, du Guangdong, du Guizhou et du Jiangxi.

Dans l’histoire, les Yao ont porté au moins trente noms différents qui étaient basés sur leurs modes de production, leur style de vie, leurs vêtements et leurs parures. Le nom Yao a été adopté officiellement après la fondation de la République populaire de Chine en 1949.

Environ 50 % des Yao parlent une langue appartenant à la famille des langues sino-tibétaines, d’autres utilisent les langues miao ou dong. Vu les contacts étroits qu’ont entretenus les Yao avec les Han et les Zhuang, ils parlent aussi les langues chinoise et zhuang. Les anciens de cette ethnie gardaient des registres des affaires importantes en gravant des entailles sur du bois ou des languettes de bambou. Avec l’arrivée des Han dans les régions yao, ce groupe ethnique se mit à utiliser les caractères chinois.

La plupart des Yao vivent dans des vallées de montagnes au climat humide où la végétation est abondante. Nombreuses espèces d’arbres, champignons, bambous, miel, patates, jute, herbes médicinales, animaux sauvages tels que singes, chevreuils, civette, ours, sangliers font partie des ressources naturelles qui forment l’environnement des Yao.

Histoire

Appelés les « tribus sauvages Wuling » il y a quelque 2 000 ans, les ancêtres des Yao vivaient autour de Changsha, la capitale actuelle de la province du Hunan. Deux ou trois siècles plus tard, on les appelait « Moyao ». Un des poètes les plus renommés de l’ancienne Chine, Du Fu (712-770), a jadis écrit : « Les  Moyao tirent les oies sauvages avec des arcs en bois de mûrier. » Au fil du temps, les histoires sur les Yao sont devenues de plus en plus nombreuses, ce qui montre les liens accrus entre les Yao et les Han. Durant la dynastie des Song (960-1279), l’agriculture et l’artisanat se sont développés beaucoup dans les régions des Yao, tels que les couteaux en fer forgé, les tissus teints en indigo et les métiers à tisser. À ce moment-là, les Yao du Hunan faisaient de l’élevage et utilisaient des outils de ferme en fer, dans des champs qu’ils louaient aux seigneurs han.

Durant les Ming et les Qing (1368-1911), les troupeaux et les outils en fer se répandirent parmi les Yao du Guangxi et du Guangdong qui cultivaient le riz et d’autres types de cultures dans des champs en terrasses. Ils creusaient des fossés pour l’irrigation et des canaux pour utiliser l’eau des sources. De plus, ils chassaient, ramassaient les herbes médicinales, faisaient du charbon et tissaient. Avant 1949, l’économie des Yao se composait de trois types :

Instrument de musique typique fait de cornes de bufle.

Le premier type et le plus courant, ayant l’agriculture et la sylviculture comme base, se concentrait dans les endroits dotés de bonnes conditions naturelles et fortement influencés par les Han. Dans ces endroits, les méthodes de culture et les relations sociales ressemblaient beaucoup à celles des Han et des Zhuang.

Le deuxième type était centré sur la sylviculture. Quelques seigneurs monopolisaient les forêts et les champs en terrasses, alors que les paysans devaient payer des taxes élevées, quoi qu’ils fassent : chasse, pêche, construction, collecte de fruits sauvages, etc. Par exemple, lorsque les pauvres paysans mettaient en valeur des terres en friche, ils devaient planter des jeunes arbres entre leurs cultures. Dès que ces jeunes arbres avaient grandi, les paysans devaient payer une taxe aux seigneurs sur ces arbres. Une telle situation a conduit bien des Yao à errer de lieux en lieux.

Le troisième type, pratiqué par un petit nombre de Yao, consistait dans la méthode primitive de culture sur brûlis. Bien que la plupart des terres eussent été possédées par les Han et les Zhuang, les paysans yao en possédaient quelques-unes. Dans ces cas, la terre appartenait aux anciennes communes, chacune formée de moins de 20 familles qui descendaient d’un même ancêtre.

Les Yao pratiquaient une forme intéressante de coopération primitive appelée « chanter en creusant », forme encore en vigueur dans la région autonome zhuang du Guangxi d’aujourd’hui. À la période du labour, vingt ou trente ménages travaillaient ensemble pour un ménage, jusqu’à ce que tous les travaux des champs soient terminés. Pendant que le groupe travaillait, un jeune homme se tenait debout dans les champs, frappait un tambour et dirigeait le chant. Tout le monde chantait.

Aujourd’hui la chasse reste une partie importante de la vie des Yao. D’une part, cette activité leur fournit une grande variété de nourriture, et d’autre part, cela empêche que leurs cultures et leurs forêts soient trop endommagées par les animaux sauvages. Après la chasse, on divise en parts égales entre les chasseurs. Certaines portions sont données aux enfants, portés sur le dos des plus vieux, mais le chasseur qui a capturé l’animal reçoit une double portion. On  garde également des portions pour les plus âgés du village.

Pendant près d’un millénaire avant ce siècle, la plupart des Yao furent dirigés par des chefs héréditaires. Le chef obéissait au gouvernement central qui était toujours dominé par des Han ou d’autres grandes ethnies. Après la prise du pouvoir du Guomindang, au début du siècle dernier, celui-ci maintint le système en place, ce qui signifie que les chefs yao gouvernèrent en divisant pour mieux régner. Les conflits furent nombreux et la paix n’a pu revenir que lorsque les Yao purent obtenir l’égalité avec les autres ethnies.

Les Yao ont cependant une longue tradition révolutionnaire. Dès la dynastie des Han, ils ont lutté contre le pouvoir impérial féodal. Durant les Tang et les Song, ils ont fomenté de nombreuses rébellions. De 1316 à 1331, ils ont instigué plus de 40 soulèvements. La révolte la plus importante a commencé en 1371 et a duré un siècle. Les Ming, effrayés, durent envoyer trois armées pour mater les rebelles.  La célèbre révolte des Taiping eut l’appui des Yao, et plusieurs d’entre eux furent renommés pour  leur bravoure. Les Yao ont aussi joué un rôle actif dans la fondation de la République populaire. Le district autonome de Bama était la base de la 7e armée rouge, sous le commandement de Deng Xiaoping. En 1951, le premier district autonome yao fut fondé à Longsheng, et de 1952  à 1963, huit autres furent fondés.

Us et coutumes

Les Yao ont un style de vie si unique que les différentes communautés sont relativement différentes les unes des autres.

Habillement. Selon L’Histoire de la dynastie des Han postérieurs (25-220), les anciens Yao « aimaient les vêtements multicolores ». Plus tard, dans certains registres historiques on peut lire que les Yao « marchaient pieds nus et étaient vêtus de manière colorée ».

Aujourd’hui, les costumes yao gardent leur diversité. Les hommes portent une veste boutonnée au milieu ou à gauche et habituellement cintrée. Certains hommes préfèrent porter un pantalon qui est tellement long qu’il frôle pratiquement le sol. Certains autres préfèrent un pantalon aux genoux. Le costume des hommes est habituellement bleu ou noir, mais dans certains endroits, ils portent un pantalon blanc aux genoux. Les hommes yao du district de Liannan du Guandong coiffent leurs cheveux en chignon, qu’ils enveloppent ensuite d’un tissu rouge. Ils y piquent ensuite de nombreuses plumes de faisan.

L’habillement des femmes est plus varié. Certaines femmes portent des vestes sans col, des ceintures en tissu et des jupes longues ou courtes; certaines choisissent des vestes qui tombent jusqu’aux genoux et boutonnées au milieu, des ceintures avec deux pendants et un pantalon long ou court; certaines brodent le col, les manches et le bas du pantalon de motifs. En plus des médailles d’argent qui décorent leur veste, les femmes yao portent des bracelets, des boucles d’oreille, des colliers et des broches à cheveux en argent.

Les Yao aiment l’alcool guadan.

Alimentation. Le riz, le maïs, les patates et les taros forment l’alimentation de base. Les légumes comprennent les poivrons, les citrouilles et le soya. Les boissons alcooliques et le tabac sont particulièrement prisés. Dans le nord du Guangxi, une nécessité courante est le thé à l’huile. Les feuilles de thé sont frites dans l’huile, puis bouillies en une soupe épaisse et salée qui est mêlée avec du riz ou du soja. Ce thé est servi comme collation en certaines occasions. Les oiseaux marinés constituent un autre mets favori. Les oiseaux évidés sont enduits de sel et de farine de riz, puis salés et déposés dans des pots bien scellés. On marine également d’autres types de viande de cette manière pour en faire des plats particulièrement raffinés. De nombreux Yao considèrent comme tabou de manger de la viande de chien. S’ils le font, ils cuisent la viande à l’extérieur de la maison.

Habitation. Une maison yao typique est formée d’une structure en bois et en bambou et comporte habituellement trois pièces, la pièce centrale au milieu, les chambres à coucher des deux côtés. Certaines maisons, bâties sur des versants montagneux, ont deux étages, l’étage supérieur étant occupé par la salle principale et les chambres à coucher, l’étage inférieur par l’étable. Dans les familles qui possèdent des installations sanitaires bâties à proximité de leur maison, le bain quotidien est une tradition, même durant les froids de l’hiver.

Mariage. Les Yao ont des coutumes matrimoniales surprenantes. La cour se fait surtout        en exécutant des chants en chœur, et les jeunes choisissent eux-mêmes leur amoureux et se marient avec le consentement de leurs parents. Cependant, selon la coutume, la famille du fiancé doit payer une somme importante et offrir du porc en dot à la famille de la fiancée.  Les hommes qui ne peuvent se permettre d’offrir ces cadeaux doivent vivre et travailler dans la famille de la fiancée et on les considère souvent de manière hautaine.

Dans les anciennes familles yao, les frères de la mère avaient leur mot à dire dans les affaires familiales et jouissaient d’une foule de privilèges. Dans certains districts de la région autonome zhuang du Guangxi, les filles des sœurs du père étaient obligées d’épouser les fils de leurs oncles maternels. Si d’autres partenaires de mariage étaient proposés, la dot devait être payée aux frères de la mère. On considère ces coutumes comme un héritage d’une société matrilinéaire.

Fêtes. Il y a environ une fête par mois dans les communautés yao. Bien que les coutumes varient d’endroit en endroit, il y a des célébrations communes : Fête du printemps, Fête du dieu de la Terre, fête Danu, fête Shuawang. La fête Danu, célébrée dans le district autonome yao de Duan du Guangxi, commémore les anciennes batailles. La fête Shuawang se tient tous les trois ou cinq ans, durant le dixième mois du calendrier lunaire, et elle offre aux jeunes une occasion en or de se courtiser.

Religion. Les Yao vénèrent une foule de dieux et leurs ancêtres. Leur croyance en Panhu, l’esprit du chien, est un vestige du totémisme. Les communautés yao avaient l’habitude de tenir des rituels très élaborés pour réciter des prières et offrir des sacrifices aux ancêtres et aux dieux. Dans certaines communautés, on organisait une cérémonie solennelle, lorsqu’un garçon atteignait l’âge adulte. Selon la légende, lors de la cérémonie, le garçon avait à sauter d’une plate-forme de trois mètres de haut, grimper sur une perche à laquelle  étaient attachés des couteaux bien aiguisés, marcher sur des briques chaudes et tremper une main nue dans de l’huile bouillante. Ce n’est qu’après avoir subi ces tests qu’il pouvait se marier et prendre part aux activités sociales. Maintenant, grâce à leurs meilleures connaissances scientifiques et culturelles, les Yao se sont débarrassés des coutumes irrationnelles, tout en préservant les plus saines.

Littérature et tradition orale. Les Yao ont une littérature orale très riche. Le chant forme une partie indispensable de leur vie. Certains chants folkloriques sont des chansons d’amour, d’autres relatent l’histoire des Yao, racontent des légendes sur la création du ciel et de la terre ou des histoires humoristiques. Dans plusieurs cas, ces chants  ont été légués de génération en génération. À part les tambours, les gongs et le suona (un instrument à vent), le tambour à la taille, un autre instrument traditionnel des Yao, est typique à cette ethnie.

Habiletés particulières. Les Yao sont des experts en broderie, en teinture et en tissage. Durant la dynastie des Han, ils tissaient des vêtements à partir de l’écorce d’arbre, et ils les teignaient avec des graines de semence d’herbe. Durant les Song, ils ont développé des motifs délicats, teints sur du tissu blanc avec de l’indigo et de la cire d’abeille.